À Lyon, des collages pour dire stop aux féminicides

Des lettres majuscules noires sur fond blanc, le message est plutôt clair : le mouvement "Collage contre les féminicides à Lyon" veut donner de la visibilité au 117 femmes tuées depuis le début de l’année 2019.

Dans un contexte de Grenelle contre les violences conjugales et de multiplication des actions pour dénoncer les féminicides (à l’image de la manifestation des Femen samedi au cimetière Montparnasse à Paris), de jeunes militantes lyonnaises ont choisi d’exprimer leur colère sur les murs de la ville. Alors que la campagne d’affichage a d’abord été lancée à Paris par Marguerite Stern (ex-Femen), à Lyon ce sont deux étudiantes, Élisa et Charlotte, qui ont repris le mouvement. Avec leurs affiches, elles souhaitent briser le silence sur le sort des femmes victimes de violences.

Déclarée "grande cause du quinquennat" par Emmanuel Macron, l’égalité femme-homme est censée être une priorité, mais les activistes font face à un gouvernement qu'elles estiment inactif : "à ce jour ce sont 117 femmes qui ont été tuées par leur conjoint et ex-conjoint depuis le début de l’année 2019 (…) souvent ces femmes ont porté plainte, parfois plusieurs fois, mais le système juridique et judiciaire ne les protège pas". Leur mouvement revendique ainsi le déblocage de 1 milliard d’euros pour sauver ces femmes qui meurent 1 jour sur 2, sous les coups de leur conjoint.

Des mots forts pour alerter l’opinion publique

Munies d’un seau de colle et de pinceaux, elles placardent lundi soir plusieurs murs du 3e arrondissement. "Femmes en colère on se laissera pas faire", "On ne tue pas par amour" ou encore "Féminicides police complice" sur le pont de la Guillotière, sont des exemples de phrases chocs qu’elles ont choisi d’afficher. Ces collages, pouvant rester 24 heures ou 1 mois avant d’être arrachés, interpellent les passants sur des lieux stratégiques : "on veut faire comprendre aux gens que la situation est grave (…) faire prendre conscience aux femmes que ce n’est pas normal ce qu’elles vivent, qu’on les écoute et qu’on peut les aider", explique Charlotte.

Élisa, Charlotte et les 80 autres membres du collectif Lyonnais visent également l’administration. Elles dénoncent "l’hypocrisie du Gouvernement, qui lance une campagne de communication plus qu’un Grenelle", le manque de moyens des associations d’aide aux victimes et la diminution de 25 000€ du budget attribué pour l’égalité hommes-femmes (projet de loi de finances 2020). Elles demandent aussi que les forces de l’ordre soient formées à la prise en charge des victimes de violences conjugales. Autre volonté : que le mot "féminicide" soit enfin reconnu et intégré dans tous les dictionnaires.

La "reconquête de l’espace public"

Les "colleuses" comme elles se font appeler, opèrent rarement avant 23 heures. Si elles ont choisi de mener leur action à la nuit tombée, c’est pour deux raisons : d’abord parce qu’elles ne souhaitent pas être visibles par les forces de l’ordre, ensuite, parce que ça a un côté symbolique. Élisa parle de "reconquête de l’espace public" : environ six groupes de femmes se partagent les arrondissements de la ville, investissant la rue, lieu où elles ne sont pas toujours bien traitées. Leur but est de briser les codes, de lutter contre la représentation masculine dans la rue. "On se balade en pleine nuit, moment où les femmes se font rares (…) avec des seaux et de la colle, qui sont des éléments de bricolage souvent attribués aux hommes donc c’est d’autant plus fort", ajoute-t-elle.

Il leur arrive même d’avoir ce sentiment de reconquête lorsqu’elles sensibilisent les gens pendant les séances de collage. Élisa raconte ce moment drôle dans le quartier de la Guillotière : "On collait des affiches sur le patriarcat et des mecs, qui étaient là en train de fumer, sont venus nous voir pour nous demander ce que ça voulait dire". Pour la militante féministe, ce moment était intéressant, car non seulement elle a pu sensibiliser le groupe de jeunes aux violences conjugales, mais elle a également eu "l’impression de gagner le respect de ces hommes qui ont un poids important dans la rue".

Bien que le collectif féministe ait fait des collages sa signature, son action ne s’arrête pas là. Ses membres se font également le relais du discours des associations. Élisa et Charlotte ont rencontré plusieurs structures lyonnaises (notamment "Nous Toutes") et ont prévu des actions communes avant la grande marche féministe de novembre. Les militantes laissent également entendre que des actions plus importantes pourraient voir le jour, prévoyant d’aller piocher dans le répertoire d’action des Femen.

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