Lyon Capitale n°778, juin 2018 – la une

En pleine lumière

L’édito du mensuel – Pour la première fois, Lyon Capitale a reçu un courrier d’avocat… avant d’avoir écrit une ligne. Quelques semaines plus tôt, Olivier Ginon était pourtant tout à fait disposé à répondre à nos questions et à justifier notamment les avantages obtenus par la ville de Lyon pour son club de rugby. Entretemps, les révélations des “ristournes” qu’il a accordées pendant la campagne électorale à Emmanuel Macron (et pas à François Fillon, dont il était pourtant réputé idéologiquement plus proche) ont manifestement changé la donne.

À moins que la lecture de notre dernier numéro sur les difficultés du journalisme d’investigation, que certains ont vu comme un guide pratique pour museler les enquêtes journalistiques, ne lui ait inspiré ce brusque changement de pied. Mais on touche là au principal paradoxe du business d’Olivier Ginon. Fait de paillettes, de champagne et d’amitiés politiques intéressées, il supporte mal d’être porté en pleine lumière. L’homme aimait la discrétion quand il finançait la carrière politique de Charles Millon et négociait avec Gérard Collomb un monopole sur l’événementiel à Lyon. Il n’avait pas apprécié qu’on le prenne en photo avec Laurent Wauquiez au soir de la victoire aux régionales de ce dernier, et aurait sans doute préféré que l’on ne raconte pas par le menu les avantageux contrats décrochés à la Confluence et en Auvergne. Dans un monde idéal, il aurait évité toute publicité de son concours à la campagne d’Emmanuel Macron, comme de ses ambitions sur les juteux contrats de Paris 2024 que le président En Marche aura à attribuer… Mais peut-on tourner le regard, quand tant d’argent public est déversé au secours de ses activités ?

La démocratie française a beau être de “faible intensité”, selon la formule d’Edwy Plenel, elle est tout de même d’un tout autre ampérage à Paris que dans la “capitale de la province” (dixit Emmanuel Macron). Tant qu’il ne pesait rien sur la scène nationale, Gérard Collomb n’avait droit qu’à des articles élogieux de la presse parisienne, qui n’avait d’ailleurs aucune gêne à venir lui quémander en retour des subsides pour des événements complaisants sous les dorures de l’hôtel de ville. Depuis qu’il est le premier des ministres, nos confrères sollicitent désormais nos archives et décortiquent à leur tour le business model d’Olivier Ginon et plus largement le “système Collomb”, appuyé depuis 2001 sur une poignée d’entreprises choyées en toutes occasions. Une méthode qui a ses avantages : ainsi portés par la puissance publique, GL Events, JC Decaux, Vinci ou encore Keolis ont fait de Lyon leur “vitrine” internationale et contribué au rayonnement de la métropole. Mais aussi ses inconvénients : la disparition de toute forme de concurrence au niveau local empêche l’émergence de nouveaux acteurs et ne facilite évidemment pas les négociations des grands contrats publics.

C’est au moment où Gérard Collomb annonce son possible renoncement aux prochaines municipales que son modèle semble s’inscrire dans le marbre pour les prochaines générations. Qu’importent les éventuelles alternances politiques, Olivier Ginon récupère l’aménagement du pourtour du stade de Gerland pour soixante ans et la gestion de la Cité internationale pour les vingt prochaines années, là où il se contentait auparavant de contrats plus raisonnables et cohérents. Car, en vingt ans, de l’eau peut couler sous les ponts dans la concurrence internationale que se livrent les villes de congrès. GL Events fait aujourd’hui de Lyon sa carte maîtresse, qu’en sera-t-il dans vingt ans ? Olivier Ginon sera-t-il toujours à la tête d’un groupe dont l’endettement massif est sans doute la principale faiblesse ? À son élection en 2001, Gérard Collomb avait maudit les contrats longs et tellement peu favorables aux contribuables hérités de ses lointains prédécesseurs. Que dira-t-on dans vingt ans des contrats hérités du “système Collomb” ?

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