Gérard Collomb, lors des « Petits-Déj’ de l’économie », à l’Hôtel Lyon Métropole

"C'est un truc de fou" - Quand Gérard Collomb disserte sur les écologistes

Lors d'un petit déjeuner, l'ancien maire de Lyon a tiré à boulets rouges sur les Verts. Ambiance.

"Depuis Edouard Herriot, on était sur la même ligne : on croyait au progrès, on positionnait Lyon comme une ville internationale..."

C'est tout l'art de discourir : tenir son auditoire en suspens. Alors quand Gérard Collomb suspend son vol, le temps s'interrompt. Tout le monde semble pendu à ses lèvres, dans l'attente d'une suite qui promet le grand soir, à savoir de rudoyer les écologistes au pouvoir. "Mais aujourd'hui, on assiste à un changement de paradigme. On nous dit que le progrès, la dynamique économique doivent être remis en cause au nom de l'écologie car les développements économique et démographique contribuent au changement climatique."

Sous vos applaudissements. La centaine de "petits déjeuneurs" est acquis à la cause de l'ancien triple maire de Lyon. Dix-huit ans à la tête de Lyon (dix-neuf pour Gailleton et trente-cinq pour Herriot, les plus longs mandats de maire depuis la première municipalité en 1790), ça laisse des traces. La dignité de "maire bâtisseur " (comme Herriot) en prime. Mais surtout, ses profonds désaccords, pour ne pas dire autre chose, avec les écologistes ont un effet aimant particulièrement puissant.

Malthus, Marx et Schumpeter

L'ancien maire de Lyon Gérard Collomb était l’invité, vendredi 28 janvier, des "Petits-Déj' de l'économie" présentés comme un "club lyonnais d'échanges et de réflexions à vocation nationale"*.

*organisés par France Unie, le "mouvement citoyen qui prône les valeurs du gaullisme social et solidaire", créé par l'ancien député RPR de Villeurbanne Marc Fraysse).

L'intitulé de sa conférence a la vertu de piquer au vif : « Où va la Métropole ? ». Pendant une heure et demi, celui qui a étrenné le poste de premier président de la Métropole de Lyon, a méthodiquement démantelé, une par une, les fondations de l’échafaudage de la nouvelle gouvernance verte.

Citant Malthus et Marx, ton professoral de rigueur – un automatisme de ses années comme professeur agrégé de lettres classiques – Gérard Collomb formule : "la nouvelle municipalité est malthusienne parce que les terres seraient trop limitées pour supporter l'accroissement de la population. Chez Marx, le développement du capitalisme entraîne forcément la paupérisation absolue du prolétariat ; sauf qu'à la fin de sa vie, Marx s'aperçoit que les progrès sociaux amènent à une paupérisation relative. Bref, Malthus et Marx ont ce point commun qu'ils sont démentis par la créativité de l'esprit humain et la capacité d'innovation."


« Les tours marquent un territoire dans son image symbolique et leur empreinte au sol est peu consommatrice de m2 »


 

Aux premiers rangs, Kenji Kuratomi, consul et chef du bureau consulaire du Japon (vrai champion de l'innovation) à Lyon, semble captivé.

Collomb convoque, lui, Schumpeter et sa destruction créatrice pour justifier des politiques de "régression" des écologistes. "On est dans cette atmosphère où la nouvelle majorité nous dit "stop !" : il y a trop d 'entreprises dans l'agglomération lyonnaise." "Gégé", comme certains l'appellent encore ici, pense tout le contraire. Et de citer les 110/120 chercheurs, dont la moitié étrangers, à venir phosphorer à Lyon avant 2019, Manuel Valls venu lancer la French Tech à Lyon, faisant de la ville la deuxième plateforme française (après Paris) avec 500 start-up. "Cela montre que si l'on on ne va pas de l'avant, on peut régresser", conclut-il.

"Monsieur le maire"

Acquiescements entendus. Pour accompagner les mini-croissants, le tertiaire. "Nos tours ont été beaucoup critiquées, poursuit celui qu'on continue d'appeler "monsieur le maire" – se marrant parce que la carte des voeux de la Métropole de cette année était une photo des tours – , elles marquent un territoire dans son image symbolique et leur empreinte au sol est peu consommatrice de m2", argue-t-il. Un bon point.
"Donc, à coté on peut développer de la nature en ville !", prenant l’exemple de la tour Incity et la "grande voie verte"  rue Garibaldi. Certes, il y a un peu plus d'arbres, mais ce n'est pas non plus le Costa Rica. Le public se tortille un peu sur son siège.


