Plus de 72 000 victimes et des millions d'euros envolés : un procès hors norme s'ouvre lundi à Lyon, où de jeunes hackeurs et de petits escrocs sont jugés pour un piratage massif des données d'Adecco et de multiples arnaques en ligne.
Pendant deux semaines, 14 prévenus, du simple stagiaire au petit génie de l'informatique, vont comparaître devant le tribunal correctionnel lors d'audiences retransmises en direct dans deux amphithéâtres d'université et une webradio.
Poursuivis pour "escroquerie en bande organisée" notamment, ils encourent jusqu'à dix ans de prison dans ce dossier tentaculaire, qui compte 2 400 parties civiles : des particuliers, des banques, des compagnies d'assurance et jusqu'à la Caisse des dépôts et consignation (CDC). L'affaire a débuté en novembre 2022 par une plainte de la branche française du géant suisse de l'intérim Adecco, basée à Villeurbanne près de Lyon.
Des dizaines de ses intérimaires venaient de s'émouvoir sur un compte Facebook de petits prélèvements indus, et l'entreprise a réalisé que sa base de données avait été piratée. Les enquêteurs remontent vite à un stagiaire de 19 ans puis alternant dans une agence Adecco du Doubs, qui a livré son mot de passe et son identifiant à un cybercriminel, en échange d'une promesse de 15.000 euros qu'il ne touchera jamais.
Un préjudice de 1,6 million d'euros
Avec ses codes, les hackeurs prélèvent 49,85 euros, juste sous le seuil des autorisations préalables, sur les comptes de 32 649 intérimaires, soit un préjudice de 1,6 million d'euros, et tentent de faire de même avec 40 000 autres comptes.
Ils utilisent aussi les données personnelles des intérimaires pour créer de faux documents et s'en servent pour monter des arnaques en ligne et créer des "comptes bancaires mules" pour blanchir l'argent.
L'enquête montre vite que le "personnage central" de ce réseau, un surdoué de l'informatique, n'avait pas attendu les données d'Adecco pour se livrer à ce type d'opérations : dès 2019, alors qu'il n'avait que 17 ans, il a commencé à s'en prendre à plusieurs sociétés, banques, assurances et même à l'Etat.
Fausses demandes de subventions dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov, Chèques vacances, Pass Culture, assurance-vie... même la Caisse des Dépôts a payé plus de 1,9 million d'euros à de fausses sociétés de formation professionnelle montées par ce réseau. Autour de lui, le jeune pirate a constitué une bande hétéroclite, avec cinq ou six très jeunes hackeurs jamais condamnés, et des délinquants au casier judiciaire chargés pour escroqueries, violences voire trafic de stupéfiants.
D'après les enquêteurs, il dispose de "capacités intellectuelles élevées", mais est mû par "une escalade addictive" à "la recherches de failles" informatiques. Placé en détention provisoire, il a "continué ses activités" depuis sa cellule en 2023 et 2024.
Deux de ses complices présumés, mineurs au moment des faits, sont renvoyés devant le tribunal pour enfants.