Manipulation au laboratoire MAP ( Microbiologie, adaptation et pathogénie) de l’équipe CRP (Chromatine, régulation et pathogénie), INSA de Lyon. @Hugo Laubepin

Lyon en lice pour le plus grand concours de biologie de synthèse au monde

Des étudiants de l'INSA de Lyon se préparent pour participer au n°1 des rendez-vous mondiaux de la biologie de synthèse.

Du 2 au 5 novembre 2023, des étudiants de l'INSA (Institut national des sciences appliquées) Lyon, de l'ENS Lyon et de l'Université Lyon 1 vont participer à l'iGEM, une compétition internationale de biologie de synthèse qui se déroule cette année à Paris. Plus de 400 équipes d'étudiants, doctorants, industries s'y retrouvent, représentant plus de 45 pays.

Jade, Camille et Adel, élèves de l'INSA de Lyon ont troqué leurs blouses pour expliquer à Lyon Capitale leur projet.

C'est le presitigieux MIT (Massachussetts Institute of Technology) qui a créé l'iGEM il y a 20 ans. L'objectif : choisir un enjeu et y répondre par la biologie de synthèse en l'entourant d'autres disciplines comme les maths, l'informatique, l'éthique. Des équipes se constituent autour d'un sujet, doivent trouver des financements, faire des manipulations et les présenter. Le thème est libre et doit simplement rentrer dans une spécialité.

Après une 2e place pour l'INSA de Lyon au Grand Prix l'an dernier, une équipe s'est reformée cette année : "on a constitué l’équipe en décembre, ça s’est mis en place en janvier, février et les manips en mai. Jusqu’en mars, on cherchait notre sujet et ses possibilités, l’administratif, les sponsors", détaille Camille. Deux étudiants de l'ENS et de Lyon 1 ont rejoint l'équipe, encadrée par Sylvie Reverchon-Pescheux, du laboratoire de recherche MAP (Microbiologie, adaptation et pathogénie).

Le focus : l'antibiorésistance

Jade explicite leur sujet : "notre but c’est d’enlever l’antibiorésistance d’une bactérie. Il s'agit de la résistance des bactéries aux antibiotiques. On a décidé de se focaliser sur une protéine qui donne une résistance à une famille d'antibiotique, les carbapénèmes".

Pourquoi cet antibiotique ? Car c'est celui de la "dernière chance, du dernier recours à l'hôpital, si les bactéries y deviennent résistantes, il n'y a pas de moyen de les éliminer", complète Adel. Trop d'antibiorésistance pose des questions de santé publique, mais aussi des questions externes, comme des surpopulations de bactéries qui dérèglent les écosystèmes et l'environnement, ou la surconsommation d'antibiotiques par les animaux d'élevage.

Pour Camille, c'est aussi cela qui les a motivés : "c’est un problème qui touche tout le monde, tous les environnements, tous les animaux, ce problème ne choisit pas un type d’être humain, d’animal ou d’écosystème".

Un projet ambitieux voire inédit

Pour expliquer comment les étudiants comptent enlever cette antibiorésistance, Jade vulgarise les mécanismes : "on utilise des ronds d’ADN qui peuvent rentrer dans les bactéries et se transmettre d’une bactérie à une autre pour faire rentrer nos mécanismes dans la bactérie". Deux mécanismes sont donc expérimentés : l'un (niveau génétique) qui modifie la bactérie pour l'empêcher de produire l'antibiorésistance, l'autre (niveau protéique) pour dégrader les protéines qui auraient échappées au premier système.

Le 7 février 2022, le ministère de la Santé a présenté la stratégie nationale 2022-2025 de prévention des Infections et de l’antibiorésistance, axée sur deux piliers : les actions de prévention et contrôle des infections et, d’autre part, celles promouvant le bon usage des antibiotiques.

