Neila Moore, interceptrice de prédateurs sexuels
Neila Moore, interceptrice de prédateurs sexuels@ William Pham
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Neila Moore, interceptrice de prédateurs sexuels

De Lyon, l'activiste Neila Moore traque les pédocriminels sur les réseaux sociaux.

Fausse enfant sur Facebook, activiste, mère, femme de ménage… À 37 ans, Neila Moore – un pseudonyme – a plus d’une corde à son arc. Depuis 2019, avec la Team Moore qu’elle a co-fondée, elle intercepte, enquête et signale aux autorités les prédateurs sexuels… en se faisant elle-même passer pour une enfant sur les réseaux sociaux. Ce collectif de citoyens revendique avoir été à l’origine de 130 signalements à la justice, de plus de 75 arrestations et de 40 condamnations, la dernière début février. Dans son livre sorti en janvier, Les Prédateurs sont dans la poche de vos enfants, la Lyonnaise raconte ce qui est devenu le combat d’une vie.

Lyon Capitale : Vous considérez-vous comme une grande gueule ?

Neila Moore : Je ne sais pas si l’on peut dire que j’ai une grande gueule mais, en effet, je suis là pour porter un message et j’aime dire les choses sans filtre. Grande gueule, je trouve le mot un peu fort… mais en tout cas, je ne la ferme pas.

Chasseuse, traqueuse de pédophiles, comment vous définissez-vous et pourquoi avoir voulu écrire un livre sur cette expérience ?

Je déteste le terme de chasseur de pédophiles, ça met les prédateurs en position de proies, donc de victimes. Non, je suis une interceptrice. Ou lanceuse d’alerte, les journalistes aiment bien. Au début, c’était un journal de bord, je me racontais à moi-même ce qu’il se passait. Et puis au bout de cinquante pages, je me suis dit que j’allais en faire un bouquin, il fallait que les gens sachent. C’est le fruit de deux ans et demi d’écriture.

“Quand j’ai installé mon premier profil d’enfant, j’étais stupéfaite : ça allait très vite, en quelques heures j’avais une vingtaine de demandes”

Quel moteur vous a poussée à vous jeter dans cette lutte ?

Un jour, j’ai vu un reportage de Karl Zéro qui retrace l’histoire du réseau pédocriminel de Zandvoort à la fin des années 90. Cela m’a menée à en voir d’autres, et c’est comme si je m’étais réveillée un matin en me disant que je devais agir. Je me suis demandé ce que je pouvais faire à mon niveau. On m’a parlé de Steven Moore, un lanceur d’alerte qui avait déjà mis en place un profil d’enfant virtuel : il se faisait passer pour une mineure sur les réseaux sociaux et avait fait arrêter quelques personnes. Il m’a formée, et on a décidé ensemble de créer la Team Moore [une référence au réalisateur américain Michael Moore, NdlR]. On s’inspire des collectifs de citoyens anglo-saxons, dont on a adapté la méthodologie à la législation française. À 80 %, nous sommes d’anciennes victimes touchées de près ou de loin par la pédocriminalité. C’est mon cas, c’est une étape de ma vie que j’ai longtemps oubliée et il est possible que ça joue dans ma volonté d’agir.

Qui compose la Team Moore ?

Aujourd’hui, nous sommes cinquante citoyens ordinaires dans le collectif et on ne sera pas plus. Notre but était de donner une méthode légale et créer des vocations. Depuis 2019, d’autres collectifs et associations se sont créés – à Rouen, en Belgique, en Nouvelle-Calédonie – mais ils sont autonomes. Dans la Team, il y a deux types de “jobs” : les “intercepteurs” qui piègent les pédocriminels (surtout sur Facebook) à travers des profils d’enfants, et les “enquêteurs” chargés de trouver les informations et de constituer le dossier pour le signalement à la justice.

“On a fait condamner des prédateurs de 17 à 82 ans, la majeure partie entre 30 et 50 ans mais aussi beaucoup de jeunes entre 20 et 25 ans”

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