Retraites : Sortir (vraiment) de la démagogie

Dans un éditorial publié aujourd’hui dans la version électronique du Monde, Eric Fottorino, qu’on a connu plus créatif, revient sur la réforme des retraites. D’après lui, "une réforme d’envergure ne peut être acceptée" que si elle est "expliquée avec méthode" et "portée par des idées justes". Il répond de manière particulièrement convenue à la première question et laisse les lecteurs sur leur faim quant à la seconde, qu’il oublie au passage, tout en ayant précisé plus tôt que cette "exigence" faisait "défaut".

Or, il est bon de rappeler que le diagnostic est connu depuis… 1991, date du célèbre Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard. Lequel indique opportunément, dans une interview donnée hier à nos confrères de La Tribune, que l’espérance de vie progresse d’un trimestre tous les quatre ans, pour se situer aujourd’hui à 78 ans (contre 65 ans en 1945, date de la création de la Sécurité sociale). Qui s’en plaindrait ? Depuis longtemps, la question n’est plus d’établir des diagnostics, de discuter encore et encore, de comités en colloques, mais d’agir en ayant le courage de sauver ce qui peut encore l’être et notamment notre régime -original et solidaire- par répartition.

Depuis vingt ans -contrairement aux poncifs les plus en vogue- tout, absolument tout a été dit, expliqué, disséqué, analysé, projeté, débattu sur le sujet, qui ne devrait en aucun cas servir les basses manœuvres politiciennes. Il s’agit là d’une question centrale, cruciale pour l’avenir du pays (et notamment pour les jeunes d’aujourd’hui) qui doit se régler sans plus attendre et qui mériterait une véritable "union nationale", à la fois de l’ensemble des partis politiques, de tous les partenaires sociaux et des leaders d’opinion.

Nous en sommes hélas très loin et il est vrai que l’impopularité conjuguée de Nicolas Sarkozy et d’Eric Woerth ne sert pas la cause. Mais justement : tant qu’à être impopulaires, autant tenir bon sur la réforme la plus urgente et la plus nécessaire ! Sans quoi -c’est froidement arithmétique- le système ne sera plus financé et le montant des pensions fondra inexorablement jusqu’à disparaître pour cause de faillite.

Le rapport actifs/retraités passera en effet de 182 actifs pour 100 retraités aujourd’hui à 120 actifs pour 100 retraités en 2050 ! Retraités, qui, rappelons-le une nouvelle fois, vivront de plus en plus vieux. Sans doute faudrait-il relancer la piste de la TVA sociale "flinguée" par Laurent Fabius entre les deux tours de la présidentielle -quand on ne peut gagner, on peut tenter de faire perdre- c’est-à-dire basculer une partie des charges du travail (à la fois salariales et patronales) vers la consommation. Cette disposition permettrait d’assurer le financement de la protection sociale en faisant reposer l’effort sur l’ensemble de la population, de façon solidaire, et non plus sur les seuls 28 millions d’actifs du pays. Pourquoi plus personne n’en parle ? C’est pourtant une idée qui mérite vraiment qu’on s’y attarde, de façon dépassionnée.

Il est ainsi totalement irresponsable de la part de l’opposition d’indiquer qu’en cas de "retour aux affaires", elle abrogerait toute réforme, sans expliquer bien sûr comment financer alternativement le système, si ce n’est par la sempiternelle boutade "il faudra faire payer les riches".

Il est tout autant irresponsable d’ériger en dogme l’âge de départ à la retraite -60 ans- et d’appeler les lycéens à manifester "pacifiquement" dans la rue. On ne saurait blâmer notre jeunesse, toujours prompte à s’enflammer, mais il devient vital de sortir de cette démagogie : on compte déjà plusieurs blessés graves, dont l’un vient d’échapper à la mort de justesse. Si une tragédie survient, Ségolène Royal accusera-t-elle la police ? Le président de la République ? Ou Dieu en personne ? Et après ?

De deux choses l’une : soit une réforme (qui ne règlerait la question que de façon très partielle) est menée à son terme et le système par répartition pourrait être maintenu. Soit, une fois de plus –une fois de trop ?- elle sera avortée et les Français qui en auront les moyens opteront sans aucun état d’âme pour des systèmes parallèles de capitalisation : il n’y aura alors plus aucun consensus pour la répartition. Tous les produits de substitution sont déjà prêts, qu’ils soient bancaires, immobiliers, ou dans le secteur des assurances.

Non, ce n’est plus un problème de "méthode" ni de "justice". C’est une question de courage et de sens des responsabilités. Nous devons tous faire un effort, en fonction de nos moyens, physiques, intellectuels et financiers. C’est ça, être solidaires.

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