Débat présidentiel

Les trois sont d'accord pour réformer profondément la constitution dans le sens d'une présidentialisation affichée.

Morvan renvoyé

Michel Havard (UMP) : Ça concerne l'Education nationale. Le recteur Morvan a toujours eu une liberté de parole détonante pour un haut fonctionnaire. Il critiquait son ministre sur les suppressions de classes dans les écoles, sur le lycée musulman, etc. Le ministère a estimé qu'il fallait un certain devoir de réserve. Je ne porte pas de jugement, l'Education nationale a ses règles.

Thierry Braillard (PRG) : C'est une affaire très grave qui ne concerne pas que l'Education nationale. En août 2006, le recteur Morvan a été convoqué dare-dare au ministère de l'Intérieur, il a eu le sentiment qu'on essayait de l'impressionner, de le "circonvenir". Voilà ce qui peut attendre les Français si Nicolas Sarkozy est demain président. Si on n'obéit pas on est kärcherisé.

Marc Augoyard (UDF) : Morvan a défendu les valeurs de l'Education, la laïcité, la liberté. Je rejoins ce qu'a dit Thierry Braillard sauf sur un point : il y a eu aussi un Etat PS.
Michel Havard : Quand il se passe quelque chose, c'est forcément de la faute de Sarkozy ! Il n'y a eu aucune ingérence du ministre de l'Intérieur concernant Morvan, ça relève du fantasme politicien. C'est Gilles de Robien, UDF, qui a pris cette décision. On essaie de monter cette affaire ; les Français ne sont pas dupes.

Thierry Braillard : Sarkozy devait demander des explications au ministre, pas directement au recteur. Il est derrière cette révocation.

Michel Havard : Pas du tout !

Marc Augoyard : Le résultat, c'est qu'il est viré.

Michel Havard : Oui, par un ministre UDF.

Marc Augoyard : Ce ministre presque UDF n'a rien fait pour le défendre, c'est vrai. Mais si le ministre de l'Intérieur et le président acceptent le principe d'une révocation, un ministre ne peut pas s'y opposer.

Chirac soutient Sarko : service minimum ?

Thierry Braillard : Pas du tout, c'est une clarification.
Nous ne sommes plus dans la rupture tranquille mais dans la pure continuité. Nicolas Sarkozy va devoir assumer le bilan.

Marc Augoyard : C'est un soutien normal même si les relations entre eux ne sont pas simples. On aurait pu souhaiter que Chirac reste au-dessus de partis. Faire ça depuis l'Elysée, ça montre une démarche, une méthode. Il a confondu les moyens de l'Etat et les moyens politiques.

Thierry Braillard : J'en ai été le témoin. Quand je reçois Nicolas Sarkozy en tant qu'adjoint au maire au stade de Gerland et qu'en même temps l'attachée de presse distribue les badges d'accréditation pour l'après-midi, on est en plein mélange.

Michel Havard : Ça ne vous gênait pas quand c'était Jospin mais quand c'est l'UMP c'est affreux ! C'est logique que Chirac soutienne Sarkozy. On est dans un changement de génération et ce changement explique ce "service minimum". Il y a aujourd'hui de nouveaux projets , il y a la rupture tranquille. Le président a fini son temps. Ce n'est pas à lui d'initier ou de faire des commentaires. Il soutient, point.

Bayrou en chute ?

Augoyard : C'est juste un tassement. Le décrochage c'est s'il revenait à 12%. On n'en est pas là. Et puis l'électorat Bayrou est de plus en sûr de voter Bayrou. Tous les candidats seront dans un mouchoir de poche autour de 20%.
Havard : Le discours de Bayrou c'est : "J'arrive vierge et je vais travailler avec les meilleurs de chaque camp". C'est un discours contestataire. Mais les Français comprennent qu'il faut une majorité. La chute de Bayrou vient du fait que les Français ne comprennent pas comment il va pouvoir - quoi qu'il dise - mettre en œuvre ce qu'il dit.

Augoyard : Les Français ne sont pas si bêtes. Chirac a réuni 18% de Français et puis il a eu une majorité. En politique, il y a des dynamiques. A la minute où Bayrou sera élu, il trouvera sa majorité.

