Le projet du candidat Etienne Blanc pour Lyon.
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Lyon, la ruée vers l’eau et ses fleuves

L’aménagement, il y a un peu moins d’une quinzaine d’années, des berges du Rhône a à la fois scellé la réconciliation des Lyonnais avec le fleuve et marqué un virage décisif et symbolique dans la traversée urbaine de sa ligne d’eau. Si la ville nature se dessine aujourd’hui avec de plus en plus de clarté à partir des fleuves – en témoignent les projets de plusieurs candidats aux élections –, se pose la question de la possible saturation de l’espace fluvial, dernier endroit naturel urbain, de sa privatisation et de sa commercialisation. Autrement dit, quel fleuve voulons-nous pour demain ?

Paris a ses Champs Élysées, avec sa très grande perspective historique. Lyon qui n’a pas d’équivalent de cette très grande composition urbaine, trouve peut-être dans l’espace fluvial son espace public majeur et sa plus grande perspective sur la ville.” C’était il y a vingt ans. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et il semble, aujourd’hui, que les propos de François Bregnac, alors directeur de l’Agence d’urbanisme de Lyon, ont fait des émules chez les élus lyonnais de tous bords. D’aucuns ont l’eau à la bouche. Le fleuve est devenu un nouveau lieu de référence dans la ville. “Un outil essentiel de la planification urbaine”, écrit la géographe Maria Gravari-Barbas, où “les enjeux d’ordre festif, symbolique, identitaire et mémoriel (…) sont étroitement liés à des enjeux plus concrets d’aménagement”(1). Tout un chacun veut refaire du fleuve un lieu du quotidien, un marqueur social de l’espace lyonnais. Avec la nostalgie du temps où le Rhône et la Saône étaient des espaces animés, accueillant une multitude d’activités. Ainsi, pendant une partie du Moyen Âge furent organisées, à la fois sur la Saône et ses rives, la fête des Merveilles (ou fête des Miracles), avec des processions religieuses sur l’eau, de Saint-Jean à Vaise, des combats nautiques et le sacrifice de taureaux, jetés dans la rivière. Durant près de quatre siècles (1389-1701), les entrées royales, visant à accueillir les personnages illustres, ont donné lieu à de grandes fêtes populaires (notamment les entrées royales de François Ier ou Henri II et Catherine de Médicis par la Saône qui devint, pour la première fois, une artère festive). Au XIXe siècle, le Rhône accueillait des bâtiments flottants pour la pêche et le bain des femmes. Au début du XXe, le fleuve se présentait comme une succession de bassins de natation (que l’architecte et écrivain local Nizier du Puitspelu, dont l’œuvre abondante fait partie de toute bonne bibliothèque lyonnaise, dénonçait déjà : “Les bèches avaient vécu. […] Il fallut se contenter avec ces vilaines machines carrées à la façon de Paris. Les grands nageurs, humiliés, se retirèrent. Au vrai nageur, comme au vrai citoyen, il faut un air de la liberté. On ne clôt point ces vaillantes âmes dans des bachus.”).

Cœur de l’identité lyonnaise

Si le Rhône et la Saône sont célébrés de façon permanente depuis des siècles, et sont naturellement associés à la mémoire de Lyon, à l’identité culturelle lyonnaise – les deux cours d’eau “coulent bien dans les veines de la lyonnitude” dont témoigne l’historien Bruno Benoît – les élus politiques actuels entendent bien reprendre la main sur cet espace symbole, “ce mythe où la ville se ressource” (Franck Sherrer, ancien directeur de l’Institut d’urbanisme de Lyon). Leur idée : réinventer un avenir possible à la relation que les Lyonnais entretiennent avec les fleuves. Reprenant et réaffirmant avec force le préambule du Plan bleu de 1991 – Lyon fait alors figure de pionnière, parmi les villes fluviales, en dotant la Communauté urbaine d’un plan global d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône – à savoir “redonner (aux) fleuves la place qu’ils méritent : une des toutes premières, sinon la première, dans l’environnement urbain”. Jamais – depuis la requalification des bas ports du Rhône, entre 2005 et 2007 – les fleuves n’ont occupé autant de place dans le débat politique lyonnais. Si le projet de berges du Rhône a été stratégique pour l’image de la ville, il s’est également inscrit de manière scrupuleuse dans le mandat de Gérard Collomb, le projet devant s’achever quelques mois avant les élections municipales. Pour les échéances de 2020, la situation est un peu comparable, au détail près que les candidats proposent leurs intentions. Et en la matière, chacun rivalise d’annonces pour convaincre de sa détermination en faveur des cours d’eau. Si David Kimelfeld, ancien dauphin et adversaire déterminé de Gérard Collomb, part à la conquête de la Métropole de Lyon – dont il est l’actuel président –, c’est par voie fluviale. “Les cours d’eau sont un formidable outil pour faire fonctionner la ville de demain, explique-t-il à Lyon Capitale. Ce n’est certes pas l’alpha et l’oméga qui va régler tous les problèmes mais c’est une solution.”

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