Auriane Villemey dans son atelier de la rue Leynaud (Lyon 1er) © Antoine Merlet
Auriane Villemey dans son atelier de la rue Leynaud (Lyon 1er) © Antoine Merlet

Créateurs lyonnais : Auriane Villemey, le cuir dans la peau

La discrète rue René-Leynaud abrite une maroquinerie pas comme les autres. Le cuir y est encré, découpé, brodé et travaillé, avec des méthodes uniques issues de l’esprit d’Auriane, jeune artiste-artisane qui ne s’encombre d’aucun code pour donner forme à des sacs, pochettes et portefeuilles toujours plus authentiques et originaux.

Pour trouver l’adresse d’Auriane, il faut savoir où chercher. Son petit atelier-boutique est rangé entre deux rues étroites du 1er arrondissement, trop loin de la veine marchande de la rue des Capucins pour bénéficier des touristes mais assez proche tout de même pour faire partie du quartier des créateurs. “Certains commencent à l’appeler le petit Montmartre, je déteste ce nom !” lance l’artisane, qui craint que le quartier qui l’a vue grandir ne se transforme en temple bobo de la consommation. Elle s’est d’ailleurs promis de conserver des prix accessibles pour toutes ses créations. “Je fais du cuir, mais je ne cherche pas à faire du luxe, c’est mon principe. Je fais des choses que j’aurais aimé trouver quand je n’avais pas trop de sous.”

“Faire les choses bien”

Aujourd’hui, entre les sacs à main, les portefeuilles et les blagues à tabac, la boutique d’Auriane fonctionne bien. Un aboutissement pour celle qui, à la sortie des beaux-arts, s’est formée au travail du cuir grâce à une rencontre au Maroc : “J’étais partie en voyage là-bas et je faisais le tour des médinas pour voir le travail des artisans. J’en ai rencontré un qui travaillait le cuir. Avec mes trois mots d’arabe, je lui ai demandé si je pouvais revenir le voir et il a fini par me former pendant trois mois.” Elle sait désormais qu’elle n’aurait pas pu faire autre chose de sa vie. À son retour, la créatrice en herbe rapporte dans ses valises des kilos de cuir et l’envie de monter son propre atelier. “Je ne savais même pas me servir d’une machine à coudre, au début ! C’était hyper excitant de relever ce challenge.”

Outils servant au travail du cuir – Atelier d’Auriane Villemey à Lyon © Antoine Merlet
© Antoine Merlet

Pendant des années, Auriane apprend en faisant. Une particularité qui, selon elle, est devenue une force qui lui permet de faire preuve d’originalité dans ses créations : “Ne pas avoir suivi de cours m’a rendu service. Quand je crée, je n’ai pas de prof qui parle dans ma tête !” Pour soutenir son activité naissante, qui à ses débuts ne rapporte presque rien, Auriane continue pendant de longs mois à enseigner les arts plastiques dans des écoles. Elle veut “faire les choses bien” et attend que sa boutique soit à l’équilibre financier pour s’y consacrer pleinement.

Ovnis de cuir et d’encre

Lentement mais sûrement, Auriane apprend son métier et ajoute systématiquement à la méthode sa touche personnelle. Elle qui faisait de la peinture et de la photo pendant ses études aux beaux-arts n’a pas oublié ce qu’elle y a vu et sublime le cuir avec tout ce qu’elle peut imaginer. “Linogravure, découpeuse laser…, tout ce que je peux utiliser, je l’utilise. Même si ça appartient à d’autres corps de métier”, indique fièrement la créatrice. Une diversité d’outils qui, couplée à une imagination sans brides théoriques, finit par former des objets de cuir aussi uniques qu’originaux.

Dans l’atelier d’Auriane Villemey, maroquinière © Antoine Merlet
© Antoine Merlet

De l’énorme mur de peaux tannées qui orne le fond de son atelier, Auriane tire un sac à main de cuir brun à la découpe singulière, décoré de fines formes colorées encrées à même la peau, et confirme : “D’un point de vue technique et artistique, cet objet est un ovni.” On le comprend mieux quand elle nous explique son processus de fabrication, qui utilise des techniques de découpe inusitées chez les maroquiniers et emprunte ses visuels à un street artist lyonnais qu’elle connaît bien. Il y a six mois de cela, les peintures oniriques de Khwezi Strydom, qui vient du graffiti, ont séduit Auriane qui lui a alors proposé de lancer une collection ensemble. Bientôt peut-être elle initiera un nouveau partenariat inattendu, cette fois avec Eve, sa coloc’ d’atelier qui a créé sa marque de bijoux.

Transmission légitime

Entre deux incursions dans le street art et la bijouterie, Auriane réalise tout de même des objets plus classiques qu’elle met en vente dans son atelier-boutique. Sacs à main, portefeuilles… Ce qui marche le mieux, ce sont les blagues à tabac qu’elle confectionne entièrement en cuir. “Elles se vendent très bien et sont presque devenues des objets promotionnels ! Les gens les achètent et les montrent en soirée, ils sont fiers d’avoir un objet unique rien qu’à eux”, s’amuse celle dont la clientèle est plutôt locale et habituée. Depuis peu, certains de ses clients lui ont d’ailleurs demandé de partager son savoir. Ironique, pour celle qui n’a jamais pris un vrai cours. “Au début, j’ai dit non, car je ne me sentais pas du tout légitime à donner des leçons sans jamais en avoir pris. Et puis les gens ont insisté, et je me suis dit qu’on crée notre propre légitimité à travers ce qu’on fabrique.”

Désormais, la maroquinière propose plusieurs formules pour découvrir les techniques de travail du cuir et prend en moyenne quatre élèves par semaine. Tous les samedis, elle apprend aux curieux à suivre la gamme opératoire de fabrication d’un objet, du croquis à la découpe. Les plus assidus peuvent même repartir de la séance avec leur propre création. Comme souvent chez les artisans, la transmission a une place toute particulière dans le cœur d’Auriane. Une place nourrie de l’envie de montrer, de partager, mais aussi d’éduquer sur son métier. “Parfois, les gens ne savent même pas ce qu’est la maroquinerie. Non, je ne vends pas des Marocains !” s’exclame-t-elle en souriant. “Plus sérieusement, j’ai aussi envie que les gens comprennent le travail qu’il y a derrière une création. Et puis je suis toujours ravie quand je vois un de mes stagiaires s’installer et ouvrir sa propre boutique !” D’ailleurs, depuis quelque temps, Auriane pense à se réinstaller elle aussi. Un atelier plus grand ou un nouvel espace de vente… mais toujours à Lyon.


Sac à main fabriqué par Auriane Villemey – marque “Dur à cuire” © Antoine Merlet
© Antoine Merlet

CARTE D’IDENTITÉ DE LA MARQUE

  • Créatrice : Auriane Villemey
  • Marque : Dur à cuir
  • Site Internet : www.duracuir.com
  • Atelier-boutique : 26 rue René-Leynaud, Lyon 1er

[Article publié dans Lyon Capitale n° 789 – Juin 2019]

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