Le siège d’Interpol à Lyon © Tim Douet
Le siège d’Interpol à Lyon © Tim Douet

Un général émirati, accusé de torture, prend la présidence d’Interpol à Lyon

Vent debout contre la candidature du général Ahmed Naser Al-Raisi, accusé de torture, les élus locaux n’ont pu que constater ce matin l’élection de l’Émirati à la présidence de l’organisation internationale de police criminelle, installée à Lyon. Une nomination qui laisse planer l'ombre de doute sur l’avenir d’Interpol dans la Capitale des Gaules.

Les nombreux signaux d’alerte envoyés au ministre de l’Intérieur par le maire, le président de la Métropole de Lyon, le président de la Région ou encore des députés locaux n’ont pas enrayé l’élection du général Ahmed Nasser Al-Raisi à la présidence d’Interpol, dont le siège est installé à Lyon. Inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Émirats arabes unis, l’Émirati est visé par plusieurs plaintes pour "torture" en France, mais aussi en Turquie où se tenait la 89e assemblée générale de l’organisation.

L'ONG Gulf Centre for Human rights (GCHR) accuse dans l'une de ces plaintes le général émirati d'"actes de torture et de barbarie" contre l'opposant Ahmed Mansoor, détenu depuis 2017 dans une cellule de 4 m2 "sans matelas, ni protection contre le froid", ni "accès à un médecin, à l'hygiène, à l'eau et aux installations sanitaires", rapporte l’AFP.

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"Une erreur impardonnable"

Mardi 23 novembre, encore, Bruno Bernard (EELV) et Laurent Wauquiez (LR) signaient un courrier commun pour alerter le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur le fait qu’"une candidature entachée de plaintes poserait un vrai risque au fond et pourrait délégitimer l'institution et son accueil dans notre démocratie". Ce jeudi matin, le président de la Métropole s’est rapidement ému, sur Twitter, de cette décision, dénonçant "une erreur impardonnable. Cette institution fondamentale qui siège dans notre Métropole mérite mieux que cela".

Pour le maire de Lyon, Grégory Doucet, ce n'est rien de moins qu'"une honte. Comment un homme suspecté de tortures peut-il prendre la tête de l’organisation mondiale des polices? Je condamne fermement cette grave atteinte au respect des droits humains et à l'image de l'institution". Un peu plus tard, le député Hubert Julien-Laferrière, très engagé depuis le début contre la candidature de M. Al-Raisi, a dit déplorer "le silence de la France et de ses alliés qui, sans jamais répondre aux interpellations ni proposer d’alternative crédible, se rendent complices de cette présidence de la honte".


"Je condamne fermement cette grave atteinte au respect des droits humains et à l'image de l'institution"
Grégory Doucet, maire de Lyon


Dans les faits, le président d’Interpol, qui est désigné pour quatre ans, occupe une fonction essentiellement honorifique, le vrai directeur de l’organisation étant le secrétaire général, Jürgen Stock, mais plusieurs députés européens écrivaient mi-novembre que cette élection "porterait atteinte à la mission et à la réputation d'Interpol et affecterait lourdement la capacité de l'organisation à s'acquitter efficacement de sa mission".

Quid du futur d’Interpol à Lyon ?

En parallèle de cette élection se pose depuis plusieurs mois la question du futur d’Interpol dans la Capitale des Gaules. Installés dans un bâtiment, le long du parc de la Tête d’Or, les 800 employés d’Interpol sont aujourd’hui à l’étroit, et l’organisation a conditionné son avenir à Lyon à une rénovation de ses locaux. L’État y est favorable, mais demande la contribution des acteurs locaux, Ville, Métropole, Région. 

Jusqu’à présent ces derniers ne sont pas engagés, demandant à l’État plus de garanties et un engament plus clairs, comme le rappelaient mardi dans leur courrier les présidents de la Métropole de Lyon et de la Région. Les deux élus souhaitaient ainsi une "clarification des détails du projet d’extension, la confirmation d’une participation de l’État au financement au moins équivalente à celle affichée en 2018 à hauteur de 32,5 millions, et le pilotage du dossier au niveau des services déconcentrés de l’État". Une réunion a notamment eu lieu entre les représentants des collectivités et le préfet du Rhône, Pascal Mailhos, sans succès pour le moment. 

Par ailleurs, pour le 3e acteur invité à contribuer au projet, la Ville de Lyon, la situation semble plus complexe. Gégory Doucet, le maire, ayant laissé entendre que l’élection d’une personne "qui serait accusé[e] de tortures, ça pose question […] c'est le premier sujet à régler". "Je suis garant des deniers publics de la ville. Avant de faire un quelconque investissement, il faut connaître l’équation", ajoutait l’élu. Reste désormais à savoir si le futur d’Interpol s’écrira bien à Lyon. 

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