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Collège-lycée Al Kindi, bientôt sous contrat avec l'Education nationale ?

REPORTAGE - Le premier collège-lycée musulman de France entrera le 5 mars dans sa cinquième année d'existence, ce qui lui ouvre, théoriquement, le droit au conventionnement avec l'Education nationale. Le président, Hakim Nazir, a déjà déposé une demande en janvier. Il attend une réponse courant mars.

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Samedi 19 février, l'établissement scolaire privé musulman de Décines-Charpieu, en banlieue nord-est de Lyon, organisait ses troisièmes journées portes-ouvertes. Parents et élèves se pressaient ce jour-là dans les couloirs de l'établissement pour assister à l'allocution émue du président, Hakim Nazir. Ce dernier est revenu sur les quatre années d'existence d'Al-Kindi : "le 5 mars 2007, nous ouvrions avec un premier groupe de 17 élèves. 80 journalistes sont venus filmer l'événement. La rentrée ne s'est pas passée facilement. Le recteur de l'époque n'avait pas donné l'autorisation. La première rentrée s'est faite grâce à une décision de justice ..." Le souvenir est amer, mais le projet d'établissement, imaginé en 1986 et réalisé vingt ans plus tard en plein débat sur le voile, commence bel et bien à prendre forme.

Cours de "culture de l'Islam"

432 élèves sont accueillis depuis la rentrée 2010 à Al Kindi, dont 272 au collège, 123 au lycée et 37 en primaire. L'établissement de premier degré a ouvert en 2009, il fonctionne aujourd'hui avec une classe de CP et une de CE1. Un CE2 ouvrira théoriquement l'année prochaine.

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Dans les apprentissages, l'accent est mis sur le respect des programmes de l'Education nationale. Mais aussi, et c'est là la réelle plus-value de l'établissement, sur le respect et l'apprentissage de la culture et de la religion musulmanes. L'établissement propose des cours d'arabe, dès la sixième. Pour ces journées portes-ouvertes, un atelier de calligraphie arabe a ainsi été installé dans le hall. Et dans la salle de "culture de l'Islam", l'une des plus grande du bâtiment, s'étalent les exposés réalisés par les élèves sur "les codes de bienséance" musulmans. Plusieurs corans trônent aussi sur une table. A côté d'eux, des cahiers d'élèves dans lesquels sont recopiés des versets du Coran (paroles de Dieu), des hadits (paroles du prophète) et un paragraphe qui affirme l'existence des djinns, ces esprits qui vivent parmi les musulmans selon leurs croyances.

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Le voile, l'ambiance et les résultats scolaires mis en avant

Hajar, 14 ans, scolarisée à Al Kindi depuis la rentrée de septembre est inscrite en classe de troisième. Elle porte le voile et assure qu'elle est entrée à Al Kindi pour pouvoir le garder. "C'est dur de l'enlever le matin pour aller en cours, de le remettre à midi, puis de l'enlever à nouveau à 13h, etc. Et puis, c'est important, c'est ma religion". Le père de la jeune fille l'a également fortement poussée à le faire. Mais ce qui a convaincu Hajar autant que le voile, ce sont les bons résultats au brevet de l'établissement : 93% de réussite au Diplôme national du brevet en 2010, dont 40% avec mention, mieux que la moyenne nationale à 82,6%.

Hajar dit aussi qu'elle avait peur dans le public. Peur des autres élèves qui avaient l'insulte un peu trop facile selon elle. Et c'est vrai que ce qui frappe à Al Kindi avant tout, avant le voile des femmes et la barbe des hommes musulmans, c'est la sérénité ambiante, le sourire des élèves, le respect qui règne entre les professeurs, les parents d'élèves et leurs enfants. On se sent un peu comme dans une grande famille.

