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Jacqueline Delubac, l’élégance d’une collectionneuse à Lyon

À sa mort, en 1997, Jacqueline Delubac léguait à sa ville natale sa collection d’œuvres impressionnistes et modernes. Le musée des Beaux-Arts de Lyon lui rend hommage jusqu’au 16 février, avec une exposition qui replace la collectionneuse dans l’histoire du cinéma et l’histoire de l’art.

Jacqueline Delubac au musée des Beaux-Arts (détail de l’affiche)

Avec son affiche hyper stylisée, le musée des Beaux-Arts de Lyon tient à mettre un visage sur un nom quelque peu oublié : Jacqueline Delubac. Célèbre actrice des années 1930-1940 et troisième épouse de Sacha Guitry, celle-ci disparut peu à peu des écrans au début des années 1950 pour se consacrer pleinement à son activité de collectionneuse.

Guitry, un sceau marquant

Née en 1907 à Lyon, issue d’une famille de riches soyeux lyonnais, Jacqueline Delubac s’installe à Paris dans les années 1920, attirée par les lumières des Années folles. Elle fera ses débuts au music-hall en 1927, puis dans des revues théâtrales avant de croiser le sémillant Sacha Guitry en 1933, qui l’embauche d’abord et l’épouse ensuite (en 1935). Après de nombreuses collaborations qui associeront éternellement le nom de Delubac à l’auteur du Roman d’un tricheur, ils divorcent en 1939. Cette pétillante actrice, de 25 ans sa cadette, se serait vite lassée d’une vie pompeuse et d’un mari un brin poussiéreux, passéiste et ankylosé dans son confort petit-bourgeois, tandis qu’elle aspirait à l’insouciance de la jeunesse.

Même si, sa vie durant, Jacqueline Delubac chercha à s’émanciper de l’étiquette d’“ex de”, à travers une riche carrière post-Guitry, son parcours n’en reste pas moins marqué du sceau guitryesque. Lorsqu’elle s’installe en 1935 dans son hôtel particulier, 18 avenue Élisée-Reclus, à deux pas de la tour Eiffel, elle vit au cœur d’une collection impressionniste commencée par Guitry père et augmentée par Sacha (dont les cartels de l’exposition du musée des Beaux-Arts démontrent l’ampleur). C’est là, entourée des œuvres de Cézanne, Renoir, Bonnard ou Vuillard, accrochées bord à bord, que tout semble avoir commencé.

Mélange des genres

Contradiction d’une exposition consacrée à Jacqueline Delubac, qui revendiqua sans cesse son indépendance (jusqu’à avoir largement refoulé son histoire avec Guitry), que d’avoir réuni autour d’elle une partie de la collection de Sacha ! Fantôme tenace, il est ici omniprésent, que ce soit par l’image (son hôtel particulier est virtuellement reconstitué), le son (la voix de Guitry parlant avec intelligence de sa collectionnite tourne en boucle) ou par les objets de sa collection (réunis pour l’occasion). C’est évidemment à son contact que Jacqueline Delubac aiguise son regard artistique. Dès leur divorce, elle commence sa propre collection d’art post-impressionniste, et moderne, avec L’Atelier aux raisins de Dufy d’abord, puis Poisson sur une assiette de Bonnard.

Le salon rouge, vue d'appartement © DR

Le salon rouge de Jacqueline Delubac.

Après la Seconde Guerre mondiale, Jacqueline Delubac fréquente Myran Eknayan, riche diamantaire, lui aussi collectionneur impressionniste. Parmi les pièces de ses deux compagnons comme Le Déjeuner sur l’herbe de Monet, Iris, messagère des dieux de Rodin ou la magnifique Jeune fille au ruban bleu de Renoir, la collectionneuse se montre moins “classique” dans ses choix. Iconoclaste, elle n’hésite pas à associer (grâce à Henri Samuel, son décorateur d’intérieur) moquette léopard, lions du XVIIIe siècle et toile monumentale de Dubuffet (pièce reconstituée pour l’exposition, de même que le salon rouge, surnommé le “petit Orsay”).

Elle affirme des choix à contretemps, voire avec un temps d’avance : “J’ai eu un bon œil, j’ai eu le bonheur d’avoir un assez bon instinct et d’acheter des peintures de Poliakoff, de Fautrier, de Dubuffet qui étaient peu connus et j’ai la joie de les avoir acquises quand tout le monde se moquait de moi.”

Telle femme, telle collection

Bacon, Carcasse de viande et oiseau de proie ©

Bacon, Carcasse de viande...

De la Femme assise sur la plage de Picasso à Carcasse de viande et oiseau de proie de Bacon, en passant par La Femme au couteau de Wifredo Lam, on peine à trouver un fil conducteur... Et puis, au fur et à mesure de la visite, persiste une figure féminine (peu d’œuvres abstraites), un corps ou des objets choisis pour leur sensualité évidente. D’aucuns diront que l’ensemble ressemble à sa collectionneuse. On commence à le croire une fois passées en revue les nombreuses archives photographiques de l’exposition qui, sans être totalement dans l’hagiographie, montrent le parcours remarquable de ce personnage singulier, dans le cinéma et l’art. Son visage au large front et au regard posé sera définitivement associé à l’histoire d’un précieux don (38 œuvres) qui participe au rayonnement du musée lyonnais.

Jacqueline Delubac – Le choix de la modernité : Rodin, Lam, Picasso, Bacon. Jusqu’au 16 février, au musée des Beaux-Arts de Lyon.
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