Après une semaine de débats précis et parfois houleux, le procès dit du chantage à la sextape de Saint-Etienne sera consacré lundi aux réquisitions à l'encontre du maire Gaël Perdriau, qui a bataillé pied à pied pour convaincre de son innocence.
L'élu de 53 ans, exclu du parti Les Républicains, est jugé par le tribunal correctionnel de Lyon pour chantage, association de malfaiteurs et détournement de fonds publics avec trois de ses anciens collaborateurs qui, eux, reconnaissent avoir comploté pour museler l'ex-premier adjoint Gilles Artigues en le filmant à son insu avec un prostitué.
Quatre dirigeants d'associations, qui selon l'accusation ont servi de boîtes aux lettres pour financer le piège, comparaissent à leurs côtés pour "abus de confiance". Gaël Perdriau encourt dix ans de prison et une peine d'inéligibilité.
Accroché à son fauteuil de maire depuis que le scandale a éclaté dans Mediapart en 2022, il a indiqué vendredi, pour la première fois, qu'il démissionnerait s'il était condamné, même en cas d'appel. Il a toutefois redit espérer que le tribunal "lave son honneur". Dans l'hypothèse d'une relaxe, il n'a pas exclu de briguer un nouveau mandat, même si ses chances de victoire sont sans doute amoindries par le grand déballage auquel se sont livrés les protagonistes de cette affaire pendant cinq jours.
"C'est totalement faux, ça s'est fait sans moi"
A la barre, Pierre Gauttieri, qui fut pendant dix ans son directeur de cabinet, a assuré que dès son élection en 2014, Gaël Perdriau lui avait demandé de trouver "une solution pour tenir en respect Gilles Artigues" dont il doutait de la loyauté.
L'idée de piéger ce catholique opposé au mariage homosexuel avec un escort-boy a germé lors d'échanges entre le directeur de cabinet, l'ambitieux adjoint à l'Education Samy Kefi-Jérôme, et le conjoint de ce dernier Gilles Rossary-Lenglet, "barbouzeur" autoproclamé, ont-ils tous les trois reconnu.
Pierre Gauttieri a déclaré être ensuite retourné voir le maire pour "reboucler" avec lui. Selon son témoignage, Gaël Perdriau a donné son feu vert et a pris en charge le volet financier du complot, en faisant voter deux subventions de 20.000 euros chacune à des associations stéphanoises qui les ont reversées à Gilles Rossary-Lenglet.
"C'est totalement faux, ça s'est fait sans moi", s'est étranglé Gaël Perdriau mardi soir. "Chacun d'eux avait des raisons personnelles d'organiser cette vidéo", ambition, vengeance ou rancune, a-t-il soutenu, en jurant n'avoir "jamais pratiqué des méthodes hors-la-loi pour faire de la politique".
La diffusion d'un enregistrement réalisé à son insu par Gilles Artigues en 2017 a fragilisé cette ligne de défense. On l'entend expliquer à son rival qu'il détient une "clé USB" avec des images compromettantes et menacer de les diffuser "en petits cercles", "avec parcimonie".
"Marionnette"
Gaël Perdriau, qui admet seulement avoir eu connaissance de l'existence de la sextape mais ne pas l'avoir vue ni détenue, a assuré qu'il "bluffait" sous le coup de la "colère" parce qu'il venait d'avoir un désaccord politique avec Gilles Artigues.
Tout au long du procès, le maire a martelé ne pas avoir brimé son premier adjoint et n'avoir jamais rien exigé de lui, les fameuses "contreparties" qui juridiquement sont nécessaires pour qualifier un chantage. Mais Gilles Artigues, très meurtri, a juré vendredi que le maire avait bien évoqué la vidéo à plusieurs reprises pour le contraindre à taire ses différences.
"J'étais devenu une marionnette", a-t-il dit, en regrettant que son "cauchemar" se soit prolongé jusqu'à la salle d'audience où il a essuyé de nombreuses attaques, parfois sous la ceinture. Sa femme, venue témoigner de la "douleur" de la famille, a demandé que "justice soit rendue".
La défense aura la parole jusqu'à mardi soir et la décision sera probablement mise en délibéré.