Braillard : Je suis d'accord avec Michel Havard. Pour moi, Bayrou est même un mystificateur. Ses convictions, c'est la démocratie chrétienne et celle-ci, partout, gouverne avec la droite.

Augoyard : Et Prodi ?

Braillard : Madame Comparini en 2002 fait un procès à madame Isaac-Sibille pour être la seule à pouvoir porter les couleurs de l'UMP ! Ce que ne dit pas Bayrou, c'est qui il estampille pour les législatives ? Est-il prêt à m'estampiller contre Anne-Marie Comparini dans la 1 ère circonscription ?

Sarkozy agressif ?

UDF : Oui, il l'a été avec Bayrou en se moquant de son tracteur. Il devrait au moins respecter ses adversaires.
Havard : Alors que Bayrou respecte d'abord ceux avec qui il a travaillé pendant tant d'années. Sarkozy, on était lundi soir avec lui, il nous répète la même chose depuis le début : "la campagne présidentielle, c'est la confrontation d'idées. Ne vous inquiétez pas. Ça fait 10 ans que je fais de la politique que je prends des scuds sur le nez, je vais tenir encore les 3 mois qui restent. Ce qui est important, c'est de parler aux Français de leur pouvoir d'achat, de leur retraite". L'UDF et le PS n'ont pas de programme pour, ils ont simplement un programme contre Sarkozy.

Augoyard : Rassurez-vous, ce n'est pas contre Sarkozy qu'on a un programme. On a un projet pour la France, on peut même vous l'envoyer. Faut arrêter de penser que Sarkozy est le centre du monde, le vecteur de la politique. Ce n'est qu'un candidat comme les autres.

IVe, Ve ou VIe République ?

Havard : Pas un Français ne m'a parlé de changement de République ! Et puis, ce qui compte, ce n'est pas le numéro, c'est la pratique des institutions. Bayrou nous ferait revenir à la IVe République avec des majorités de projets, Un coup avec les uns, un coup avec les autres. Au lieu de mettre 3 mois pour se mettre d'accord, on met un an et demi. La Ve République a montré une certaine longévité et une capacité d'adaptation. Mais je suis favorable à de profondes réformes. Par exemple, allez, je vais le dire, ce sera un scoop : je suis favorable à ce que le mandat parlementaire soit exclusif à tout autre mandat dans l'exécutif. Ça, il faut arrêter ! Mais c'est ma position, pas celle de l'UMP.

Braillard : La Ve a été conçue pour un homme à un moment donné et ne reflète plus les évolutions de la société. Je suis d'accord avec Michel Havard. Quand on est député, c'est bien d'être élu municipal, pour garder le lien, mais pas dans l'exécutif. Je suis pour une VIe République. Je me présente à la députation, mais je n'ai pas envie d'être un député godillot, ce n'est pas intéressant. Il faut aussi faire sauter le verrou du scrutin majoritaire sans pour autant aller vers la proportionnelle intégrale. Et à titre personnel, je suis pour qu'il n'y ait plus de Premier ministre. Etre un simple fusible, ce n'est pas sérieux. Il faut que le président soit responsable devant l'Assemblée.

Havard : Sarkozy y est aussi favorable. Il suffit de faire d'une réforme constitutionnelle. Pourquoi le 1er ministre est autorisé à faire une déclaration de politique générale devant l'Assemblée et pas son patron ? C'est illogique ! Le patron, c'est le Président.

Augoyard : Pour changer la Constitution, il faut un large consensus. Nous, on propose un système mixte d'élection mixte, la moitié élu par circonscription, l'autre moitié à la proportionnelle. L'Assemblée doit devenir un lieu de débats.

Havard : A titre perso, je suis favorable à une dose de proportionnelle... Mais Sarkozy, pas vraiment ! (rires autour de la table).

Augoyard : Moi je pense qu'il faut quand même garder le premier ministre.

Havard : D'accord pour les réformes profondes dans la constitution, mais il faut qu'on prenne tous garde à ne pas donner aux Français l'impression qu'on veut changer le costume, en changeant le numéro de la République, mais sans soigner le malade.

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