Trail du Circuit de la Sure embedded

On a couru le Grand Trail du circuit de la Sure, en Chartreuse. On vous raconte, les doigts de pied en berne.

6h00, campus de la Brunerie, haut lieu de la filière sport du Pays voironnais. Une petite centaine de coureurs prend le départ du mythique Grand Trail du Circuit de la Sure, une boucle de 54 km et 3 500 D+, en pleine Chartreuse, avec l'ascension de la Grande Sure (1920 m) – septième plus haute cime de Chartreuse – pour point culminant.

Le parcours débute par 1,8 km de plat. C’est le genre de tracé qui peut s'avérer périlleux si on part trop vite, grisé par l'euphorie du départ, adoptant de fait un rythme bien au-dessus de ses capacités. Dès la première bosse, le long d'un sentier forestier bien marqué, la file de trailers s'étire doucement. Un début de course plutôt tranquille jusqu'au premier ravitaillement en eau plate et coca, après quoi on attaque une seconde bosse de deux kilomètres et 250 D+. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est boueux.

Première descente direction la cascade de la Pisserotte (64 mètres de haut), aux Grollets, qui dévale à toute allure de la montagne de la Grande Sure. Commence la première vraie difficulté : un pierrier détrempé raide comme la justice qui se poursuit par une sente sinueuse et abrupte au milieu d'un tapis d'ail des ours odorant ("avec de l'huile d'olive, tu fais un un pesto, c'est un régal" me lance mon voisin de "cordée"). La réplique de Belmondo dans "Un singe en hiver" me revient d'un trait : "une paella sans coquillages, c'est comme un gigot sans ail, un escroc sans rosette". Je rêve de gigot... au milieu de cet ail.

Il est où le gigot, il est où ?

Les 5,7 km et 1 100 D+ auront raison des quadri. Avec des passages à 25/30%. Premières crampes. Assis sur un des rares rochers assez plat pour reprendre mon souffle (cardio à 140), je laisse passer huit marcheurs rapides. Je leur lance un « Vous êtes du coin, non ? ». Réponse qui fusent : Voiron, St Laurent du Pont, Coublevie, St Jean de Moirons... Bref, les gars font la grimpette depuis qu'ils sont en âge de marcher, pendant que le petit citadin (que je suis) découvrait le vélo au parc de la Tête d'Or.

Arrivée au refuge Jusson, sur le versant Ouest de la Grande Sure. Pas fâché, tant j'en ai plein les bottes (à ce stade, on pourrait quasi parler de cuissards). Redescente sur un sentier technique, bourbeux et parsemé de pierres. Pas de répit, on enchaîne sur un single track plus alpin qui grimpe sec façon cabri. Le soleil se met de la partie. Superbe approche du sommet par une « cheminée », le goulet de Lorzier, version varappe. Accueil des bénévoles (il y en aura quasiment 1 par coureur sur cette course !) aux petits oignons.

La redescente, facile, se fait sur des pelouses et des landes subalpines, avec quelques boisements de pins à crochets. Sur notre gauche, en zone de falaise, des dizaines et des dizaines de chamois tiennent leur meeting dominical  dans des éboulis siliceux. Petit moment de répit où on profite, jusqu'à l'arrivée en contrebas, au refuge d'Hurtières. Il fait chaud. Ici, les écarts thermiques peuvent être importants. On est en plein cagnard. Passage obligé par le ravito : tucs, pâte de fruits, chocolat (dégoulinant), tranches de saucisson, fromage de la région... Va pour un gel et une compote et beaucoup d'eau.

Droit dans l'pentu

On attaque le fameux sommet de la Grande Sure, à flanc de falaise et à découvert. Droit dans le pentu, comme on dit dans le coin : pas de longs lacets, mais des virages serrés dans une pente de 3,2 km pour 400 D+. Escarpé, alpin, serpentin et panoramique. Bonne mise en condition des trails alpins estivaux.

