Thomas Huchon
Thomas Huchon : « Les politiques n’ont pas compris l’ampleur du sujet des fake news »
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"Le mensonge simplifie. Il explique facilement" analyse Thomas Huchon

Dans le déluge d’informations, de rapports, que croire, qui croire ? Dans quelle mesure faut-il douter pour s’informer ? Qu’y a-t-il de grave à ce que des gens pensent que l’homme n’est jamais allé sur la Lune ? Pourquoi tant de personnes sont enclines à croire aux fake news ? Quelles sont les limites à la liberté d’expression ?

Le dernier ouvrage, Résister aux fake news – Comment faire face aux théories du complot les plus courantes (First Éditions) de Thomas Huchon*, journaliste spécialiste de la lutte contre la désinformation, est un petit manuel de survie face aux fake news.

*Il est le fils de Jean-Paul Huchon, à la tête du conseil régional d’Île-de-France pendant dix-sept ans.

Lyon Capitale : Un jeune Français (18-24 ans) sur six estime que la Terre est plate. D’autres sont convaincus que le vrai prénom de Brigitte Macron est Jean-Michel ou que les vaccins anti-Covid n’ont servi qu’à nous implanter des puces 5G sous la peau. Faut-il que les défenseurs de la raison s’affirment plus fermement et rappellent clairement ce qui est vrai et ce qui est faux ?

Thomas Huchon : La société française avait érigé un certain nombre de repères pour s’informer. Ces repères ont sauté sans qu’on s’en rende compte, tout en donnant l’impression d’être restés. On retrouve, sur les réseaux sociaux, les titres de presse que l’on connaissait, mais on voit bien que ça ne se distribue pas de la même façon. La logique n’est plus la même. Une nouvelle règle s’est imposée : celui qui parle le plus fort a raison. Il y a un double phénomène qui fait que ceux qui défendent les faits et la raison sont en train de perdre le combat face à ceux qui crient le plus fort et jouent sur nos émotions. Je crois qu’il faut faire notre travail du mieux possible et défendre notre rôle dans la société. Pour cela, il faut maîtriser non seulement la parole, mais aussi la manière dont elle est diffusée. Le principal problème des réseaux sociaux, ce n’est pas la circulation du mensonge, mais la circulation d’informations dérégulées.

La vérité est-elle une question politique ?

Je crois qu’on se trompe sur ce qu’on met derrière le mot vérité. Quand on parle de post-vérité, on a l’impression que la vérité a disparu. Je ne crois pas qu’elle ait déjà existé comme une valeur commune partagée de tous. Ce n’est pas très grave d’avoir chacun nos vérités à partir du moment où l’on partage un point de départ : les faits. Ce qui a disparu, ce ne sont pas les vérités, ce sont les faits. Pour moi, ce qui est une question politique, ce n’est pas l’existence de la vérité, mais celle des faits, et l’idée que nous sommes obligés de les reconnaître. C’est ce qui a profondément changé, notamment en politique, et qui permet que les faux complots fassent aujourd’hui l’histoire.

La vérité n’a jamais été une vertu des politiques…

Je pense effectivement que ça n’a jamais été une vertu des politiques, et surtout que ça n’a jamais été une préoccupation. La question n’était pas la vérité, mais la victoire électorale. Il existe un peu l’idée qu’il faut tendre vers la vérité pour exister dans l’espace public. Aujourd’hui, j’ai l’impression que ce n’est plus le cas et qu’il existe une prime à l’utilisation de vérités alternatives. Là où dire des choses fausses et potentiellement dangereuses ou racistes n’était pas acceptable, on voit aujourd’hui que celui qui dit la plus grosse saloperie raciste et mensongère gagne les élections. C’est l’histoire de Trump avec les migrants haïtiens qui mangeraient des chiens dans l’Ohio. On se disait qu’il allait se décrédibiliser, que c’était absurde, mais il a gagné avec ce discours. Ce qui est très intéressant, c’est ce qu’il s’est passé lors du débat. Avec mes outils de mesure, j’ai observé que dans la foulée du débat, il y a eu 2 millions de tweets défendant l’idée qu’à Springfield, dans l’Ohio, des chiens étaient mangés par des migrants. Ces 2 millions de tweets ont généré 3 milliards de vues. En moyenne, un Américain inscrit sur les réseaux sociaux a vu passer 60 fois un message défendant cette idée dans les trois semaines qui ont suivi. Et si vous voulez comprendre pourquoi il utilise cet argument, il vous manque une information : 70 % des Américains ont un animal de compagnie. La boucle est bouclée.

“Une nouvelle règle s’est imposée : celui qui parle le plus fort a raison”

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