Grenelle : un vert à moitié vide

Chaque fois que les idées des Verts sont reprises, je sais m'en réjouir en réalisant toujours la part des choses et en appliquant le précepte de Beaumarchais : 'sans la liberté de blâmer, il n'y a point d'éloge flatteur'. Je n'oublie pas que le gouvernement de Sarkozy a d'abord opéré des cadeaux fiscaux au profit des plus riches, s'apprête à taxer les plus pauvres dans la réforme de la Sécurité Sociale, et développe une politique inhumaine à l'encontre des immigrés, comme les tests ADN et les nouveau-nés en centre de rétention. En puisant dans le patrimoine des réflexions des défenseurs de l'environnement, je me félicite aussi que Nicolas Sarkozy reconnaisse implicitement mais nécessairement que les Verts ont été plus perspicaces et plus intelligents que la droite et la gauche réunies, lui compris.

Il est donc très important d'analyser le texte exact du discours du Président de la République.

Il y a bien sûr des erreurs historiques : ce n'est pas Al Gore, le 'précurseur de l'alerte climatique', mais René Dumont, candidat des écologistes à l'élection présidentielle de 1974, comme l'a souligné la chaîne parlementaire Sénat.

La déclaration du Président de la République apparaît en réalité en retrait par rapport aux informations et contre informations qui bruissaient autour des débats.

Plus particulièrement, sur les routes et les autoroutes, le propos exact est interrogatif : ' Quant aux transports, je relève que personne ne s'inquiétait auparavant du coût des routes. Ne peut-on financer les transports alternatifs en réduisant les crédits affectés à la construction des routes ?'. La formule de Borloo était déjà ambiguë : 'les nouvelles infrastructures routières et autoroutières seront limitées à la résolution des cas de sécurité et de congestion, ou d'intérêt local'. L'objectif est très en deçà d'un moratoireautoroutier pourtant annoncé dans le rapport d'orientation, 'Perspectives énergétiques de la France', publié en avril 2007, sous l'autorité du Premier Ministre (D. De Villepin)... Il relatait dans ses conclusions à propos des transports que 'la non réalisation des 2 000 kilomètres d'autoroutes nouvelles du CIADT de décembre 2003 ferait économiser 2 millions de tonnes de CO2/an' : c'était la mesure la plus efficace.

Pour les OGM : ' Toutes les données seront communicables, y compris sur le nucléaire et les OGM. Les seules limites seront le secret de la vie privée, la sécurité nationale et les secrets industriels. '... C'est l'état du droit aujourd'hui. Le président Sarkozy précise: ' Je ne veux pas me mettre en contradiction avec l'Union européenne. Mais, dans le respect du principe de précaution, je souhaite que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue.' Autrement dit, la France ne fera qu'appliquer les positions de l'Europe.

Rien sur l'arrêt de la construction des incinérateurs.

Reste l'avancée réelle ou supposée de la création d'une taxe 'climat-énergie', sans 'augmenter le taux de prélèvements obligatoires'. C'est totalement la démarche des Verts et du projet adopté par le Parlement sous le Gouvernement Jospin, mais malheureusement abrogé par le Conseil Constitutionnel à la demande de la droite, alors dans l'opposition. L'idée est facile dans la mesure où la part de la fiscalité de l'environnement est en France l'une des plus basses des pays européens, 2% contre plus de 4 % au Danemark. Sans annonce chiffrée, il est impossible d'apprécier l'efficacité et la volonté politique du gouvernement. À prélèvements obligatoires constants, il faudrait au moins 10 % de fiscalité environnementale pour commencer à modifier les comportements.

Jamais l'utilité des Verts n'a été autant reconnue, pour leur clairvoyance, leurs convictions, leur discernement... Ils devront être encore là pour vérifier au-delà d'un discours généraliste, la réalité des réalisations et proposer les solutions qu'ils ont étudiées depuis longtemps.

Etienne Tête

Adjoint au Maire de Lyon

Membre des Verts

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