Raphael Michaud urbanisme
Raphael Michaud, adjoint écologiste à l’urbanisme de la Ville de Lyon

"On arrête de dire que le béton palliera toutes les lubies des architectes"

Raphaël Michaud, adjoint écologiste à l'urbanisme de la Ville de Lyon, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Depuis leur arrivée au pouvoir en juin 2020, les écologistes lyonnais ont profondément changé le logiciel urbain. Exit la "signature", la "starchitecture", l’exception architecturale. Place à l’usage, à la sobriété et à une forme de banalité assumée. Les projets urbains de la mairie et de la métropole, qu’il s’agisse de nouveaux bâtiments ou de réaménagements d’espaces publics, bouleversent notre rapport à l'esthétique.

"Non, je n'ai certainement pas balayé l'héritage de Gérard Collomb !
Jamais on n'aurait pu changer l'héritage si on avait gardé l'image du quartier des putes et des prisons."

Lyon court-elle le risque de devenir "sans style" ? Les Lyonnais peuvent-ils se contenter d'un aplatissement esthétique ? Avant la publication de l'enquête de Lyon Capitale - Lyon vit-il un dérèglement esthétique ? -, Raphaël Michaud, adjoint écologiste à l'urbanisme de la Ville de Lyon, répond que "dans une ville très agressive dans une ville où chacun se sent vraiment sollicité en permanence moi je tiens à ce que l'architecture soit plutôt un lieu de douceur un lieu élégant un lieu apaisant."

Les écologistes ont imposé une autre grammaire visuelle. Sobriété, usage, rejet de l'objet et de la monumentalité. Et l'idée d'une "ville apaisée". La petite musique que Lyon a changé de paradigme, la beauté cessé d’être un objectif en soi, n'a jamais autant résonné. "On assume qu'on n'est plus sur de l'extraordinaire on est plutôt sur de l'ordinaire extra." tranche Raphaël Michaud.

Chacun jugera.


La retranscription intégrale de l'entretien avec Raphaël Michaud

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous recevons aujourd'hui Raphaël Michaud. Bonjour.
Bonjour.

Raphaël Michaud, vous êtes adjoint écologiste à la Ville de Lyon, adjoint à l'urbanisme. Et si Lyon, c'était un peu provocateur, devenait une ville sans style ? Depuis leur arrivée en 2020, les écologistes ont changé en profondeur l'image de la capitale des Gaules : fini les grands projets architecturaux, adieu la starchitecture de l’époque de Gérard Collomb. Désormais, on est davantage dans la sobriété, l'usage qui passe avant l'esthétique. Mais cette nouvelle approche, est-ce une force ou un risque d'uniformité pour la ville ? Pendant 20 ans, Lyon a brillé par son goût pour l'architecture et le design, un peu comme une vitrine esthétique pour s'imposer comme métropole. Est-ce que finalement, vous avez balayé l'héritage de Gérard Collomb ?
Je n'ai certainement pas balayé l'héritage de Gérard Collomb. C'était clairement une force pour changer des territoires qui avaient une image déplorable. Jamais on n'aurait pu transformer l'héritage si on avait gardé l'image du quartier des putes et des prisons. Avec la Darse, avec des architectures complètement exubérantes, on a changé certains quartiers. Maintenant, mon constat, c'est que l'architecture ce n'est pas seulement cela. Ce sont des éléments qui permettent de montrer qu'on a bifurqué de manière explicite et qu'on prend soin des habitants. Dans une ville très agressive, où chacun se sent sollicité en permanence, je tiens à ce que l'architecture soit plutôt un lieu de douceur, d'élégance, d'apaisement.

Vous parlez d'urbanisme santé, d'architecture régénérative, de matériaux sains qui font baisser la tension artérielle. Derrière cette sémantique, on arrive à comprendre clairement, mais il y a aussi quelque chose de conceptuel, presque communautaire, un peu utopique des années 70.
J'assume complètement une part d'utopie. Lyon est la ville des utopies réalisées. Si on va à la Cité Jardin, on voit bien que c'était possible de faire de l'habitat social avec un très beau dessin art déco. Aujourd'hui, je suis heureux de voir que les promoteurs arrivent à construire des bâtiments en pisé, en pierre massive, en paille, en bois, et que cela se vend. Les gens qui y vivent s'y sentent bien. On peut garantir de l'intimité et du bien-être, pour que chaque logement soit un cocon et un lieu d'épanouissement.

