Grève des magistrats
Illustration grève magistrats. © Tim Douet

Grève inédite des greffiers, magistrats et avocats à Lyon

Fait rare, les corps de métiers de la justice ont manifesté ensemble ce vendredi sur le parvis du palais de justice dans le 3e arrondissement de Lyon. Sous la pluie, ils ont dénoncé “une justice qui se privatise” et “le sacrifice des justiciables les plus démunis”.

Les greffiers, magistrats et avocats ont symboliquement enterré la justice.

© Tim Douet
Les greffiers, magistrats et avocats ont symboliquement enterré la justice.

Une minute de silence, une montagne de codes civils trempés par la pluie et une gerbe. Les avocats, les magistrats et les greffiers ont symboliquement enterré la justice, ce vendredi, devant le Palais de Justice du 3e arrondissement de Lyon. Les professionnels de la justice sont en colère après avoir reçu les détails de la loi d’habilitation qui permettra au gouvernement de réformer sans passer par le parlement.

“Le justiciable le plus démuni n’aura plus accès à la justice”

Farid Hamel (a g.) bâtonnier de Lyon.

© Tim Douet
Farid Hamel (a g.) bâtonnier de Lyon.

Au-delà des aspects techniques et “du passage au bulldozer et par ordonnances de cette loi”, ils ont listé quelques-unes des conséquences qu’ils estiment inévitables. “Le justiciable le plus démuni n’aura plus accès à la justice. Il est sacrifié. C’est un retour en arrière d’au moins 30 ans sur les Droits de l’Homme en France”, explique Farid Hamel, avocat et bâtonnier de Lyon. “Les gens vont être jugés par une tablette tactile. Ceux qui ne sont pas à l’aise avec les nouvelles technologies ou avec la justice devront porter plainte en ligne. Ils vont être découragés et abandonner”, s’insurge de son côté Véronique Drahi, membre du Syndicat de la Magistrature. “En plus, les sociétés privées qui seront chargés des dossiers en ligne seront rémunérées, même pour des cas réglés à l’amiable alors que la justice était gratuite jusqu’ici. C’est une privatisation de la justice”, dénonce Achille Viano, représentant de l’Union des Jeunes Avocats de Lyon. “On a en France un budget de la justice qui est comparable à celui de la Turquie. Et cette réforme a pour objectif très clair de faire des économies. C’est une réforme qui est dictée par le ministère de l’Économie”, résume Farid Hamel.

Un choc de simplification

La réforme voulue par Emmanuel Macron est présentée comme un choc de simplification et de rationalisation. Il s'agit pour le gouvernement de réduire les délais d'attente et les coûts de fonctionnement de la justice en mettant en avant la numérisation. Le tribunal d'instance, juridiction la plus proche du citoyen et qui juge les petits contentieux et délits, serait ainsi supprimé. Certains petits contentieux seraient réglés le plus souvent à l'amiable, sans passage devant le juge. Autre exemple, en cas de surendettement, le justiciable ne pourra plus se présenter devant un juge pour faire valoir un cas particulier, mais devra envoyer un dossier numérique. Le dépôt de plainte classique se fera lui aussi en ligne. Un autre pan du projet prévoit la création d'une Cour criminelle départementale composée de magistrats chargés d’instruire certaines affaires dont les viols, à la place de la Cour d'assises, composée elle de jurés citoyens. Pour le moment, seule une loi d'habilitation a été dévoilée. Cette loi présente, dans les grandes lignes, le projet du gouvernement. Si le parlement décide de voter cette loi d'habilitation, le gouvernement aura alors le loisir de légiférer par ordonnances sur la base de ce qui aura décrit dans cette loi. Une fois les ordonnances connues, le parlement peut toujours décider de les refuser ou de les accepter, mais sans les discuter ou les amender.

“On essaie de sauver une justice correcte”

Les magistrats sont en grève.

© Tim Douet
Les magistrats sont en grève.

Les magistrats n’ont pas pour habitude de se mettre en grève, encore moins de manifester dans la rue. “On veut montrer au citoyen que ce qui se passe est grave. On joue un rôle de lanceur d’alerte”, explique Michel Ponsard, représentant l’Union Syndical des Magistrats. “Avec cette réforme, on va mettre en place des barèmes financiers d’accès à la justice“, explique-t-il. Pour cet expert du droit, “le juge, qui est normalement le pivot de la justice, sera mis en retrait puisque des contentieux seront délégués à des organismes privés. C’est la rupture d’un équilibre qui a mis des siècles à se faire” explique-t-il. Les professionnels de la justice se montraient jusque-là optimistes. Ils estiment que “réformer la justice est indispensable. Mais là, on ne se bat même plus pour faire une bonne justice. On essaie de sauver une justice correcte.” explique la magistrate Véronique Drahi. “On est 8 pour faire le travail de 10 personnes. Les délais s’allongent. Et avec cette réforme, à n’importe quelle moment, il va être possible de nous envoyer dans n’importe quel autre tribunal du département“, ajoute-t-elle.

Les grévistes lyonnais seront du mouvement national de la justice du 11 avril prochain à Paris en espérant pouvoir peser sur la réforme en cours. C’est ce 11 avril que sera présenté en Conseil des Ministres le projet de loi de réforme de la justice.

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