Fos-sur-Mer : il n’y a pas de fumée sans feu

L’incendie qui a sérieusement endommagé l’incinérateur de Fos-sur-Mer soulève nombre de questions, sur fond de polémique écologique. Il fait également remonter de drôles d’odeurs à la surface.

La préfecture de région observait mardi soir un véritable black-out quant aux causes de l’incendie qui a dévasté le week-end dernier l’unité de méthanisation de l’incinérateur de Fos-sur-Mer. Le sinistre qui s’est déclenché dans la nuit de vendredi à samedi dans une zone fermée au public serait à première vue accidentel. Mais à première vue seulement, car de nombreuses questions entourent encore la survenue d’un incendie dans cette unité de valorisation organique où un tel incident n’est pas censé se produire.

Mystérieux incendie dans un incinérateur contesté

Les cartes sont désormais dans les mains du parquet d’Aix-en-Provence, qui doit déterminer le caractère accidentel ou non de ce sinistre. Celui-ci a provoqué l’arrêt des installations pour au moins quinze jours. Des policiers accompagnés de Stéphane Messa, un expert éminent qui a par le passé œuvré dans l’enquête sur la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, se sont rendus sur place pour tenter d’élucider l’énigme. Pour l’heure, personne n’a d’explication. La difficulté technique est de déterminer comment un foyer a pu naître spontanément dans une zone qui ne contient que des déchets organiques compostés et des gaz issus d’un lent travail de décomposition.

Fortement contesté lors de son édification en 2010, notamment par les communes limitrophes directement touchées par les rejets de dioxine issus de la combustion de centaines de milliers de tonnes de déchets, l’incinérateur est de nouveau montré du doigt – particulièrement son exploitant, le groupe espagnol EveRé. Le maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi, s’est fendu d’un communiqué où il a fait part de sa détermination à refuser la remise en service du site : “À cette heure, les éléments à ma disposition me permettent de refuser toute relance de l’incinérateur, sachant que les règles élémentaires de sécurité, comme celles inhérentes au traitement des déchets, ne pourront pas être respectées.” De son côté, la préfecture cherche à calmer le jeu, affirmant que “l’incendie n’a pas provoqué de risque identifié pour les populations”.

Où l’on recroise l’affaire Guérini…

Mais ce ne sont pas les seules mauvaises odeurs à remonter à la surface. L’accident – s’il s’agit réellement d’un accident – remet à l’ordre du jour un dossier judiciaire jusque-là perdu dans les tiroirs : l’enquête judiciaire menée à la suite des révélations d’un certain Jean-Marc Nabitz.

Nous sommes le 25 novembre 2011, dans le bureau du juge d’instruction marseillais Charles Duchaine. Ce témoin clef de l’affaire Guérini est entendu à la demande des autorités helvétiques, qui enquêtent sur les circuits de blanchiment de cette affaire de fraude aux marchés publics, corruption, prise illégale d’intérêts, blanchiment. Elle a notamment provoqué la mise en examen de Jean-Noël Guérini, le président (PS) du conseil général, et de son frère Alexandre, un entrepreneur spécialisé dans le traitement des déchets. Jean-Marc Nabitz est l’ancien directeur de 13 Développement, la SEM chargée de gérer les investissements du conseil général. Il lance une véritable bombe en affirmant que le marché de l’incinérateur négocié en 2005 a fait l’objet de versement de pots-de-vin par l’adjudicataire, la société EveRé, elle-même filiale du groupe espagnol Urbaser. Jean-Marc Nabitz explique par ailleurs être à l’origine de la rédaction d’une note qui a eu pour effet d’écarter du marché la Lyonnaise des Eaux, initialement pressentie, au profit d’Urbaser. Il explique avoir bénéficié pour ses bons offices du versement d’une somme de 2,2 millions d’euros sur ses comptes suisses.

“Je suis persuadé qu’il y a eu une distribution de pots-de-vin ou de dessous de table pour l’attribution de la DSP de l’incinérateur, aussi bien à droite qu’à gauche”, affirme-t-il. Jean-Marc Nabitz met en cause deux ténors politiques de la région et leur entourage, sans pour autant apporter de preuves de ses allégations. Il évoque également un surcoût de 20 millions sur la construction des deux fours de l’incinérateur par l’entreprise Cnim, de La Ciotat. Le choix de la Cnim aurait, selon lui, fait l’objet de pressions politiques.

Depuis deux ans, les gendarmes de la section de recherche de Marseille mènent l’enquête pour tenter d’y voir plus clair mais ne semblent guère avoir avancé dans leurs investigations. Le mystérieux incendie qui a frappé le site pourrait aujourd’hui raviver certaines pistes.

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