Là-haut, on aperçoit Chamechaude, le Grand Som, Le Granier, les Lances de Malissard, la Dent de Crolles... Plus loin la chaîne de Belledonne, l'Oisans, les Ecrins, un bout du massif Mont-Blanc... Mais toujours pas de gigot. Va pour une compote et une demi-pâte d'amande.

C'est parti pour 9 km de descente (avec un début très technique, casse-pattes et casse-gueule) et 1 500 D+. Interminable, et exigeant une vigilance de tous les instants. Je rate d'ailleurs le coche et tombe dans un pierrier qui me fait glisser sur une dizaine de mètres. Heureusement, personne devant, je retrouve le chemin. On arrive à Saint Joseph de Rivière. Mon petit comité de soutien, 100% féminin, m'attend. Changement de tee-shirt. Pause d'un bon gros quart d'heure. Il est 13h00. Repas dominical à base de gel, tucs (pour le sel), pâtes de fruits, un bout de pain d'épices et beaucoup d'eau gazeuse (sels minéraux). Je rêve d'un steak-frites.

Post-maison de retraite

C'est ici que je « rate » ma course. J'avais mal étudié le parcours persuadé qu'il restait une grosse ligne droite d'une dizaine de kilomètres, avec une "bosse" au milieu : il y en a trois, dont deux pas inintéressantes, et encore vingt bornes. Dur mentalement. La première montée-descente ne se passe pas si mal. Mais la partie de plat un peu bitumée de 2,5 km... Un peu comme si, après un bon gigot, on vous demandait de passer l'aspirateur au grenier ! Une vilenie. Impossible de courir. Plus de jus. Niet, nada. Je suis contraint à une marche pénible post-maison de retraite.

Dernier ravito dans un joli petit hameau (de nuit, l'ambiance doit être un brin plus flippante) au pied de l'avant dernier "coup de cul". Je plonge la tête dans une source d'eau fraîche. Un paysan du cru, d'un âge plus qu'incertain, bâton de marche calé sous le coude, casquette visée sur le crâne, nous regarde d'un air qui ne dit rien d'autre que "moi votre balade de la Grande Sure, j'la fait tous les jours depuis un demi-siècle... et en sabots!".

Et nous, on est monté comme des Ferrari. Ça contraste sec..

Cette montée sera dure. L'énergie revient, comme les cerises sur les arbres. Ma foulée s'allonge, le rythme aussi du coup. Je grimpe, je grimpe, façon métronome. Je double un coureur, puis deux. Et tourne à droite et commence à descendre. J'entends alors des cris derrière moi, je me suis trompé de direction. J'étais bon pour me perdre en forêt. Et en Chartreuse, ça ne pardonne pas.

J'attaque la descente. Les pierres que j'ai tapées il y a quelques heures m'ont esquintées les deux orteils. Je suis contraint de freiner, ce qui sollicite d'autant plus les quadris.

Posuerunt me custodem

Un peu de plat. Un peu de répit. Je ne cours pas, les crampes se réveillant trop facilement. Il me reste six kilomètres, je ne peux pas abandonner maintenant. C'est maintenant au tour de la fameuse montée jusqu'à Notre-Dame de Vouise. Posuerunt me custodem (« ils ont fait de moi leur gardienne »), avec un joli panorama sur les massifs de la Chartreuse et du Vercors. J'avale la centaine de mètres de dénivelé sans souci et redescend sur Voiron, jusqu'à l'arrivée que je franchis à 16h13. Heure idéale pour un petit St Marcellin de la ferme de Plantimay et une bière locale La Dauphine.

Il y a deux ans, j'ai couru l'OCC, 53 km et 5 300D+, dans le massif du Mont-Blanc en 9h15. Cette année, dans le cadre d'une préparation à l'UTMB, j'ai opté pour le Trail du Circuit de la Sure. Un poil moins vite. Mais les sentiers du Mont-Blanc et de Chartreuse sont bien différents. « Ici, on fait dans le cabri ! » me lance hilare un organisateur (54e à la Diagonale des Fous 2017 !).

Truffé de cabris et de (mi-hommes mi) bouquetins –, le Circuit de la Sure était une authentique corne d'abondance.

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