"Le prosélytisme Chrétien éveille des peurs en Algérie"

Connu pour son engagement aux côtés d'Azouz Begag, il a signé mardi 3 juin une tribune dans le journal Le Monde qui a pu surprendre. Le prêtre lyonnais est revenu sur les pressions que connaissent les chrétiens d'Algérie et notamment sur les procès intentés à Tiaret, petite ville à 200 km au sud-ouest d'Alger, contre de jeunes algériens convertis au christianisme pour "exercice illégal d'un culte non musulman". Sans condamner fermement ces sanctions, il a adopté une position souple préfèrant plutôt "entendre" les autorités algériennes et une partie de la population.

Lyon Capitale : plutôt que de condamner les sanctions contre de jeunes convertis au christianisme ou contre les expulsions de prêtres, vous semblez plutôt comprendre les autorités algériennes. Pourquoi cette position ?
Christian Delorme : Mon article paru dans Le Monde évoque la dégradation de la situation des chrétiens et qualifie de "révoltantes" des mesures de répression qui ont été prises ces derniers mois, telles que l'expulsion d'un pasteur présent en Algérie depuis 45 ans, ou la condamnation à une peine de prison avec sursis d'un prêtre. Mais j'ai aussi voulu faire écho à des choses que j'ai entendues de la bouche d'étudiants algériens en ce qui concerne leurs craintes que la constitution de nouvelles communautés chrétiennes en Algérie, puisse être instrumentalisée par des intérêts étrangers, particulièrement américains. J'ai surtout cru nécessaire de souligner combien le prosélytisme chrétien éveillait des peurs dans une Algérie qui se sent toujours très fragile quant à son unité et son identité. Et c'est pourquoi j'ai reposé cette vieille question : le prosélytisme chrétien est-il légitime dans les sociétés musulmanes ?

Les sanctions contre des chrétiens sont-elles réellement la conséquence du christianisme évangélique en Algérie ?
Les campagnes d'évangélisation ont eu un réel succès dans plusieurs régions d'Algérie ces dernières années, particulièrement en Kabylie et cela a fini par inquiéter différents secteurs de l'Algérie. Les musulmans, qui considèrent être dépositaires de la totalité de la révélation (y compris la révélation apportée par Jésus), admettent difficilement que certains des leurs puissent choisir un autre chemin. Les secteurs de la société algérienne et de la classe politique qui adhèrent à un islam particulièrement fondamentaliste trouvent cela absolument insupportable et considèrent qu'il faut user de la répression.

Pourquoi définissez-vous l'unité de la nation algérienne par le prisme de l'islam ?
Outre la mémoire de la colonisation et celle de la lutte pour l'indépendance, qu'est-ce qui constitue le "ciment" fondamental de la nation algérienne actuelle, sinon l'islam ? Les chrétiens d'origine algérienne pourront être, je l'espère, acceptés en Algérie s'ils arrivent à convaincre leurs concitoyens qu'ils ne sont nullement instrumentalisés par des puissances étrangères, et s'ils vivent un christianisme qui reste profondément respectueux de la foi musulmane.

Propos recueillis par Slim Mazni

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