"Il ne peut pas y avoir de redistribution s'il n'y a pas de créations de richesses."


Aulas n'est pas là mais Collomb connait la technique et tacle, cette fois-ci, sur le budget de la ville de Lyon, voté le 27 janvier dernier. "800 millions... mais c'est extrêmement petit ! Regardez la rénovation du Grand Hôtel-Dieu, ça a couté 400 millions, la moitié. On n'aurait pas pu financer... Si on veut avoir un effet levier, il faut des partenariats publics-privés." Les PPP, dont Collomb est le chantre, ne font pas chanter les écologistes, c'est le moins qu'on puisse dire. Les PPP, ce n'est pas leur b.a-ba. Et l'ancien maire de Lyon de prédire une "catastrophe pour les Lyonnais" avec la régie publique de la gestion d'eau potable de la Métropole passée, en 2020, en régie publique après 160 ans de délégation privée.

Les bigarreaux de Bessenay

Alors Collomb est-il contre l'écologie, s'auto-questionne-t-il ? "Pas du tout ! On la situe ailleurs ! Je suis un saint-simonien : le point essentiel, ce sont les révolutions scientifiques et techniques qui permettent le développement de l'économie, qui lui-même permet de résoudre la question sociale... Il ne peut pas y avoir de redistribution s’il n'y a pas de création de richesses. Il faut avoir des choses à partager pour ça. Or, avec un PIB égal à zéro, c'est compliqué." La salle glousse. Ça plaisante, ça tartine du pain de campagne, ça se ressert de café et de jus d'orange (pas sûr qu'il soit bio).

A propos de consommation, Collomb continue et en remet une couche. Il en rigole, presque aux larmes : "les fermes urbaines, ils me font rire... Les bigarreaux de Bessenay seront toujours meilleurs que ceux produits place Bellecour !"

Inarrêtable, l'ancien président de la Métropole de Lyon poursuit sur le tourisme. "Ils nous disent : "ça ne marche pas votre truc, les gens viennent en avion." Ok, mais on fait comment pour organiser des grands congrès internationaux. On fait de l'international entre nous ?! "

Descente en Vélo'V dans le Gourguillon

Puis il s'attaque au logement, "la catastrophe absolue". Le public trépigne déjà, tapant dans ses mains, comme les enfants attendent leur histoire du soir. Bonne nuit les petits. Le conseiller d'opposition étaie avec des chiffres : avec lui, c'était entre 9 000 et 10 000 logements par an, dont 4 500 sociaux. Les écolos, lance-t-il, c'est entre 4 500 et 5 000, mais ils veulent 6 000 sociaux. "Ça va être un peu compliqué leur truc, non ?"

Lancé tel un Vélo'V dans la descente du Gourguillon – il en faut de l'audace –, l'(ex?) franc-maçon cimente définitivement la politique de mobilités des écologistes, cartes à l'appui, enchaîne sur les circulations "c'est pas la M6/7 avec leur voie de covoiturage qui va arranger les choses, ça va juste faire plus de bouchons qu'autre chose !"

Les énergies ? "En Bretagne, ils sont contre les éoliennes maritimes, en Provence contre les champs photovoltaïques... ils sont contre tout où qu'ils soient, c'est pas compliqué, tonne-t-il, comme à ses grandes heures en assemblée métropolitaine. Ce que je voudrais savoir, c'est : ils sont pour quoi ?"


"Le Vert a une obsession dans la vie : le vélo. Je ne suis pas contre, j'ai créé Vélo'V."


"C'est un truc de fou !"

L'assistance crépite. "Le Vert a une obsession dans la vie : le vélo. Je ne suis pas contre, j'ai créé Vélo'V (rires dans la salle). Mais entre développer le vélo et faire en sorte et de boucher toutes les routes… C 'est un truc de fou !"

Et de conclure, quasi hilare, l'assemblée repu de croissants, de pains au chocolat et de mots "réconfortants" dixit l'ancien député RPR de Villeurbanne, Marc Fraysse, organisateur du petit déjeuner : "j'aurai souhaité vous présenter des meilleurs vœux...mais nous résisterons!".

« Papy » fait de la résistance. Et une bonne partie des Lyonnais semble lui donner raison.

 

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