JM L'original
by stella

“Le Slam s’est embourgeoisé”

Musique. Du 31 mars au 5 avril, pour sa septième édition le festival de Hip-Hop l’Original a choisi de reconquérir la rue. À travers 25 spectacles et 250 artistes dont Mos Def et De la Soul, son fondateur Jean-Marc Mougeot dit JM souhaite faire découvrir la culture urbaine au plus grand nombre. Ce lyonnais d’origine antillaise aurait pu finir sa vie dans un bureau d’étude, mais sa passion en a décidé autrement. À la tête du plus grand événement Hip Hop de France, il revient avec nous sur l’évolution du rap et sa place dans notre société.

Lyon Capitale : Quels sont vos coups de cœur pour ce festival 2010 ?
Jean-Marc Mongeot : Mos Def, mais je ne serais pas original. J’attends impatiemment la journée du 5 avril 2010 qui sera consacrée à la culture urbaine place des Terreaux. La manifestation sera entièrement gratuite. Nous aurons des démonstrations de dance, skate, graffiti et la journée se clôtura avec un concert de De La Soul. Nous avions envie de montrer que le public du rap est très varié, comme l’est le genre. Il est composé de jeunes des banlieues mais aussi des avocats ou médecins de 50 ans. Grâce à cette journée nous allons prouver que des gens qui n’ont rien en commun peuvent être unis grâce à la musique, grâce au Hip Hop.

Organiser cette journée place des Terreaux n’a pas été trop difficile ?
Nous avons été soutenus par la mairie de Lyon dont Najat Belkacem qui nous a été d’une grande aide. J’ai conscience que le projet peut faire peur. Des milliers de fans de rap place des terreaux, c’est inquiétant pour certaines personnes. Cependant il ne faut pas oublier qu’il s’agira d’une journée qui va permettre au plus grand nombre de découvrir une culture parfois trop méconnue.

Un rêve pour le futur de l’original ?
Si j’avais un budget illimité, je ferai une soirée éclectique avec Jay-z, Alicia Keys et Erica Badu. Le genre de plateau que vous ne pourriez pas rentabiliser même à la Hall Tony Garnier. Plus sérieusement, pour la dixième édition, j’aimerais un concert avec des rappeurs du monde entier : des italiens, des allemands, des japonais. Le prix serait de dix euros maximum. Cela permettrait au public de découvrir des artistes d’horizons et d’univers différents. Cette année nous avons Ladi6 qui vient de Nouvelle Zélande. Nous allons continuer dans ce sens.

Les rappeurs se sont-ils assagis ? Sont-ils politiquement moins engagés ?
Il faut savoir qu’à l’origine, le Hip Hop n’était pas engagé. Il s’agissait avant tout d’une musique pour faire la fête. Le bling bling était là dès le début avec des groupes comme Grand Master Flash ou Run DMC. La vraie révolution a eu lieu en 1982 avec Public Enemy dont les paroles étaient engagées. En France, nous nous sommes inspirés d’eux. Chaque groupe devait avoir un concept et des idées à défendre. Aujourd’hui, le Hip Hop se décline en une multitude de genres et nous sommes dans une tendance plus légère.

La radio skyrock a-t-elle tué le rap ?
C’est un cercle vicieux. Skyrock a contribué à démocratiser le rap. Les maisons de disques se sont alors intéressées au genre et ont produit des artistes mais le genre a perdu un peu de son aspect authentique. D’un autre coté, nous avons aussi notre part de responsabilité. Personne n’a jamais été capable de proposer une alternative à Skyrock. Heureusement, Internet change un peu la donne, il permet à certains artistes d’émerger sans devoir passer à la radio.

Que pensez-vous de la tendance Slam ?
Je me demande souvent si c’est du rap. En tout cas, le Slam s’est embourgeoisé. Le public a souvent la cinquantaine et ne va pas vers d’autres formes de Hip Hop. Abdel Malik cartonne avec son Slam, mais personne n’écoute son groupe de Rap. En fait, le Slam est une forme gentille et tranquille du Hip Hop, où il suffit de bien parler et d’aligner trois rimes pour intéresser les gens. Je préfère certains jeunes qui disent des choses de manière plus brutale et plus efficace.

Aujourd’hui les breakdancers participent à des émissions de télé et ressortent victorieux de programmes comme “Incroyable talent” sur M6, quel est votre avis sur ce phénomène récent ?
Le genre se démocratise, le breakdance envahit les publicités et les spectacles. Ce qui est fou c’est qu’ils arrivent à gagner dans une émission de télé où les gens votent par téléphone. Ces jeunes n’ont jamais autant gagné d’argent avec leur travail. À mon époque, on aurait eu honte d’y participer. Le plus paradoxale, c’est que la culture Hip Hop est désormais présente de partout mais fait toujours peur. Il suffit qu’un rappeur face un petit dérapage pour que ça devienne une affaire d’état. La parole du rappeur est toujours sulfureuse.

Cela ne complique-t-il pas la tâche lorsque vous organisez un festival comme l’Original ?
En France, il faut savoir que les marques qui utilisent la culture Hip Hop dans leur publicité refusent de sponsoriser un événement comme le nôtre ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Adidas, Nike ou Orange se servent des symboles et image du Hip Hop mais ne veulent pas être associés à nous.

Le rap est-il devenu la nouvelle variété ?
Absolument, mais on ne peut pas en vouloir à des jeunes qui n’ont pas envie de subir du Obispo et ont choisi de créer leur propre variété. Il ne faut pas oublier que le Hip Hop est composé de nombreux genres : il y a de l’électro, du rock, et j’en passe. Le rap variété est celui qui est le plus médiatisé. Les artistes sont dans les soirées branchées ou font du cinéma. Qui sait, Joey Starr et Kool Shen de NTM sont peut-être les Johny Hallyday du futur.

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