Le groupe ACI, en redressement judiciaire après six années d'acquisitions frénétiques de sites industriels, a obtenu un nouveau sursis mardi devant la justice commerciale, mais une de ses filiales a été rachetée et la plupart des autres ont été mises en vente.
Le Tribunal des activités économiques (TAE) de Lyon, dont beaucoup anticipaient qu'il prononcerait la liquidation judiciaire, a prolongé jusqu'au 4 février 2026 la période d'observation pour la holding ACI Group, ont annoncé à l'AFP Gauthier Doré et Jean-Marie Chanon, les avocats de Philippe Rivière, l'entrepreneur médiatique qui l'a co-fondée en 2019.
M. Rivière est accusé par les syndicats d'avoir mis en péril près de 1.300 salariés de 33 sociétés qu'il a rachetées, avant, selon eux, de "siphonner" leurs trésoreries. Au moins 26 d'entre elles, placées séparément en redressement ou liquidées, avaient été mises en vente dès vendredi par les administrateurs judiciaires, "à l'initiative" du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ceri) piloté par Bercy, selon une note de la direction d'ACI consultée par l'AFP.
Et le premier rachat, une PME de Haute-Loire, a été validé mardi par le TAE, avec la sauvegarde de 29 emplois sur 37.
"Laisser mourir..."
"C'est peut-être la moins mauvaise solution pour sauvegarder les activités industrielles et le maximum d'emplois", a commenté pour l'AFP Fabrice Fort, coordinateur de la CGT-Métallurgie d'Auvergne-Rhône-Alpes, ajoutant: "Dépouiller la holding en sauvant séparément le plus possible de filiales puis la laisser mourir..."
ACI avait déjà obtenu du TAE deux sursis depuis début décembre, en avançant une proposition de refinancement. "On continue de travailler, je suis confiant pour trouver un projet dès 2026", a assuré M. Rivière à la sortie de l'audience.
ACI Group a racheté, en six ans au pas de charge, plus de 35 entreprises en difficulté, spécialisées dans la fourniture de pièces, notamment pour les secteurs stratégiques comme la défense, l'aéronautique et le nucléaire civil. Son patron, friand des médias et des réseaux sociaux, se posait volontiers en défenseur de la "souveraineté industrielle française".
Il "achetait avec boulimie" mais ensuite "siphonnait les trésoreries des entreprises pour pouvoir se repositionner en sauveur", selon Fabrice Fort. Avant que ACI soit placé en redressement judiciaire fin septembre et M. Rivière déchu de son mandat de dirigeant.
Abus de biens sociaux
En parallèle, la justice pénale a ouvert une enquête contre lui notamment pour abus de biens sociaux.
Peu avant l'audience mardi au TEA de Lyon, la CGT-Métallurgie a montré à l'AFP un courrier dans lequel elle enjoignait au syndicat patronal de la branche, l'UIMM, de travailler de concert pour "mettre en œuvre un plan de sauvetage de dimension nationale" des filiales d'ACI Group.
Et mardi, le TEA a validé le rachat d'une première filiale, Roche Méca Tech, dans la Loire, par une autre PME de la région, Ateliers Agiles, qui usine, comme elle, des pièces de mécanique de précision notamment pour les industries de l'armement, du nucléaire civil et du médical, a annoncé à l'AFP son propriétaire de 39 ans, Jérémy Rochand.
Le rachat prévoit de conserver 29 des 37 emplois de Roche Méca Tech, a précisé à l'AFP l'avocat de M. Rochand, Nicolas Bes, en annonçant qu'il était mandaté par d'autres repreneurs pour déposer "rapidement" des offres de rachat de sept autres filiales d'ACI.
"Oui à cette stratégie à condition que l'Etat joue vraiment le jeu pour accompagner, aider à aller chercher des repreneurs sérieux et mobiliser les donneurs d'ordre pour sécuriser les carnets de commande", commente Fabrice Fort qui, à l'unisson de la CGT, dénonce régulièrement, pour ACI et d'autres, un "scandale des aides publiques" à des "fonds vautours".