Un restaurant d’hôtel, typé assiette contemporaine, qui s’autorise, avec justesse, des combinaisons assez inspirées.
Comme le palindrome, Taggât (qui se lit aussi bien de droite à gauche que de gauche à droite) est une petite curiosité de la langue. Dans les assiettes, on retrouve l’idée du subjonctif imparfait du verbe tagger, clin d’œil des jeunes patrons de l’hôtel à leur passion pour l’urban art. Comme les street artists, le chef Cyril Bantegnie détourne, revisite, joue avec les textures et les couleurs. On retrouve, un peu comme dans l’art urbain, une logique de création hors norme, en marge des codes établis, une grammaire qui mélange les registres et ouvre de nouvelles perspectives gustatives. Les pleurotes et champignons bruns se drapent dans une écume d’ail confit très pertinente et parfaitement équilibrée de lard et d’une vinaigrette au thym. Classique du Nord, le hareng fumé s’acoquine de betterave rouge marinée, avec un fromage frais monté au hareng, relevé d’aneth.


@Pierre-Antoine Pluquet
Déconstructivisme
Une architecture déconstructiviste à souhait qui rappelle, en bon Lyonnais que nous sommes, le musée des Confluences, marqueur architectonique facetté un peu clinquant.
Le “papier de betterave” apporte la finition croquante. Coup de cœur. La fresque se poursuit avec un cochon braisé huit heures de La ferme de Clavisy (Bourgogne), assaisonné d’un salmoriglio, une sauce froide typique du sud de l’Italie, aux graines de moutarde, et accompagné d’un risotto de pois cassés et d’aubergines vapeur dans leur plus simple appareil. Quant à la morue, elle est rôtie et escortée de chou frisé, haricots de Paimpol, d’olives taggiasche (dont le côté salé, selon nous, est peut-être en trop sur la morue) et d’une crème à l’ail qui relève subtilement l’ensemble.

Desserts diserts
Comme l’art urbain qui raconte des quartiers, des cultures, marginales ou populaires, les desserts piochent dans les recettes d’ici et d’ailleurs. Le coing est poché dans un sirop, lui conférant une texture étonnamment fondante. Il est assorti d’une namelaka au chocolat blanc (signifiant “ultra-crémeux” en japonais) créée par Frédéric Bau de l’école Valrhona de Tain-l’Hermitage, d’un gel de coing acidulé et de cacahuètes. Quant à la brioche perdue, elle prend des airs de shokupan, un pain au lait japonais doré au beurre qui “nécessite quatre jours de préparation avant de pouvoir être servi”. Côté vin, belle trouvaille avec un muscadet épatant, “Granite ‘Clos des Perrières’ du domaine Bretaudeau”.
Pour résumer ce bistrot contemporain : derrière les intitulés se cachent une foule de petits détails, un propos moderne, un endroit branché, “une déco minimaliste et un style loft” (Gault&Millau). Bref, une cuisine dans l’air du temps.

À noter : dès novembre, des plaques d’isolation phonique vont être installées pour baisser le niveau du bruit, un poil élevé.
Taggât
110, rue Vendôme, Lyon 6e
04 78 52 09 31
Prix : menu complet 33 € (entrée-plat 29 €) à midi, 52 € (entrée-plat 41 €) le soir
Fenêtre de tir : du lundi au vendredi, midi et soir
Pedigree du chef : Cyril Bantegnie a fait ses armes dans l’hôtellerie de luxe (Hilton, Marriott), avant de faire l’ouverture de Victoire et Thomas puis a pris les commandes de la Cité de la gastronomie avant de rejoindre Taggât.
Sourcing : Agriz, ferme de Clavisy, Cafés Richard…