Passi Martial
Martial Passi, ancien maire de Givors, est accusé de détournement de fonds publics lors de sa mandature de 2013 à 2016.

Givors : la Ville prise dans une affaire de fausses factures

Lyon Capitale fait la chronique de l’affaire du Lidl de Givors depuis de nombreuses années : malfaçons, fissures, dangerosité d’un bâtiment construit sur une ancienne décharge. Mais le dossier laisse apparaître de sérieux doutes quant au rôle joué par une société liée à la mairie de Givors, accusée de fausses factures. Martial Passi, le maire (PCF) de la ville, qui a été contraint de porter plainte pour faux et usages de faux, est au cœur de ce dossier qui pourrait le rattraper.

Martial Passi aurait bien aimé faire l’économie d’une telle affaire, à quelques mois des municipales. Fausses factures, surfacturation, faux et usages de faux résonnent dans les couloirs de la mairie communiste de Givors. L’affaire du centre commercial de Bans où est installée l’enseigne Lidl de la ville prend une tournure d’escroquerie financière inquiétante pour un satellite de la commune : la société d’économie mixte (SEM) Givors Développement, présidée par Martial Passi, maire, conseiller général du Rhône et vice-président du Grand Lyon.

Confiance

Tout démarre en 2004. Un promoteur de la ville, Farid Touati, projette de construire des logements et des locaux commerciaux sur la place des Bans, située au sud de la ville, en bordure du Rhône. M. Touati a son architecte, à qui il attribue la maîtrise d’œuvre du projet et à qui il confie le soin de déposer une demande de permis de construire. Mais M. Touati se lie d’amitié avec le maire. Son épouse tient un salon de coiffure dans lequel la femme de M. Passi vient se faire coiffer. Le couple se fréquente, ils partent même en vacances ensemble, selon les dires de M. Touati.

Dans cette ambiance amicale, Farid Touati fait confiance. Lorsque Martial Passi lui demande de faire plutôt travailler la société d’économie mixte de la ville, Givors Développement (ex-Codegi), M. Touati accepte. Comme tout se faisait à la confiance, Farid Touati ne signe rien, ni contrat avant le début des travaux ni même la vente du terrain cédé par la ville de Givors. Les entreprises ne signent rien non plus et seront convoquées six mois après le début des travaux pour signer des contrats pourtant établis sur la base d’un marché public et d’un appel d’offres. “Passi me disait : “T’inquiète pas, on s’arrangera après, on verra après.” Toujours plus tard. Moi, je lui demandais constamment : “Quand est-ce qu’on signe ? On a démarré les travaux et on n’a rien signé”...” raconte M. Touati.

L’acte de vente du terrain cédé à M. Touati par la ville de Givors sera signé en juin 2006 chez un notaire, soit dix mois après le début des travaux et deux ans après la vente du terrain décidée par la ville de Givors par une délibération votée en conseil municipal le 26 janvier 2004. Chez le même notaire, le bail à construction avec Givors Développement sera également signé six mois après le début des travaux ainsi que le bail à long terme décidé entre la SEM et la société de M. Touati.

Avant le début des travaux, la SEM et Martial Passi iront même jusqu’à promettre à M. Touati de réduire les coûts de construction par rapport au projet initial, lors d’une réunion qui a eu lieu le 4 août 2008. Givors Développement va procéder à plusieurs modifications des travaux en cours de chantier. Farid Touati avait conclu un bail à construire de 1,2 million d’euros avec Givors Développement, mais la SEM lui a présenté une facture de près de 2,2 millions à l’issue des travaux, alors qu’il avait été décidé de réduire les coûts de construction. Le montage s’apparente à un procédé de surfacturation que ne vont pas tarder à révéler les nombreuses malfaçons sur le bâtiment livré par la SEM de la ville de Givors.

Surfacturation

Des fissures vont très vite apparaître dans le bâtiment. Le vide sanitaire prévu initialement n’est pas construit. Des travaux de terrassement n’ont pas été effectués. Des travaux facturés ne sont pas réalisés. Des surfacturations outrancières émergent également. Par exemple, dix socles d’éclairage sont facturés alors qu’il n’y en a que quatre de posés. Les malfaçons sont si nombreuses qu’un expert va conclure à la démolition du bâtiment en raison de malfaçons graves et dangereuses s’agissant d’un bâtiment accueillant du public : absence de ferraillage, absence de chaînage, absence de béton à certains endroits, absence d’enrobage des aciers, des briques ont été posées sans la colle adéquate. Au vu de la somme que réclame une telle démolition, une autre expertise est commandée, qui conclura à la possibilité de consolider le bâtiment.

Des plaintes ont été déposées et Farid Touati a alerté le procureur de la République sur de forts soupçons de fausses factures et de surfacturation de travaux. Chez Givors Développement, le directeur, M. Boyer, affirme que des travaux étaient à la charge de M. Touati et qu’il n’est pas de la responsabilité de la SEM de les assumer. Dans un rapport d’expertise judiciaire, l’expert “confirme que c’est bien Givors Développement qui a demandé les modifications en cours de projet, par souci d’économie. Pour ce qui concerne les balances travaux pendant le chantier, [l’expert] rappelle qu’en aucun cas des travaux peuvent venir en compensation de règlement d’autres travaux non réalisés d’autant plus qu’il s’agit d’un marché public. Il doit être établi systématiquement des avenants en plus ou en moins à chaque modification de prestation”.

Faux, usage de faux

En juin dernier, Martial Passi a été contraint de déposer une plainte contre X, sous la pression de son opposition, pour “des faits de faux et usages de faux en relation avec la délivrance de certificats inexacts concernant l’opération du centre commercial de Bans”. Martial Passi n’a pas répondu à nos demandes d’interview.

Cette affaire de Givors Développement en rappelle une autre, dans laquelle Martial Passi avait dû s’expliquer devant la brigade financière lors d’une garde à vue en 2007. Le parquet de Lyon avait alors ouvert une enquête pour prise illégale d’intérêts. À l’époque, des contribuables de Givors s’interrogeaient sur l’acquisition par M. Passi d’un appartement dans le cadre d’une opération immobilière rendue possible grâce à la vente d’un terrain par la Codegi au promoteur à l’origine de l’opération. L’affaire n’avait alors pas donné lieu à de plus amples poursuites judiciaires. Depuis, la Codegi est devenue Givors Développement, celle-là même qui est au cœur du scandale du centre commercial des Bans.

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Cet article est paru dans Lyon Capitale n°726 (octobre 2013)

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