Émilie Dequenne dans Rosetta. Le film des Frères Dardenne a obtenu la Palme d’Or à Cannes en 1999

Cinéma à Lyon : avec les frères Dardenne, le Festival Lumière voit double

Le Festival Lumière 2020 se tient du 10 au 18 octobre avec en point d’orgue un prix Lumière attribué non pas à un mais à deux cinéastes, le tandem belge Luc et Jean-Pierre Dardenne. Un choix qui privilégie, comme ce fut le cas pour Ken Loach en 2012, un cinéma social au ras du réel. Choix plutôt judicieux dans une année fort tourmentée.

Quand bien même l’institut Lumière ferait la pluie et le beau temps sur le cinéma patrimonial lyonnais – le cinéma patrimonial tout court ? –, l'organisation de son événement phare, le Festival Lumière, ce Cannes du patrimoine qui attire les plus grands et les plus grandes dans le berceau du cinéma, n’en a pas moins été quelque peu affecté par le virus. Si bien que l’on se languissait de voir la fumée blanche poindre, qui précède l’annonce très attendue du nouveau récipiendaire du fameux prix Lumière, habituellement sujette aux rumeurs les plus folles.

L’événement  qui se déploie dans toutes les salles de Lyon et de sa métropole comprend cet année un bel hommage au plus grand dialoguiste français, Michel Audiard dont on fêtera le centenaire et à l’occasion duquel sera publié un livre évoquant, dans la collection de l’institut éditée par Actes Sud, le maître de la punchline à la française et un autre grand “écrivainˮ du cinéma, Georges Simenon. Bien entendu quelques-uns des films de choix d’Audiard  - dont seront présentés en version restaurée et en présence de son fils Jacques, cinéaste qu’on ne présente bien évidemment plus.

Greta Garbo dans "La chair et le diable" de Clarence Brown (1926)

Et puisqu’on parle d’anniversaire, le festival célèbre cette année les 130 ans du réalisateur et producteur américain Clarence Brown, l’un des cinéastes les plus prolifiques de l’âge d’or d’Hollywood et pourtant pas le plus connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Pour lui rendre hommage, le festival propose la projection à l''Auditorium de La Chair et le Diable, un film réalisé en 1926, avec "la divine" Greta Garbo. Un ciné-concert dirigé par le chef d'orchestre américain Timothy Brock.

Viggo Mortensen dans "A History of Violence" (David Cronenberg, 2005)

Le festival ne serait pas tout à fait ce qu'il est sans la présence de personnalités dont le statut de star ne souffrirait d'aucune contestation. L'acteur américano-danois Viggo Mortensen coche sans difficulté toutes les cases de ce cahier des charges. Révélé par son personnage d'Aragorn dans le Seigneur des Anneaux, il a enchaîné sa carrière par des rôles plus saillants, comme dans A History of Violence (David Cronenberg, 2005) ou dans Captain Fantastic (Matt Ross, 2016). Son premier film en tant que réalisateur, Falling (2020) sera présenté en avant-première lors de ce festival.

La palme aux palmes

Et le prix, le prix ? direz-vous au terme d’un de ces suspenses dont Hitchcock disait qu’à choisir il le préférait à la surprise – car il a le mérite de durer plus longtemps. Eh bien en quelque sorte on a eu les deux, comme annoncé mi-juillet. Car ce sont en réalité deux prix Lumière qui seront remis – en tout cas un pour deux – puisque le Nobel du cinéma, comme aime à l’appeler Thierry Frémaux, grand manitou de l’institut Lumière et de son Festival, récompensera un cinéaste à deux têtes : les frères Dardenne, prénoms Luc et Jean-Pierre.


Les frangins belges en imposent et ne manquent jamais de frapper au cœur, malgré ou grâce à l’épure qui est leur marque de fabrique


Bon, comme ça, à froid, on se dit sans doute un peu que l’affaire n’est pas très glamour pour succèder au mogul Francis Ford Coppola, son Parrain et ses charges d’hélicoptères au son de la chevauchée des Walkyries. Ou même que l’organisation privilégie la proximité géographique pour une raison qui commence par “Coˮ et finit par “Vidˮ. Mais c’est oublier que si leur cinéma n’est pas tape-à-l’œil et qu’ils sont des habitués pour ne pas dire des amis de l’institut Lumière comme du Festival les frangins belges en imposent et ne manquent jamais de frapper au cœur, malgré ou grâce à l’épure qui est leur marque de fabrique.

Jean-Pierre et Luc Dardenne succèdent à Francis Ford Coppola

La preuve ce sont ces deux palmes d’or – pour Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005 – qui les ont fait entrer dans le club très privé des doubles palmés qui ne compte que six autres cinéastes dont deux précédents prix Lumière, Ken Loach (2012) et donc Francis Ford Coppola (2019). Surtout les Dardenne prennent depuis plus de trente ans le pouls des damnés du capitalisme, comme ont su le faire en Grande-Bretagne un Ken Loach (que les Dardenne ont pu produire via Les Films du Fleuve) ou en France plus récemment un Stéphane Brizé, avec des films qui ont tendance à nous courir longtemps sur la conscience.

Promesse de rétrospective

Le prix, qui s’accompagnera logiquement d’une rétrospective, sera sans doute l’occasion pour beaucoup de (re)découvrir une filmographie des plus riches (sans jeu de mots) et surtout les premières œuvres des Dardenne, celles plus méconnues – telles Falsch (1987) et Je pense à vous (1992) – qui précédent notamment La Promesse (1996) qui révéla Jérémie Renier et leur valut les premiers de leurs innombrables prix.

Alors certes, on l’a dit, ce n’est pas très glamour, pas très champagne, Hollywood et tapis rouge, ça ne tire pas dans tous les sens au son de ritournelles pop, ni ne flatte les silhouettes d’icônes mondiales, mais comme il semble que 2020, dans le genre qui fait redescendre sur terre, ne soit pas une année des plus flamboyantes, il faut bien admettre que, même double palme mise à part, un tel choix n’a rien d’un faux raccord. Et puisqu’on nous promet un nouveau monde autant se replonger dans les affres de l’ancien, si bien décrites par les Dardenne. Pour éviter peut-être d’y retomber. Mais ça c’est une autre histoire. Que le cinéma – des Dardenne, qui sait ? – ne manquera pas de raconter un jour.


Festival Lumière. Du 10 au 18 octobre.
La programmation complète : www.festival-lumiere.org


 

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