Jonathan Bocquet
Jonathan Bocquet

Villeurbanne : "il nous faut des recettes supplémentaires"

Jonathan Bocquet, adjoint aux finances à Villeurbanne, justifie dans 6 minutes chrono la hausse de la taxe foncière décidée par la majorité municipale.

Comme de nombreuses autres villes de l'agglomération, Villeurbanne a revu à la hausse sa taxe foncière en ce début d'année 2024, contrairement aux engagements pris pendant la campagne des municipales de 2020 : "ce n'était pas comme ça qu'on avait prévu le plan de mandat. Mais lorsqu'on fait le programme municipal en fin 2019, début 2020, on n'est pas tout à fait dans le même contexte qu'après la crise Covid, qu'après la crise inflationniste la plus grave depuis 50 ans et donc on s'adapte à la nouvelle réalité. On a des dépenses supplémentaires, il nous faut des recettes supplémentaires".

Jonathan Bocquet explique aussi que la majorité socialiste a arbitré vers une hausse des impôts pour sanctuariser les services publics et l'investissement : "c'est des services publics qui peuvent se dégrader ou des équipements publics qu'on ne fait pas alors qu'on sait qu'il y a besoin d'écoles, qu'on sait qu'il y a besoin de nouveaux parcs, qu'on sait qu'il y a de nouveaux gymnases, nous on a fait le choix effectivement de ne pas revenir sur notre plan de mandat. On a utilisé pendant un moment le levier de la dette aussi, parce que la ville avait cette capacité."

La retranscription intégrale de l'entretien avec Jonathan Bocquet

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Jonathan Bocquet. Vous êtes adjoint aux finances de la ville de Villeurbanne, on va revenir avec vous sur une décision plutôt impopulaire que vous avez prise en fin d'année dernière, celle de relever la taxe foncière de 10 points, pourquoi cette décision alors en mars 2020, au moment des municipales, votre majorité s'était engagée à ne pas toucher au levier fiscale ?

Alors ce n'est pas de 10 points, c'est de 10%, c'est une nette différence quand même, mais ça reste effectivement une mauvaise nouvelle qu'on a annoncé aux Villeurbannais et ce n'était pas comme ça qu'on avait prévu le plan de mandat. Mais lorsqu'on fait le programme municipal en fin 2019, début 2020, on n'est pas tout à fait dans le même contexte qu'après la crise Covid, qu'après la crise inflationniste la plus grave depuis 50 ans et donc on s'adapte à la nouvelle réalité. On a des dépenses supplémentaires, il nous faut des recettes supplémentaires.

Ces dépenses supplémentaires, c'est lesquelles le coût de l'énergie, le menu sur l'inflation ?

Sur l'inflation, le poste le plus révélateur effectivement, c'est le coût de l'énergie, on a multiplié par deux le poste de dépenses sur l'énergie, donc c'est plus 4 millions d'euros depuis le début du mandat. Mais en fait, sur toutes les lignes de dépenses, l'inflation joue et donc c'est plus 4, plus 5, plus 7% sur tous les domaines de dépenses de la ville. C'est aussi des mesures comme le point d'indice, le gouvernement a décidé d'augmenter les fonctionnaires, c'est une très bonne nouvelle, mais c'est les collectivités qui payent. Et pareil, pour nous, c'est plus 4 millions à financer sur le budget et les ressources humaines.

Il y avait d'autres options sur la table que celle-ci ?Il  aurait pu y avoir celle de faire des économies, c'est forcément la plus simple et souvent celle qui est la plus populaire, en tout cas des habitants ?


Oui, mais quand il se rend compte que c'est des services publics qui peuvent se dégrader ou des équipements publics qu'on ne fait pas alors qu'on sait qu'il y a besoin d'écoles, qu'on sait qu'il y a besoin de nouveaux parcs, qu'on sait qu'il y a de nouveaux gymnases, nous on a fait le choix effectivement de ne pas revenir sur notre plan de mandat. On a utilisé pendant un moment le levier de la dette aussi, parce que la ville avait cette capacité. 

Villeurbanne a une spécificité dans sa gestion depuis plusieurs décennies. C'est une ville qui a très peu recours à l'endettement ?