Les parents d'élèves se félicitent de pouvoir inscrire leurs enfants dans un tel établissement. Une maman se confie : "j'ai fais moi-même ma scolarité à la Favorite à Lyon 5e et je suis très heureuse de retrouver le même type d'encadrement ici pour mon enfant". Les classes, contrairement aux collèges publics, ne comptent pas plus de 25 élèves à Al-Kindi. Jusqu'à 35 dans l'Education nationale au collège.

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L'école maternelle ouverte en 2009.

Le montant des frais d'inscription, 1 600 euros par an, 160 euros répartis sur dix mois, ne permet cependant pas aux parents d'élèves d'inscrire toute leur fratrie à Al Kindi. Cette mère de trois enfants regrette de n'avoir pu inscrire que son aînée en sixième. Elle compte beaucoup sur le soutien prochain de l'Etat, dans le cadre du passage sous contrat, pour faire baisser le montant des frais de scolarité qui s'établissent, en moyenne, à 600 euros par an dans les établissements catholiques privés sous contrat.

La demande de passage sous contrat est partie

Le président d'Al Kindi, Hakim Nazir, a déposé un dossier de demande à l'inspection académique en janvier pour obtenir le passage sous contrat de son établissement avec l'Education nationale. Théoriquement, il en a le droit au bout de cinq années d'existence. Al Kindi entrera dans sa cinquième année le 5 mars prochain. Peut être que le Rectorat exigera cinq années de fonctionnement ou que l'école primaire, ouverte seulement en 2009, sera exclue du conventionnement. Tous les scénarios sont étudiés.

En théorie, le conventionnement pourrait être accordé dès le 5 mars. Au moins devra-t-il intervenir avant le 15 avril pour que les professeurs de l'Education nationale puissent être recrutés pour organiser la rentrée scolaire 2011/2012. A la rentrée, seules quelques classes pourraient être conventionnées l'année prochaine.

Le sujet, en tout cas, est sur toutes les lèvres depuis la rentrée. Le président Nazir multiplie les contacts pour faire valoir sa demande. Vendredi 18 février, il rencontrait le préfet du Rhône et le lendemain, lors des journées portes-ouvertes, il invitait les élus Jérôme Sturla, représentant du Département, gestionnaire des collèges et Farida Boudaoud, élue à la région Rhône-Alpes qui gère les lycées. Tous deux étant par ailleurs adjoints à Décines.

La peur des "barbus durs" a vécu

Le conseiller général, le premier, s'était inquiété en 2007 de la présence de "barbus durs" au collège-lycée, selon les mots d'Hakim Nazir, le président qui en rit aujourd'hui. Il défend quatre ans plus tard l'idée du passage sous contrat d'Al Kindi. Les collectivités territoriales ayant selon lui "un rôle à jouer" pour faire émerger un "Islam de France" dans le cadre de "notre modèle démocratique". Il espère toutefois que "dans le contenu des enseignements, le sens critique est bien présent".

Farida Boudaoud, déléguée à la lutte contre les discriminations se dit fière que cet établissement "ait pu voir le jour en Rhône-Alpes". Le premier collège musulman de France, le deuxième lycée après le lycée Averroès de Lilles, qui a obtenu le conventionnement en 2010 pour certaines de ses classes. "Obtenez d'abord votre contrat, conclu-t-elle, on verra après pour l'apport financier éventuel de la Région".

Enfin un soutien de taille, le directeur de l'enseignement catholique du Rhône, Gilles de Bailliencourt était présent samedi 19 février. Il coordonne les 180 établissements privés catholiques du département : 58 collèges, 40 lycées et 80 000 élèves. Il encourage, au nom du diocèse de Lyon, l'établissement musulman afin "d'élever nos enfants les pieds sur terre, la tête dans le ciel et parce que nous croyons que la spiritualité fait partie de notre humanité".

Al Kindi coûte chaque année 1,6 millions d'euros en frais de fonctionnement et salaires à l'association du même nom. Si l'établissement passe sous contrat avec l'Education nationale, 10% de son fonctionnement pourra être pris en charge par la collectivité.

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