Est-ce que pour vous la vraie bascule en architecture et en urbanisme, c'est aujourd'hui l'architecture santé ?
Oui, je pense qu'il faut prendre soin de la planète et des habitants. C'est très important d'avoir des architectures qui réparent. La ville régénérative est quelque chose qui fonctionne très bien et qui est facile à expliquer. En tant qu’homme politique, et non architecte, c’est un appui précieux de pouvoir dire : « Allez-y, touchez la pierre, installez-vous, lisez un livre dans cette architecture en bois. Constatez simplement le plaisir d’y être. » Pour moi, c’est essentiel de rendre la ville désirable.

Concrètement, si on prend un nouvel immeuble, que signifie l’architecture régénérative ?
C’est écouter les éléments. Se dire : comment le vent la nuit pourra passer d'une fenêtre à l'autre pour rafraîchir ?

Donc des appartements traversants ?
C’est cela. Comment le soleil, même au solstice d’hiver le 21 décembre, pourra entrer ? Comment la pluie pourra naturellement s’infiltrer dans le terrain pour qu’un arbre pousse en bas de chez soi, sur de la pleine terre ? Tous ces éléments contribuent à un urbanisme favorable à la santé.

Et à vos détracteurs, ceux qui disent que l’esthétique n’est plus un critère, que cela arrive en fin de budget, que répondez-vous ?
À Lyon, ce n’est pas vrai. Nous avons remis la qualité de vie pour les passants et les habitants au cœur du projet. Nous assumons de ne plus chercher l’extraordinaire, mais de viser l’« ordinaire extra » : de petits détails, de petites attentions, des matériaux qui font que, réellement, quand on se balade dans la ville, elle est de plus en plus belle.

Est-ce qu’on peut dire que vous privilégiez désormais l’usage plutôt que le style ?
C’est un style qui traduit l’usage. J’assume le fait qu’on ne fasse pas semblant, qu’on ne mette pas des carreaux pour masquer la réalité du matériau ou des fonctions perturbées. On assume que lorsqu’il s’agit d’un bâtiment de logements, cela se voit ; d’un bâtiment de bureaux, cela se voit ; et quand ce sont des bâtiments hybrides, il y a une composition particulière. L’architecture reprend sa place pour traduire et laisser transpirer ce qui se passe à l’intérieur.

Vous m’avez montré des photos de bâtiments bientôt inaugurés. Ils paraissent plus sobres que les immeubles de la phase 1 de la Confluence, avec leurs porte-à-faux et leurs déséquilibres. Aujourd’hui, on a l’impression d’être dans quelque chose de plus formel.
La gravité pour moi est fondamentale. Il nous faut une architecture terrestre où les choses s’ancrent, sans chercher à empiler des matériaux pour créer des formes exubérantes. Par contre, allez voir la puissance de ce que cela donne aux Girondins sur le projet ALMA Petra : de la pierre massive sur huit étages. Voyez à quel point c’est de l’architecture, une architecture totale qui impressionne. Beaucoup de gens s’arrêtent pour regarder, prendre des photos, et découvrir ce qui se construit à Lyon.

Plus globalement, avec la transition écologique, on intègre forcément des critères liés à l’environnement dans la construction. Mais est-ce que le dérèglement climatique entraîne nécessairement un dérèglement esthétique ?
Certainement pas. Au contraire, cela remet l’esthétique au cœur du jeu. On arrête de dire que le béton compensera toutes les lubies et exubérances des architectes. La transition nous remet au centre et à Lyon, je veille à ce que chaque bâtiment participe explicitement à la transition. C’est une esthétique renouvelée.

Merci Raphaël Michaud d'être venu sur le plateau. Sur ce sujet d’urbanisme, vous retrouverez un grand dossier dans le prochain Lyon Capitale. Pour en savoir plus : www.lyoncapitale.fr. Merci beaucoup, au revoir.

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