Oui, on est une ville très peu endettée et c'est aussi le signe parfois du fait qu'on n'avait pas suffisamment investi et qu'on a besoin de rattrapage aujourd'hui. Mais par contre, ça veut dire qu'on a les moyens de le faire. Donc, on a utilisé ce levier-là aussi, mais quand on voit que les taux d'intérêt passent entre 0 et 0,5% par an à 2,5-3%, forcément on ne peut pas utiliser le levier de la dette autant qu'on n'aurait pu l'imaginer au départ.


Les projections sur l'utilisation de la dette, ça vous amène à combien d'annuités pour sortir de la...

Aujourd'hui, on considère le bon ratio en finances publiques autour de six années. Vous, j'imagine que vous en serez encore loin, vu que vous partez de un an ou même moins. On en sera encore loin et pourtant, on est sur des investissements records. Par exemple, en 2024, on va investir 100 millions d'euros sur le mandat précédent. La moyenne, c'était 40 millions d'euros par an. Donc, vous voyez le gap et l'ambition nouvelle qu'on a pour la ville. Et malgré ça, on va rester inférieurs à deux années de capacité de désendettement. À la fin du mandat, on sera peut-être à trois en fonction, évidemment, de l'évolution du contexte.

On a beaucoup entendu les collectivités locales demander à l'État plus de dotation pour compenser à la fois la hausse du prix de l'énergie, puisque le bouclier tarifaire n'est pas totalement appliqué aux collectivités ou en tout cas pas à toutes. Vous, vous n'en avez pas été bénéficiaires ?

On a été bénéficiaires du bouclier tarifaire sur 2022 en partie, mais pas à la hauteur de ce qu'on espérait et aujourd'hui, il a disparu.

Il y a aussi cette question qui se pose toujours, celle de la taxe d'habitation, puisque ça a longtemps été une recette dynamique qui permettait aux collectivités qui se développaient finalement d'en tirer profit. Elle manque aujourd'hui concrètement dans vous, s'il y avait encore la taxe d'habitation et ce levier là, vous auriez pu ne pas augmenter la taxe foncière ?

Ce n'est pas forcément la taxe d'habitation qui manque, mais en tout cas, c'est le fait d'avoir des leviers, d'avoir des possibilités de faire des choix quand on est la tête d'une municipalité. Depuis une quinzaine d'années maintenant, toute couleur politique, l'État a systématiquement repris des marges de manœuvre sur la taxe d'habitation, sur la CVAE. On a aussi la baisse des dotations et compensations. Elles augmentent en volume, mais par exemple, la ville urbaine, si elle avait subi l'inflation, elle aurait augmenté de 5,5 millions d'euros. À la place, elles ont baissé de 5,5 millions d'euros. Ça veut dire que chaque année, on a 11 millions de moins que ce qu'on avait il y a 10 ans pour gérer la ville. Donc, quand on parle d'étranglement des collectivités, et là, c'est toute couleur politique confondue, ce n'est pas la gauche contre la droite. Tous ceux qui gèrent des collectivités disent qu'elles sont à l'agonie, qu'elles sont étranglées. C'est le mot du président de l'AMF. C'est tout simplement parce qu'on n'a plus de marge de manœuvre, effectivement.

Ces hausses de taxes foncières, elles n'ont pas de couleur politique. Il y a des villes de gauche, des villes de droite. Vous, vous êtes plutôt une des dernières communes. Ce qui veut dire que finalement, les communes étaient obligées de passer par là. Lyon l'avait fait un an avant...

Certains ont préféré le faire plutôt dans le mandat. Nous, on a attendu le plus longtemps possible pour voir s'il y avait une autre manière de faire, peut-être aussi de bonnes nouvelles de l'État qui aurait pu venir compenser. Ces bonnes nouvelles ne sont pas venues. La crise a duré plus longtemps. Et donc, on a actionné ce levier-là. Ce n'est pas de gaieté de cœur. Enfin, clairement, on ne s'engage pas en politique pour dire on va augmenter les impôts. Ce n'est pas un projet. Par contre, notre plan de mandat, c'est un projet. La transition écologique, c'est un projet. On a besoin de la financer.

Les commentaires sont fermés

Suivez-nous
tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut