Personne n’a envie d’être puni…

On aurait aimé avoir de l’écologie fraîche, légère et optimiste. L'éditorial du rédacteur en chef de Lyon Capitale.

Prendre une mairie est une chose, marquer le changement en est une autre. Pour cela, il faut le faire savoir. Et comme disait Paul Bocuse : "Peu importe qu’on parle de toi en bien ou en mal, l’important est qu’on parle de toi." En 2021, le nouveau maire de Lyon a fait de cet aphorisme une véritable tactique de communication. Mode polémiques. Dont on se dit qu’il finit, d’ailleurs, par les collectionner. À dessein ? L’édile écolo s’en lave les mains, arguant que les réactions viennent des autres.

Menus sans viande en février. Refus de laisser la Patrouille de France survoler Lyon à l’occasion du 14 juillet. Interdiction des cordons bleus dans les cantines scolaires en septembre. Bannissement du foie gras dans les banquets de la Ville en décembre. Ponctuellement (méthodiquement ?), une controverse fuse. Les médias s’en donnent à cœur joie. Finalement, le maire de Lyon et son équipe exultent en tapinois, gourmands de leur pouvoir.

On parle de Lyon. Moins sous l’angle de l’attractivité, mot que les Verts lyonnais voient comme un tabou grossier, que sous celui de la controverse. Lyon fait désormais la “une” pour ses prises de position, pour le moins étonnantes, sinon idéologiques. "On a voulu que la ville de Lyon soit attractive. Nous pensons qu’elle peut devenir inspirante", trompetait Grégory Doucet lors de sa première prise de parole en tant que maire, sous les dorures et les lustres de cristal qui donnent des airs de Versailles au salon d’honneur de l’hôtel de ville. Fermez les paupières. Tournez la page de vingt années Collomb.

N’allez pas croire que Grégory Doucet est un amateur. Il sait l’effet des petites phrases. Je fais de la politique différemment, a-t-il coutume de dire. À la sauce verte, façon concertations (dont les retours d’expérience sont, pour l’heure, peu convaincants). Sous les pavés… Finalement pas grand-chose de nouveau. Derrière les petites phrases (encore) assassines ou moralisatrices à l’endroit des prédécesseurs, l’exercice du pouvoir ressemble beaucoup à celui du “monde d’avant”.

La différence ? Les ours polaires qui meurent, le rapetissement des frites (les conditions météorologiques conditionnent la taille des pommes de terre), les boules glacées qui fondent trop vite à cause du réchauffement climatique, les vaches qui polluent parce qu’elles manquent de savoir-vivre (leurs rots sont un drame pour la planète, un bovidé émettant autant de CO2 qu’une voiture entre Lyon et Saint-Tropez, salauds de riches), tout est désormais de la faute des autres.

L’autre est sommé de se sentir coupable, pour tout et tout le temps. La culpabilisation, c’est le drame de notre société. On doit avoir honte. Honte de ce qu’on laisse aux générations futures, de ce qu’on fait, de ce qu’on est, de notre histoire. Il y aurait les méritants et les autres : je roule à vélo, tu as une voiture ; je suis bio et végétarien, tu entretiens l’industrie agroalimentaire ; je milite pour le droit des animaux, tu chasses. La société est moralisatrice. Donc divisée. Donc binaire. Le bien, le mal. Les méritants et les profiteurs. Les Verts n’y échappent pas.

Œdipien et manichéen. Depuis des années, les neurologues montrent le lien culpabilité-dépression. Quand on pointe systématiquement du doigt, qu’on infantilise à tous crins, on devient démoralisé et abattu. Les clivages conduisent à l’irrespect, voire à la violence. L’adhésion à des idées est vouée à l’échec. L’écologie est une nécessité. Tout le monde (ou presque) en est conscient. Mais le positionnement moralisateur, condescendant des Verts est contre-productif. La méthode n’est pas la bonne. Les écologistes se plaignent des petits noms qui leur sont donnés (Khmers ou ayatollahs verts) ? Peut-être auront-ils la sagesse de mettre de l’eau dans leur vin bio.

On aurait aimé avoir de l’écologie fraîche, légère et optimiste. On a hérité de la véhémence du ton, doublée d’un manichéisme et d’une nouvelle morale, qui consiste à désigner des boucs émissaires et des hérétiques. L’écologie punitive. Et personne n’a envie d’être puni.

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