Les insaliens sont en train de produire les mécanismes, qui seront testés à la rentrée. Leur projet est ambitieux. Certaines de leurs idées, comme leur façon de dégrader les protéines responsables de la résistance aux carbapénèmes, sont inédites. Un investissement intense est ainsi nécessaire. Ils en rigolent : "quand on expliquait ce qu'on voulait faire et le temps qu'on avait pour le faire, des intervenants nous regardaient avec de grands yeux en nous disant qu'on n'avait pas le temps". Si, cet été, certains travaillent en stage sur le projet, le reste se fait le soir ou les week-ends.

La maître mot : pluridisciplinarité

Les étudiants investissent pourtant ce temps avec passion : "cela apporte énormément d'expérience, c'est très formateur", expliquent-ils. Ce projet ne concerne pas seulement la biologie de synthèse et les manipulations en laboratoire, qui occupent Jade et Adel, mais plusieurs autres matières.

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Une partie de l'équipe d'étudiants et de stagiaires de l'INSA-ENS-Lyon 1 qui participe en novembre 2023 à la finale de l'iGEM, une compétition de biologie de synthèse. De gauche à droite : Thuy Tien, Maëlys, Camille, Jade Adel et Audrey. @Hugo Laubepin

Toute équipe ayant les fonds peut participer à l'iGEM. 20 000€ sont nécessaires aux étudiants de l'INSA cette année : ils se sont donc formés au contact avec les entreprises pour obtenir du sponsoring. Pour le moment, Biomérieux est leur sponsor principal, ainsi qu'Expleo, Dna Script, Thermofisher, IDT, NEB, promega et addgenes. Ils ont aussi candidaté à une bourse de financement de projet par le Crous et vont lancer une campagne de crowdfunding.


"Ce que l'on fait dans les labos a un impact en dehors"

Jade, étudiante en biochimie à l'INSA de Lyon


Camille, elle, gère la modélisation mathématique du projet, ainsi que l'équipe au global et la partie sociologie. "Ce qui est intéressant, c’est le côté socio, éthique, communication. Sur notre sujet il y a besoin de beaucoup de sensibilisation sur les pratiques de consommation des antibiotiques parce que l’antibiorésistance est un problème émergent peu connu, car scientifique, mais majeur", explique-t-elle.

Cette année a également permis à l'équipe de comprendre l'intérêt de l'explication de la science au grand public. Camille reprend : "ça nous fait comprendre que la science est questionnable, qu’il y a des risques et qu'il faut être transparent et clair. Les gens ont moins confiance dans le progrès et la science, et c’est bien qu’ils se questionnent, mais il faut qu’on apprenne à être transparent, montrer les limites, faire comprendre tout ce qu’il se passe".

Cela "nous fait comprendre que ce que l'on fait dans des labos a un impact en dehors", continue Jade. Et Adel d'ajouter sur cette synergie de disciplines : "c’est vraiment très intéressant de prendre un sujet et de voir tous les spectres qui le composent. Quand on discute, chaque spectre dégage quelque chose et on avance ensemble".


"Les projets sont accessibles à tout le monde et réutilisables dans la recherche"

Adel, étudiant en biochimie et biotechnologie à l'INSA de Lyon


Pour la finale de novembre, l'équipe doit finir les modélisations, commencer les manipulations et réaliser un "wiki", un rendu comprenant l'histoire du projet et les résultats. Ils doivent aussi attester de la sécurité des manipulations. Il est possible de consulter tous les projets, le but est qu'ils soient "accessibles à tout le monde est réutilisés dans la recherche", note Adel.

Lors de la finale à Paris du 2 au 5 novembre, plusieurs trophées sont à la clé : une médaille sur critères d'excellence, que les étudiants espèrent bien recevoir, des prix spéciaux (meilleur programme informatique, meilleure éthique), des prix par spécialité (celle des étudiants étant la thérapeutique), et enfin des prix globaux.

Pour l'heure, les insaliens recherchent de la visibilité afin de partager leurs explications sur l'antibiorésistance. Ils investissent dans les réseaux sociaux comme Instagram ou LinkedIn.

De plus, les retombées de l'expérience sont intéressantes ; l'an dernier, le projet a débouché sur une startup.

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