Questions autour d'un suicide

Depuis qu'il a ouvert en juin 2007, l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu connaît de graves dysfonctionnements.

Samedi 2 février, Julien, 16 ans, se pend dans sa cellule de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu. Une semaine après, la garde des sceau Rachida Dati visite l'EPM pour "rendre hommage au professinonnalisme et au dévouement du personnel de l'établissement". Elle en profite pour préciser que l'incarcération de Julien était "tout à fait fondée, compte tenu de son passé judiciaire". Ces paroles ont de quoi faire bondir le père de la victime, qui le même jour enterrait son fils à Casablanca, au Maroc. Son avocat, Me Alain Fort, a déjà prévenu que si le parquet n'ouvrait pas une enquête pour que toute la lumière soit faite, il porterait plainte pour "homicide involontaire". Pour l'avocat de la famille, une chose est sûre : Julien n'avait rien à faire en prison. L'adolescent est décrit comme souffrant de graves déséquilibres psychologiques. Il a été condamné à deux mois de prison pour une série de vols (un scooter notamment) et a été incarcéré le 17 décembre. "En septembre, il avait déjà fait une tentative de suicide dans une institution à Valence, où il était suivi et où le juge pour enfants le connaissait. Et il a été incarcéré à l'EPM à Meyzieu...". Dès son arrivé, il a tenté de mettre fin à ses jours, puis une deuxième fois. Pour la troisième fois, il a mis le feu à ses vêtements. "Il s'agissait d'un appel au secours. Au lieu d'être entendu, il a été amené devant un juge lyonnais qui l'a condamné à un mois de prison, poursuit l'avocat. Au lieu de voir sa peine aménagée comme cela était prévu, il a été mis à l'isolement. Privé de parloir, il n'a pas pu voir son père". Quelques jours plus tard, Julien se pendait dans sa cellule.
L'administration pénitentiaire conteste cette version des faits : pour elle, il n'y a eu ni tentative de suicide (alors que selon Libération, elle l'a reconnu quelques jours après l'annonce de la mort de Julien), ni mise à l'isolement du jeune homme. L'enquête devra donc déterminer comment un adolescent suicidaire peut être mis en prison, pourquoi il reste alors qu'il manifeste des tendances suicidaires et que de l'avis même des personnels, l‘EPM connaît de graves problèmes de fonctionnement. Jean-Claude Vaupré de la CFDT Justice : "La prise en charge des mineurs est rendue très difficile par la conception même des locaux, par le manque d'espace de travail pour les personnels chargés du suivi des mineurs et par le manque de moyens et de temps pour maintenir les liens avec la famille et avec les partenaires qui, hors de la prison, jouent un rôle essentiel auprès du mineur. Le manque de personnel est manifeste alors que 48 jeunes sont incarcérés actuellement". Pour un établissement qui ambitionnait ce suivi individualisé des mineurs délinquants, c'est l'échec. Le suicide de Julien vient tragiquement confirmer les alertes lancées par les personnels, dès les premiers mois de l'ouverture.

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