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© Raymond Depardon

Expo : Depardon fait du sport

La photographie de sport a souvent été considérée comme un genre mineur. Avec Raymond Depardon derrière l’objectif, les images débordent pourtant le simple document sportif. Et les JO, que le photographe compare à Hollywood, sont aussi une compétition politique dont les images ont marqué l’histoire. À voir jusqu’au 22 mars à Lyon.

La gymnaste roumaine Nadia Comaneci, médaille d’or à la poutre, Montréal, 1976 © Raymond Depardon / Magnum Photos

© Raymond Depardon / Magnum Photos
La gymnaste roumaine Nadia Comaneci, médaille d’or à la poutre, Montréal, 1976.

Au bord des pistes ou depuis les gradins, les photographes de sport ont la difficile tâche de saisir le fugace, d’enregistrer l’exploit qui ne se répétera peut-être pas, pour la postérité. En 1964, alors qu’il n’a que 22 ans, Raymond Depardon est envoyé aux Jeux olympiques de Tokyo, reportage (le premier d’une longue série – six Jeux en tout, jusqu’à Moscou en 1980) qui n’avait rien d’une sinécure. Et pour cause.

“Un photographe doit tout savoir photographier”

La captation sportive concentre un nombre de paramètres et d’aléas qui rend la chose particulièrement ardue : la distance, l’angle qu’il faut disputer à la concurrence, la rapidité à déclencher (au bon moment), la soumission aux intempéries et cette espèce de sixième sens de l’exploit à venir.

“Pour moi, un photographe doit tout savoir photographier. Et le sport est peut-être la spécialité qui apprend le mieux à bien “voir”. Un photographe de sport est armé pour s’aventurer sur n’importe quel autre terrain”, explique Raymond Depardon.

Dieux du stade

Le sport, c’est évidemment le corps du sportif. L’intérêt purement plastique qu’il suscite aujourd’hui n’est plus à démontrer (en tête, le projet délirant de Philippe Parreno et Douglas Gordon et les dix-sept caméras braquées sur Zidane). Sans doute, le noir et blanc des photographies de Depardon rend-il encore plus sculpturaux les muscles bandés (le nageur Mark Spitz en plein papillon), la montée des corps qui défient la gravité (la légendaire Nadia Comaneci) ou les visages tendus des sprinters qui s’arrachent.

L’Américain Bob Beamon sous l’orage après sa victoire au saut en longueur, Mexico, 1968 © Raymond Depardon / Magnum Photos

© Raymond Depardon / Magnum Photos
L’Américain Bob Beamon sous l’orage après sa victoire au saut en longueur, Mexico, 1968.

La tension et l’attention de l’athlète pour un one shot est comparable à celle du photographe : “On est dans l’action, pas dans la contemplation ! Au bord des stades olympiques, j’ai un peu eu l’impression de devenir moi-même un athlète. Avant une grande course ou un grand concours, je ne mangeais plus, je ne buvais plus, je ne parlais plus. Pour le champion, c’est un an de préparation pour un exploit. Pour moi, c’était une demi-journée d’attente pour une photo.” Ou aucune.

Il y a finalement autant, si ce n’est plus, d’émotion à avoir raté l’immanquable : Bob Beamon fait le saut du siècle. Depardon passe à côté. Mais il le photographie post-exploit avec un compatriote, sous une couverture. Exit la déification, Beamon est ici simple mortel craignant les intempéries.

Sport, cinéma et politique

Raymond Depardon compare volontiers les JO à Hollywood, avec ses mises en scène, allant de la cérémonie d’ouverture aux montées de podium, sa dramaturgie parfois (la poignante photo d’un exténué du marathon de Mexico dont l’exploit fut de courir à 2 200 m d’altitude, ou ce perdant magnifique dont Claude Lelouch, envoyé avec neuf autres cinéastes pour filmer les JO, suit l’arrivée sous la pluie) et ses héros (le judoka néerlandais, colosse en tongs que l’on vénère après sa victoire contre les Japonais favoris).

Et puis, quand la réalité dépasse la fiction, il y a les vraies tragédies qu’ont engendrées les Jeux. Tel l’enlèvement des athlètes israéliens par un commando palestinien aux JO de Munich, en 1972 (Depardon a photographié un des visages cagoulés des terroristes, une image qui remplit d’effroi), ou la répression sanglante des manifestations étudiantes contre les dépenses générées par les Jeux de Mexico, en 1968.

Les JO sont toujours le terrain de la politique : par les dirigeants s’affichant volontiers dans les gradins, les pays exclus de la compétition, mais aussi le boycott ou la prise de position de certains athlètes. Les images des sportifs afro-américains brandissant le poing sur les podiums, symbole de la rébellion et des luttes contre le racisme, lors des Jeux de Mexico, restent dans toutes les mémoires.

Exposition à l’accrochage hétéroclite et néanmoins cohérent (ne manquant pas de raccords formels, de jeux de regards, de décalages), “JO – Depardon et le sport” mêle les époques et les sujets (les sportifs, les personnalités, les forces de l’ordre, les journalistes, les badauds) et déborde largement le simple document sportif, pour retracer un bout de l’histoire mondiale.

JO – Depardon et le sport. Jusqu’au 22 février, à la galerie Lumière, 3 rue de l’Arbre-Sec, Lyon 1er. Du mercredi au dimanche, 12h-19h. PROLONGATION JUSQU’AU DIMANCHE 22 MARS.
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