Pockemon Crew (®Adrien Aujas)

Nuits de Fourvière : le Pockemon Crew à la fête à Lyon

Le Pockemon Crew fête ses 20 ans aux Nuits de Fourvière avec une soirée exceptionnelle le 14 juillet et à la rentrée dans une création inédite avec les danseurs du ballet de l’Opéra. Entre succès et coup de gueule, son directeur artistique, Riyad Fghani, se confie.

Lyon Capitale : Fêter les vingt ans des Pockemon, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Riyad Fghani : C’est inespéré. Les gens ne nous donnaient que deux ans ! On nous disait : “Les affrontements, les battles, c’est bien beau mais ça mène à quoi ? Où est le sérieux d’une compagnie de danse ?” Quand on parle de ces vingt ans autour de nous, cela étonne encore, et pour nous c’est vraiment jouissif. Entre 1999 et 2005, on a remporté toutes les compétitions internationales, avec trois titres de champions du monde, trois de champions d’Europe et quatre de France. On a été sur les toits du monde, c’est un parcours incroyable. On a formé de nombreux danseurs, certains sont dans de grandes compagnies, et on continue avec la nouvelle génération.

En 2006, vous avez entamé un nouveau parcours qui vous a conduits en 2012 au choix de ne faire que des spectacles…

C’est Olivier Meyer, le directeur de Suresnes Cité Danse, qui nous a demandé notre première création (Siii… Si !) pour son festival de danse hip-hop. Guy Darmet [l’ancien directeur de la Maison de la danse, NdlR] a adoré mais ne voulait pas la même, il nous a demandé une autre création pour la Biennale 2006 : C’est ça la vie ! On l’a tournée sur trois cents dates, mais après il ne nous a plus jamais programmé. À partir de 2012, on a arrêté les compétitions car on ne pouvait plus faire les deux, on nous réclamait des spectacles et c’était épuisant.

Qu’a changé la création dans votre façon de voir la danse hip-hop ?

Surtout la contrainte qu’il faut convaincre une seule personne, un programmateur, pour présenter le spectacle à des milliers de personnes, alors que nous avons la salle quasiment acquise pour nous depuis vingt ans. Beaucoup de compagnies ont disparu ou survivent, elles ont eu le même problème que nous en faisant le choix de la création. Nos spectacles peuvent être fragiles mais on ne sort pas d’écoles, on peut apprendre encore, c’est possible tant que le cœur et l’énergie existent. Mais on est toujours là, même si les conditions sont difficiles.

Vous faites rayonner la ville de Lyon, vous tournez, mais vous n’avez aucune aide ?

On fait beaucoup de dates en France et à l’étranger. En 2017-2018, on a fait quatre-vingts dates rien qu’à Bobino avec Hashtag 2.0 et toute la presse était là. J’avais pris le risque de l’autoproduction dans un lieu privé et ça a marché. On cartonne là où on passe mais c’est encore difficile de convaincre les programmateurs. On en a contacté beaucoup : soit ils nous disent que c’est pour l’an prochain, soit ce n’est pas possible parce qu’on a déjà joué dans la région… À tel point que certains pensaient que l’on snobait Lyon ou, comme à la Région, qu’on était financés par Madonna (ce qui nous a valu une suppression de subvention). On a la réputation de ne pas avoir de besoins alors qu’on n’a pas de lieu de travail, aucune subvention de la Ville, ni de la Région. Seul l’Institut français nous aide, pour nos déplacements à l’étranger. On crée nos spectacles sur seulement trois à quatre semaines, après on continue les répétitions sur le parvis de l’opéra. Même du côté de la Maison de la danse les portes restent closes.

Pourtant, la ville de Lyon vous adore !

J’ai croisé le maire de Lyon un jour dans le TGV, il m’a dit : “Les Lyonnais vous aiment, vous êtes les chouchous de la ville.” Je lui ai expliqué la situation, il m’a demandé de prendre contact avec ses services ; j’attends toujours le rendez-vous. On s’entraîne tous les jours sur le parvis de l’opéra ou dans une salle de sport que j’ai dû demander à la mairie du 8e. Dans le milieu de la danse, on peut toujours courir. Aujourd’hui, je fais vivre trente danseurs sans aides. On a créé une école Pockemon en Nouvelle-Calédonie, on a formé des danseurs en Colombie, on a beaucoup de demandes d’accueil de danseurs étrangers et de formation, mais on n’a pas les moyens ni la structure pour y répondre.

Vous fêtez vos vingt ans à Lyon, un peu aussi grâce à NTM…

NTM font leur dernière à Bercy en novembre et ils nous ont demandé de fêter nos vingt ans avec eux. Mais je me suis dit qu’il n’était pas possible que les Pockemon fassent cela uniquement à Paris alors qu’on avait représenté Lyon dans le monde entier pendant toutes ces années. J’ai proposé deux projets, à Dominique Delorme [le directeur des Nuits de Fourvière] et à Serge Dorny [le directeur de l’opéra de Lyon] et ils m’ont dit oui tout de suite.

La soirée de Fourvière ?

À Lyon, on nous considère uniquement comme des danseurs de battle, peu de gens ont vu nos spectacles. On va présenter un medley de cinq pièces sur deux tableaux car je ne voulais pas un enchaînement d’extraits. Le final sera un battle international avec vingt danseurs du monde entier de la nouvelle génération, qui a grandi avec les vidéos de Pockemon.

À la rentrée, on vous retrouve avec les danseurs de l’opéra, un sacré pari…

C’est une nouvelle création appelée Millésime et, même si je suis à l’origine du projet, je serai assisté par un danseur du ballet, Alvaro Dule, pour veiller à une meilleure fusion entre les danseurs hip-hop et ceux du ballet. Il y aura un pianiste sur scène et de célèbres circassiens. Les répétitions se passent super bien, on rit, les danseurs du ballet se sentent libres, ils sont extraordinaires, ils s’adaptent à tout. Et nous, ça nous grandit d’être à leurs côtés. J’espère que l’on passera un cap avec cette pièce ; vu le niveau, ça ne peut qu’être bien, je pense… Et là, on a de vraies conditions de création !

Un rêve pour le futur de Pockemon ?

Une envie de travailler avec un artiste associé ou une autre compagnie, pour confronter, s’enrichir, se remettre en question. C’est ce que je souhaite pour 2020-2021. J’aime la folie de Laura Scozzi, l’univers de Yoann Bourgeois…


Les 20 ans de Pockemon Crew – Le 14 juillet aux Nuits de Fourvière – www.nuitsdefourviere.com

Millésime – Les 23 et 24 octobre à l’opéra de Lyon – www.opera-lyon.com


[Article publié dans Lyon Capitale n° 790 – Juillet-Août 2019]

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