© Boris Molinier

Escapades en Haute-Savoie : les femmes du Mont-Blanc

Saint-gervolaines depuis des générations ou d’adoption, Josiane Bianchin, Flavie Melendez et Delphine Bucheton ne quitteraient pour rien au monde leur petit village de Haute-Savoie. À plus de 2 000 mètres d’altitude comme sur le plancher des vaches, rencontre avec celles qui font vivre l’identité saint-gervolaine.

Josiane Bianchin, lorsqu’elle a pris les rênes du refuge, et sa fille

Josiane Bianchin : le refuge du Mont-Joly fête un siècle d’existence

Josiane Bianchin a la force tranquille de celles et ceux qui ont trouvé leur place dans le monde. Au refuge du Mont-Joly, qui fête cette année ses 100 ans d’existence. Les arrière-grands-parents de Josiane ont investi le chalet, planté à 2 002 mètres d’altitude, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Depuis, il est resté dans cette famille de Saint-Gervolains pure souche.

Après avoir été assistante maternelle, gardienne d’une résidence secondaire et avoir travaillé dans la restauration, Josiane a pris les rênes du refuge dans les années 2000. Le chalet a toujours eu une place à part dans son cœur. Petite, c’est là qu’elle venait voir “[s]es lapins”, qui passaient l’été en plein air avant de finir en civet.

À 40 ans, elle se retrouve seule avec ses deux filles lorsque son mari décède brutalement. “Si je n’avais pas eu le refuge, je ne serais plus là”, assure-t-elle. Josiane remonte la pente, travaille “18 heures par jour et sept jours sur sept”, soupire-t-elle. Les touristes le lui rendent bien.

Elle a constaté que depuis la crise sanitaire, la fréquentation a doublé l’été. Le charmant Tour du Val Montjoie en cinq jours, imaginé par la compagnie des guides de Saint-Gervais-Les Contamines et l’office de tourisme, n’y est pas étranger. Ainsi que sa facilité d’accès : une petite heure de marche depuis la télécabine ou deux heures depuis le parking du Bettex ou le plateau de la Croix.

Au bout du sentier, le refuge du Mont-Joly est là pour proposer une nuitée confortable ou une tartelette réconfortante aux randonneurs fourbus. Et Josiane est là pour les accueillir, solaire, dans un grand éclat de rire communicatif. À 55 ans, elle ne descend plus de sa montagne – ou presque. “Pour quoi faire ? Mon bonheur est ici.”

C’est d’ailleurs là-haut qu’elle a rencontré son mari actuel. Un restaurateur du coin, venu déguster un des délicieux farcements de Josiane et tombé sous le charme de la gardienne. “Lui qui était à la retraite, il a rempilé sur un temps plein au refuge”, rigole-t-elle. Pendant leur voyage de noces en Corse, la jeune mariée n’avait qu’une seule hâte : retourner dans ses montagnes. “C’est magnifique, mais tous les couchers de soleil que j’ai vus en Corse, c’est autant que j’en ai loupé au Mont-Joly”, explique-t-elle sur le ton de l’évidence.

Josiane prend chaque matin son café face à un panorama à 360 degrés époustouflant, du Mont-Blanc au Charvin. Le soir, elle en admire les derniers rougeoiements sur les Aravis. “C’est magique,souffle-t-elle. C’est une vie à part.”

Réservations sur refuge-mont-joly.com

Flavie Melendez © Hugo Guillerez

Flavie Melendez : agricultrice et infirmière

Rien, absolument rien ne prédestinait Flavie Melendez à être agricultrice. Petite, elle adorait jouer chez ses voisins agriculteurs. Une rencontre déterminante avec une infirmière charismatique lui fait abandonner son bac agricole pour les métiers du soin. Pendant dix ans, elle a travaillé avec plaisir aux urgences des hôpitaux du Pays du Mont-Blanc. Sauvant, retapant et rassurant les nombreux blessés de la montagne. Affrontant aussi la crise sanitaire du Covid-19, dans les conditions difficiles qu’on connaît.

Mère d’une fillette et d’un bébé, elle se relance dans une année d’études pour réaliser son rêve de petite fille : s’installer en tant qu’agricultrice. En 2019, elle intègre la ferme des Roches Fleuries, à Saint-Gervais, ses trente vaches laitières et ses cinquante chèvres.

Flavie est comme un poisson dans l’eau. Elle y rencontre même son conjoint, Pierre. Six ans plus tard, son moment préféré reste la transhumance, quand les bêtes prennent le chemin de l’alpage où elles passeront la belle saison. Les cloches qui tintent, les vaches excitées, les copains venus filer un coup de main et surtout les traditions qui perdurent. “Chaque année, j’ai des papillons dans le ventre”, confie-t-elle.

La ferme produit des tommettes de chèvre, des crottins, des tommes et de la raclette de vache ainsi que des produits laitiers et de la charcuterie qui sont vendus sur place.

Le lait des vaches part à la coopérative pour fabriquer du reblochon ou de l’abondance. L’été, l’alpage de Joux est ouvert, et son immense terrasse face à la chaîne du Mont-Blanc est prise d’assaut pour déguster les tartes aux myrtilles de Flavie.

Malgré les journées interminables, les semaines à 50 heures et les attaques de loups, Flavie n’a jamais renoncé à son métier d’infirmière. Depuis 2020, elle mène de front ses deux professions, pas si éloignées que ça l’une de l’autre.

“La crise du Covid a permis de mettre en avant les professions indispensables à la vie des Français et les deux en font partie. D’un côté, on prend soin des gens avec des aliments de qualité ; de l’autre, on les soigne lorsqu’ils sont malades ou blessés.” Ce n’est malheureusement pas leur seul point commun, grince-t-elle : “Les infirmiers comme les agriculteurs sont les grands absents de la reconnaissance du gouvernement !”

Flavie a décidé d’agir, à son échelle, en intervenant dans les établissements scolaires locaux. Les élèves viennent ensuite visiter l’alpage. Un moyen, selon elle, de lutter contre “le clivage” existant entre les ruraux et les citadins. “Il faut ouvrir la ferme, affirme-t-elle. Rapprocher la population des agriculteurs. Avant, tout le monde comptait un agriculteur dans sa famille. Ce n’est plus le cas.”

Plus d’informations sur fermedesrochesfleuries.fr

Delphine Bucheton

Delphine Bucheton : une garde-robe made in Saint-Gervais

Peut-être avez-vous dans votre armoire un sweat, ou un caleçon, siglé Le P’tit Traquenard. La créatrice de cette petite marque saint-gervolaine, fortement inspirée de la montagne, n’est pourtant pas du coin. Pas du tout.

Delphine Bucheton, 29 ans, est originaire de Niort, au plat pays du Marais poitevin. Bien loin des cimes enneigées de Saint-Gervais. Passionnée de couture, elle s’offre sa première machine au lycée et la fait vrombir pendant toute son adolescence. Alors que ses profs la poussent en bac général, Delphine s’accroche à sa passion et opte pour un BTS métiers de la mode. C’est la désillusion.

Elle découvre un monde “très axé usine, réduction des coûts de production et fast fashion” et se spécialise alors en textile technique, histoire de créer “des vêtements qui servent à quelque chose”. La Niortaise est embauchée dans une entreprise de harnais de parapente, à Saint-Gervais.

Elle tombe aussitôt sous le charme du village. “L’ambiance est très conviviale, tout le monde se connaît”, constate-t-elle. Delphine s’attache vite aux Saint-Gervolains – et à l’un d’entre eux particulièrement.

L’environnement exceptionnel du village, blotti au pied du Mont-Blanc, aiguise la conscience écologique de la jeune femme. Hors de question de participer à cette “industrie super polluante” qu’est la mode. “On voit les glaciers qui fondent et la nature polluée sous nos yeux”, déplore-t-elle.

Et s’il était possible de faire autrement ? Delphine a l’habitude d’offrir à ses proches un cadeau unique : des slips. “Mon copain portait tout le temps des caleçons troués, sourit-elle. Ça a commencé comme ça.” En parallèle de son travail, elle commence à coudre des vêtements “confortables”, qu’elle-même aimerait porter : des polaires moelleuses, des pantalons souples, des sweat-shirts colorés… Le P’tit Traquenard est né.

Les tissus sont achetés dans des entreprises à taille humaine et écoresponsables et la couturière travaille principalement sur commande, et sur mesure, pour minimiser les pertes.

Depuis deux ans, elle vit uniquement du P’tit Traquenard, qui s’est installé dans la boutique-atelier Miloukou, à Saint-Gervais. “C’est cousu à deux pas de chez le client”, s’amuse-t-elle. “J’ai été portée par les habitants de Saint-Gervais. Le bouche-à-oreille, dans les petits villages, c’est incroyable !”

Ses clients sont des locaux, notamment des professionnels de la montagne. Elle voit aussi passer des touristes, qui reviennent d’une année sur l’autre lui acheter des vêtements – des Parisiens, beaucoup de Bretons et des Lyonnais, évidemment.

Plus d’informations sur leptittraquenard.com

© Fabian Bodet

Où dormir ?

Où se restaurer ?

  • La Maison des Pratz (nouveau café, bar et restaurant à toute heure) à Saint-Gervais – 07 60 97 54 61
  • Le Relais des Communailles (chalet d’alpage à 1 430 mètres d'altitude) au Bettex – lerelaisdescommunailles.com
  • La Croix du Mont-Blanc (spécialités locales) au Fayet – lacroixdumontblanc.com

Événements

  • Du 28 juin au 14 septembre : Artocène (4e édition de la biennale d’art contemporain) à Saint-Gervais
  • Du 12 au 20 juillet : 27e édition du Festival de musique baroque du Pays du Mont-Blanc
  • Les 25 et 26 juillet : 7e édition de l’Alpi’Hours festival (musique, danse et spectacles dans les rues du village) à Saint-Gervais
  • Du 29 juillet au 1er août : Festival de théâtre dans les alpages à Bionnassay
  • Du 4 au 8 août : Rencontres musique et patrimoine (concerts de musique classique) à Saint-Gervais
  • Le 16 août : anniversaire des 100 ans du refuge du Mont-Joly

Comment s’y rendre ?

  • Depuis Paris : 5 heures (TGV puis TER) avec un changement à Bellegarde-sur-Valserine
  • Depuis Lyon : 3 heures 30 (TER) avec un changement à Bellegarde-sur-Valserine
  • Depuis Genève : 1 heure 45 (TER)

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