Aline Cénédèse est membre de l’association Projet animaux zoopolis (Paz) qui défend la cause des animaux partout en France. © William Pham
Aline Cénédèse est membre de l’association Projet animaux zoopolis (Paz) qui défend la cause des animaux partout en France. © William Pham
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Fermeture du zoo de la Tête d'Or : “Qu’est-ce que ça change, au fond, d’aller voir un animal exotique ?”

Aline Cénédèse est membre de l’association Projet animaux zoopolis (Paz) qui défend la cause des animaux partout en France. À Lyon, les militants ont lancé une pétition pour demander la fermeture du zoo du parc de la Tête-d’Or et le placement des animaux dans des refuges adaptés. Loin d’être anecdotique, son combat implique aussi une vision nouvelle de la société, où les relations “humain-animal” doivent être repensées.

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?

Aline Cénédèse : Non, je ne suis pas une grande gueule. Par contre, face à la cruauté sur les animaux, je suis révoltée, cela me met hors de moi. C’est cela qui m’anime.

Comment êtes-vous passée d’une sensibilité pour les animaux à l’engagement militant en leur faveur ?

Il y a mon histoire personnelle. Avant de venir habiter à Lyon, j’ai grandi à la campagne entourée d’animaux de la ferme. Doucement, à force de sauvetages de chats, je me suis peu à peu mobilisée lorsqu’il fallait manifester, tracter avec des associations mais sans en être forcément membre. C’est la question des pigeons qui m’a fait franchir le pas avec Paz. Ils se faisaient gazer dans des conditions atroces. Ça m’était difficile de voir à quel point ils étaient maltraités dans certaines communes de la métropole dont Vaulx-en-Velin. Je voulais démarcher les mairies pour les inciter à des modèles de régulation de l’espèce moins cruels, comme le maïs ou les pigeonniers contraceptifs. Nous n’admettons pas que l’on tue, que l’on torture des animaux pour la simple raison qu’ils nous gênent. Parce qu’au fond c’est cela. L’argument de l’hygiène ne tient pas. Cela fait longtemps que l’on sait que les pigeons ne transmettent pas de maladies dangereuses à l’homme à moins de vivre en permanence avec eux. C’est d’autant plus préjudiciable qu’il existe des solutions qui marchent. À Barcelone, les autorités sont parvenues à réduire de moitié la population de pigeons en seulement trois ans grâce au maïs contraceptif. Il y a des avancées similaires à Bruxelles. Pourquoi pas chez nous ?

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Quelle est votre opinion sur le concept de “nuisible” ? Il n’y a pas d’exception à la cause animale comme avec le moustique ?

Je ne supporte pas la souffrance des animaux. À ce jour, nous ne savons pas si les moustiques sont doués de sensibilité. C’est vrai que la surpopulation de moustiques c’est l’horreur pour tout le monde surtout que – dans ce cas – il peut y avoir des maladies. Ce n’est pas parce qu’on est militant de la cause animale qu’on est moins piqué que les autres. À titre personnel, je préconise l’anti-moustique afin de les éloigner. Ensuite, les moustiques ne sont pas totalement inutiles. En plus de filtrer l’eau, ils font aussi partie de la chaîne alimentaire et servent à nourrir de nombreuses autres espèces. Il faut aussi regarder en amont la raison de leur présence. Pourquoi y a-t-il autant de moustiques ? Parce qu’il n’y a plus de grenouilles ni d’oiseaux. C’est dramatique ce qu’il se passe sur les oiseaux. La prolifération de moustiques n’est qu’un symptôme. Si l’on n’avait pas abusé des pesticides, si l’on avait respecté les habitats des oiseaux en ville et à la campagne, il y aurait aussi moins d’insectes comme le moustique. Pour vous répondre : les intérêts des animaux doivent être pris au sérieux, que ce soit une vache, un lion ou une araignée, et même les rats. Pourquoi les faire souffrir avec des pièges tout à fait cruels, comme les pièges à colle ? Je rappelle que ce n’est pas encore interdit en France. Et puis, en amont, peut-être que si la gestion de nos poubelles était meilleure, on aurait moins de rats.

Quand on est militant de la cause animale, est-on forcément végétarien ?

Oui, voire végétalien – ou végane [éviter tous les produits d’origine animale, NdlR]. Il faut bien voir ce qu’il y a derrière les produits issus des animaux. Par exemple, pour avoir du lait, on retire le veau de sa mère dès son premier jour, et ils en pleurent tous les deux. C’est insensé. Et le veau est ensuite engraissé dans des conditions atroces, pour après terminer à l’abattoir. La priorité est de mettre un terme à l’élevage intensif. Avant, on mangeait un poulet par mois. À présent c’est tous les jours. Quand vous achetez une cuisse de poulet à 2 euros, vous ne vous dites pas qu’il y a un problème ? Entre les hormones, les antibiotiques, maintenant le mercure dans le thon, c’est de la folie ce que l’on trouve dans nos assiettes.

