Lyon : bacs à fleurs sur les voies de bus et vélo, c'est raté !

Édito - Quand la végétalisation porte préjudice à ceux qui font le choix des transports en commun ou du vélo, tout en augmentant la place de la voiture en ville, le résultat ne peut être que problématique. Avec ses bacs à fleurs sur les voies de bus, Lyon est devenu le symbole d'une végétalisation qui a sacrifié les usages positifs sur l'autel du greenwashing.

Dès son annonce en juin, le projet Nature Presqu’île de la ville de Lyon a déclenché la polémique. En plaçant des bacs à fleurs et arbustes sur les voies de bus et vélo dans des rues comme Edouard Herriot, Lyon envoie un étrange signal dans un contexte où la question de la végétalisation des cités se fait de plus en plus importante. Dans l'avant-projet, l'espace dédié aux voitures était conservé, voire sanctuarisé et seulement 24 places de stationnement supprimées sur 180. Le temps où Gérard Collomb proposait de remplacer les 1 800 places de parking des berges du Rhône par une magnifique balade de 5 kilomètres dédiée aux piétons et cyclistes semblait loin. Pourtant, c'était en 2001, une période où les questions climatiques, écologiques ou tout simplement de "mieux vivre" semblaient moins prégnantes.

Une concertation qui n'aura servi à rien

Lorsque la concertation en ligne autour du projet des bacs montra un fort rejet de la suppression des voies de bus et vélo, tout en saluant les efforts de végétalisation, on aurait pu penser que la ville de Lyon accepterait de revoir sa copie. Il n'en fut rien, au point que certains se demandèrent légitimement à quoi cela servait de demander l'opinion des citoyens, si rien n'était pris en compte. Ce fut même l'inverse qui se passa lorsque la ville annonça la création de double sens cyclable dans les rues concernées par cette expérimentation de 18 mois, pour un "coup" à 600 000 euros. Dès lors, allaient se retrouver dans 3,5 mètres de chaussée, vélos, camions, scooters, motos, voitures, bus de 2,33 mètres de large... mais aussi cyclistes qui pourront arriver en sens inverse. Du côté de la ville, on espère alors que tout s'équilibrera et que les automobilistes ralentiront d'eux-mêmes ou ne dépasseront pas des cyclistes, car ils n'ont pas la place de le faire. Mais la main invisible des flux n'a jamais permis d'autoréguler la circulation.

Quand on pénalise ceux qui font le choix du durable et qu'on récompense les autres

Ainsi, l’échec prévisible s'est confirmé lorsque les premiers bacs ont été installés rue Edouard Herriot. Les 2 000 cyclistes qui passent ici tous les jours sont désormais coincés dans les bouchons, tout comme les 5 000 voyageurs des lignes de bus S1 et 27. Le secteur commence à être considéré comme dangereux par les usagers vélo, avec un nouveau risque : celui de les voir se reporter sur la rue de la République, au milieu des piétons. 7 000 trajets "propres" sont ainsi impactés dans un contexte où les citoyens sont invités de plus en plus à abandonner leur voiture personnelle pour se reporter sur les modes doux et transports en commun. La neutralisation des voies de bus et vélo est ainsi devenue l'exemple même d'un déni d'usages où comment pénaliser ceux qui ont fait le choix du durable. La prochaine étape, c'est de voir ces bacs transformés en urinoirs, cendriers et dépotoirs.

Greenwashing paradox

Paradoxalement, pour l'instant, les bacs ont créé de nouveaux espaces favorisant le stationnement illégal pour les voitures, notamment à proximité des passages piétons. Jusqu'à présent, les flux de bus et vélo rendaient difficile ce type de comportements, ils sont désormais facilités. La nature ayant horreur vide, il a été comblé de la pire manière (lire ici). Il n'est pas nécessaire d'attendre 18 mois pour faire un bilan de l'expérimentation, elle est ratée et a servi d'aspirateur à stationnement illégal. L'urgence est désormais de la revoir en profondeur pour que les usages favorables ne soient pas pénalisés. Avec la campagne pour Lyon 2020, la végétalisation devrait être ressortie à toutes les sauces, telle une formule magique qui permettrait de sauver la ville. Cette expérience prouve le risque du greenwashing mal pensé qui peut créer un paradoxal effet négatif, opposé à l'ambition d'origine. Même si c'est un outil, la végétalisation ne doit pas faire oublier la base : encourager les modes de transports partagés et doux, et mener une profonde réflexion sur la place de la voiture en ville et l'espace occupé par rapport au nombre de personnes à l'intérieur. Avec le projet Nature Presqu'île, c'est tout l'inverse qui a eu lieu.

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