Théâtre : Afghan girls, la poésie contre la barbarie 

Il faut saluer l’élan de solidarité qui a permis à neuf jeunes femmes afghanes d’être accueillies dans notre agglomération. Et de présenter un spectacle qui met à l’honneur la poésie afghane.

“Cet été, quand on a commencé à être au courant de ce qu’il se passait en Afghanistan, avec la prise de pouvoir des Talibans, j’étais à la fois horrifiée et désireuse de faire quelque chose, je ne savais pas encore quoi, pour exprimer ma solidarité, en tant que femme, en tant que poète. J’ai appris que Maud Thiria, une poète elle aussi, avait organisé à Paris une lecture de poésie féminine afghane [Je hurle mais tu ne réponds pas, NdlR]. Je me suis dit qu’il fallait à tout prix que je fasse la même chose à Lyon.”

C’est ainsi qu’Estelle Dumortier, poète lyonnaise, évoque les débuts de son projet de lecture avec des réfugiées afghanes. Ensuite, tout est allé très vite. Boostée par plus de cinquante amies artistes prêtes à la suivre dans son projet, elle entre en contact avec Joris Mathieu, directeur du TNG (Théâtre Nouvelle Génération) qui, avec Jean Bellorini, directeur du TNP, a justement mis en place un réseau de solidarité avec des artistes afghans.

Dans ce cadre offert par différents centres dramatiques nationaux, une troupe de jeunes filles afghanes, de 17 à 23 ans, avec leur metteur en scène, Naïm, rescapés de l’enfer islamiste, sont justement accueillis dans notre agglomération.

C’est le Kabul Girls Theater Group, devenu depuis Afghan Girls Theater Group parce que les jeunes filles tiennent à revendiquer d’abord leur identité afghane. Elles sont logées dans un appartement mis à disposition par la mairie de Villeurbanne. Elles suivent tous les jours des cours de français afin de mieux préparer leur insertion professionnelle et poursuivre leurs études.

Leur rencontre avec Estelle Dumortier se révèle fructueuse, tant elles sont ravies de pouvoir retrouver la scène. Elles qui étaient interdites d’expression en Afghanistan, obligées de répéter quasi clandestinement dans une tente installée près d’un conteneur. Reste à trouver le texte, la matière de leur futur spectacle…

Des histoires personnelles douloureuses

Là aussi, le réseau d’Estelle Dumortier fait des merveilles. Elle parvient à entrer en possession d’un recueil très rare, une anthologie de Massoud Mirshahi qui regroupe des poèmes d’autrices d’Afghanistan.

Ces textes sont violents. Ils reflètent la dureté implacable des conditions de vie dans ce pays, particulièrement pour les femmes. Afin de construire la lecture, chacune des Afghanes a choisi l’extrait qui lui convient. Ainsi Shegofa Ibrahimi s’est emparée d’un texte qui correspond à l’histoire de sa sœur aînée, dont elle rêve souvent.

Celle-ci a été mariée à 13 ans à un homme bien plus âgé. Contre son gré. Violentée, elle ne peut que s’y résoudre et enterrer son désir de devenir une femme libre.

Quelques mois plus tard, son mari part en Italie et n’en revient pas. Contrainte de rester dans sa belle-famille, sa vie est celle d’une esclave domestique, à qui l’on interdit tout contact avec l’extérieur.

De telles histoires peuvent paraître incroyables en 2022. C’est pourtant la difficile réalité qu’ont connue les neuf “Afghan Girls”, qui, elles, sont modernes, connectées, souvent sans voile.

Aujourd’hui, elles bénéficient d’un statut de réfugiées et d’une aide financière (430 euros) garantis pour deux ans. Mais l’avenir paraît incertain et le retour en Afghanistan impossible, dans la mesure où leur sécurité y serait menacée. Elles doivent se contenter des conversations WhatsApp avec leur famille restée à la merci des Talibans.

Une première lecture a déjà eu lieu le 4 février à la médiathèque de la Tarentaize à Saint-Étienne. L’émotion y était palpable, revigorante. La prochaine soirée afghane aura lieu au théâtre L’Échappée de Rillieux-la-Pape, le 10 mars. Estelle Dumortier se dit qu’une tournée pourrait suivre. Si seulement…


Un poème est une épée, avec l’Afghan Girls Theater Group, des femmes poètes et de théâtre en Rhône-Alpes – Le 10 mars à l’Échappée, Rillieux-la-Pape


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