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Concert : Slowdive, le shoegazing en grande pompe

Revenu du diable Vauvert en 2017, le groupe britannique culte Slowdive vient présenter à Lyon Everything is alive, deuxième album post-reformation. Où continue de fleurir sur le terreau du tout aussi culte courant shoegazing des années 90 un penchant certain pour l’expérimentation vaporeuse ne reniant pas une certaine efficacité pop. Une musique qui se rêve les yeux ouverts.

Au tournant d’années 80 à l’agonie et d’années 90 qui n’ont pas la force d’entrer dans l’espérance, éreintées par les années Thatcher et par un second Summer of Love qui n’est pas parvenu à endiguer la grisaille ambiante, même à coups de pastilles colorées et “extasiantes”, la jeunesse anglaise a la bouche pâteuse et le cheveu gras. Le paysage est si morose qu’il n’y a plus nulle part où regarder sans avoir envie d’en finir. Les discours sont si lénifiants qu’on se planterait volontiers des aiguilles à tricoter dans les tympans. En conséquence, une partie de la jeunesse décide de ne plus regarder que ses pieds et de s’assourdir à coups de larsens et de réverb balancés sur des amplis à guitares taillés comme des armoires normandes. De là, naît un courant musical, mélange de quête d’onirisme évaporée pour tenter la grande évasion, de bruit sourd pour ne plus rien entendre d’autre et de romantisme rentré au bord de l’attaque de panique.

Sur scène, les musiciens, emballés dans d’immenses pulls ou de douillets anoraks, souvent cachés derrière un mur de fumigènes (quelqu’un pourrait les voir) regardent effectivement leurs chaussures (généralement des Adidas Gazelle), comme si le moindre regard jeté au public risquait de les transformer en biblique statue de sel – en réalité, ces nerds de la guitare amplifiée sont surtout très (pré)occupés par le potager de pédales d’effets qui leur fait face. Tant et si bien que le genre musical en question, porté notamment par les très opportunistes labels 4AD et Creation, dénicheurs de talents et de tendances hors pair, ne trouve pas son surnom dans une quelconque particularité musicale ou considération esthétique (même si l’on parle volontiers de dreampop) : il aura pour nom “shoegazing”, qui désigne donc l’action de contempler ses pompes.

Millefeuille de vapeur

Le courant est indépendant – comprendre réservé à des initiés et à la jeunesse, souvent les mêmes –, doit beaucoup à des formations aussi innovantes que The Jesus and Mary Chain (qui y sera plus ou moins directement associée) ou les Cocteau Twins, fer de lance de 4AD, et voit émerger des groupes dont certains resteront notoirement cultes comme My Bloody Valentine, auteur de l’album totem du genre en un assemblage de drones, de bourdons, de distorsion et de maniaquerie sonique à écouter à un volume intolérable, l’indépassable Loveless. Son leader Kevin Shields passera le reste de sa vie à courir, tel un Brian Wilson supersonique, après la perfection de ce bijou, à tel point qu’il en deviendra à moitié sourd. Mais d’autres formations tirent leur épingle du jeu comme Ride, menée par le tandem Andy Bell (futur Oasis)/Mark Gardener, les Pale Saints, Swervedriver, Lush ou, donc, Slowdive, formée à Reading à la fin des années 80, par Neil Halstead et Rachel Goswell, tous deux chanteurs et guitaristes.

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