Êtes-vous décroissante ? Pour un retour au modèle traditionnel de production ?

À titre personnel, pas du tout. Pas de retour en arrière. Par contre, il me semble primordial de sortir de la société de consommation. Je pense que le bon modèle est celui du local, du circuit court, mais c’est surtout un mode où l’on arrête de considérer l’animal comme une machine dans l’industrie agroalimentaire. Aujourd’hui, l’objectif de notre système n’est plus simplement de nourrir la population, c’est de nous fournir en abondance de tout, quitte à sacrifier les animaux. Quand j’étais jeune, je crois que je n’avais jamais mangé de saumon de ma vie en fait. Pourquoi maintenant tout le monde veut manger du saumon pratiquement tous les jours ? C’est aberrant. Le sujet de la défense de la condition animale est très vaste. Par exemple, pour que les stocks d’agneaux soient bien remplis au moment de Pâques, l’industrie française modifie les périodes de reproduction des brebis en leur injectant des hormones afin qu’elles mettent toutes bas un agneau en même temps. Les hormones en question sont prélevées dans des “fermes à sang” sur le placenta des juments que l’on fait ovuler en continu en Amérique du Sud, où c’est encore autorisé. C’est ce genre de pratiques qui me révulse et motive mon combat. On crée des moyens de production gigantesques où l’animal n’a pas de place, où il est réduit à un objet de production. Autrement dit ce sont des machines. Résultat, on en vient à former des biologistes comme des ingénieurs à qui l’on demande comment produire plus avec une truie.

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Parlons de Lyon, où votre association milite pour la fermeture du zoo du parc de la Tête-d’Or. Qu’est-ce qui motive votre demande ?

J’invite vraiment les Lyonnais à regarder la taille des cages des animaux. Elles sont minuscules. Quand on voit des girafes qui ont de grands territoires de plusieurs kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres carrés à l’état sauvage, mais à Lyon leur enclos est minuscule et sans arbre avec des feuilles à manger, c’est cruel. J’aimerais bien connaître les conséquences au niveau de leur santé physique et psychologique. Il suffit de regarder les animaux pour se rendre compte qu’ils sont en souffrance. Ils ont des gestes stéréotypés : par exemple, les panthères tournent en rond. C’est typique et cela devrait nous alerter. C’est vraiment le signe d’un mal-être profond. Cela signifie qu’elles n’ont pas de quoi s’occuper à part manger et dormir. Les singes, normalement, vivent en communauté dans un environnement complexe. Est-ce que c’est vraiment ce que vous voyez derrière les barreaux ?

Mais pourquoi pointer ce zoo-ci ? C’est un zoo public, gratuit et ouvert à tous. Ne vous trompez-vous pas de combat en attaquant un zoo public avant les privés ?

D’abord du point de vue de la souffrance animale, il n’y a pas de différence public-privé. Ensuite, c’est typiquement ce genre d’arguments fallacieux que nous offrent les écologistes de Lyon. Ils se cachent constamment derrière les populations défavorisées. C’est une hypocrisie. Moi non plus, je ne viens pas d’une famille particulièrement riche. Ce n’est pas pour cela que je suis moins sensible aux conditions de vie des animaux du zoo. Nous pourrions mettre tout cet argent ailleurs. Ce sont quand même des sommes impressionnantes. Rien que la forêt d’Asie du zoo a coûté 4,7 millions d’euros. Les populations modestes pourraient tout aussi bien découvrir les animaux sans faire souffrir ces derniers au même titre que les autres. Pourquoi ne pas envoyer des classes d’enfants voir les animaux d’ici ? Il y a une superbe faune locale et même dans le parc de la Tête-d’Or. Pourquoi ne pas développer des expositions ? Qu’est-ce que ça change, au fond, d’aller voir un animal exotique ? Moi je n’en ai pas vu avant des années et je me porte bien. Je suis persuadée que ce ne sont pas les zoos qui développent de l’empathie pour les animaux. Ce sentiment ne peut pas naître de l’image d’un animal derrière une vitre. Pour moi, c’est du divertissement et rien d’autre. Ces animaux sont réduits à l’état d’attraction. Nous pouvons quand même nous amuser autrement. D’ailleurs, les enfants ne sont pas dupes. Lorsqu’on leur explique, ils comprennent souvent très bien que les animaux sont malheureux dans les zoos.

Votre combat est donc d’abord culturel plutôt que par des actions “coups de poing” ? Vous ne vous enchaînez pas aux barreaux de la panthère comme d’autres se collent la main sur des œuvres ?

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