Benzema / Belkacem : premiers lyonnais de l'année 2007

Jeunes, talentueux, issus de l'immigration, ils se sont imposés en 2007 sur la scène nationale, offrant enfin le visage d'un Lyon en plein renouveau.

A 30 ans, Najat Vallaud-Belkacem, conseillère régionale déléguée à la culture, a été porte-parole de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle. A 20 ans, Karim Benzema, attaquant de l'OL, est déjà le meilleur buteur du championnat et l'étoile montante du football français. La rédaction de Lyon Capitale les a choisis comme lyonnais de l'année, et a organisé leur rencontre. Et le "feeling" est passé !

Najat Vallaud-Belkacem : Je suis impressionnée par ton jeune âge, c'est incroyable d'arriver à ce niveau-là si jeune. Comment fais-tu pour supporter la pression ?

Karim Benzema : Il faut garder la tête froide. Ne pas oublier qu'il y a encore beaucoup de travail. Pour l'instant, ça me sourit. Mais dans le foot tout change très vite. Il peut y avoir des moments difficiles. J'ai eu des blessures l'année dernière, je suis resté quatre mois en arrêt. C'était dur, je me demandais comment j'allais faire pour revenir, mais ça forge un peu le caractère. Je fais très attention à ce que je fais dans le foot et en dehors du terrain pour être performant à chaque match.

Lyon Capitale : Est-ce que la politique impose aussi une stricte discipline de vie ?

K. B. (étonné) : Je pense qu'en politique, tu peux manger ce que tu veux, non ?

N. V.-B. : (rires). Oui, mais en revanche tu ne peux pas dire ce que tu veux en politique, et ça c'est difficile, surtout pour moi ! J'ai un peu les défauts de mes qualités... J'aime les gens, ça me fait plaisir d'aller vers eux, d'engager la discussion, etc. Mais le pendant de cela, c'est une forme de naïveté. Par exemple, quand je parle avec des journalistes, je dis tout ce qui me passe par la tête et ça peut parfois me porter préjudice...

Lyon Capitale : Comment faites-vous pour gérer les victoires et les défaites, qui existent en politique comme dans le foot ?

N. V.-B. : Moi, en fait je n'ai jamais connu de grandes victoires électorales ! Mais bon ça va venir...

K. B. : Personnellement, quand je gagne un match, je suis content sur le coup, mais ça ne dure pas. Car chaque week-end, il faut confirmer. Quand on a pris 3-0 contre Barcelone, puis 3-0 contre les Glasgow Rangers de Glasgow à Gerland, c'était difficile, tout le monde nous a un peu enterré, disait "c'est fini pour Lyon", mais on s'est serré les coudes et maintenant, on est qualifiés !

N. V.-B. : Ce que je trouve très appréciable dans les compétitions sportives, c'est que tu peux perdre un week-end et gagner le suivant ; les cartes sont sans cesse rebattues. Et dans la vie, malheureusement, ça ne se passe pas comme ça. Tu as les gens qui ont eu un bon diplôme qui auront donc un bon job et seront toujours bien socialement, et puis les autres. Les cartes ne sont jamais rebattues. En politique, elles le sont avec une régularité très lente, à chaque élection. Là je viens de rater les législatives, et les prochaines sont dans 6 ans !

K. B. : Dans un grand club, tu ne peux pas te permettre de perdre. On te demande de gagner tous les matchs. Mais je suis quelqu'un qui aime bien avoir la pression, parce que ça me booste, ça me motive à faire des grands matchs.

N. V.-B. : Moi je crois que la pression c'est moi-même qui me la met. Les moments les plus douloureux, ce n'est pas les attaques du camp adverse, c'est les moments où je me dis "t'as été nulle", "t'es pas assez prête pour ça"... En plus, le fait d'être jeune, femme, issue de l'immigration, tout cela me pousse à nourrir une espèce de complexe d'imposteur, le fait de me dire "mince, je ne suis pas à la hauteur". C'est ça qui est fatigant.

Lyon Capitale : Est-ce que vous aussi Karim Benzema, vous sentez une pression supplémentaire parce que vous êtes un jeune issu de l'immigration ?

K. B. : (très étonné) Non je ne crois pas.

Lyon Capitale : Vous n'avez pas le sentiment d'être un modèle pour une certaine jeunesse issue de l'immigration ?

K. B. : Pourquoi ? J'espère l'être pour tous les jeunes français !

N. V.-B. : Tu as raison, je crois que le sport, heureusement, ne fait plus la distinction. En politique c'est encore différent. Aujourd'hui la représentation politique, à l'Assemblée nationale ou ailleurs, n'est pas du tout à la hauteur de ce que représente la diversité de la société française. Quand on a la chance comme moi d'en être une représentante, on a un poids supplémentaire sur ses épaules. Il ne faut pas qu'on se casse la gueule parce que ça risque aussi d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui disent qu'on n'est pas prêts pour être élus, gouverner, avoir des responsabilités, etc. Karim, est-ce que tu as des frères et sœurs ?

K. B. : Oui, on est beaucoup dans ma famille : neuf.

N. V.-B. : (rires) C'est jamais que deux de plus que chez moi ! J'ai eu la chance d'avoir une sœur aînée qui faisait de bonnes études ; il y avait donc un esprit de compétition entre nous. Si ce n'avait pas été le cas, si ça se trouve, j'aurais été une élève merdique... Comment ta famille t'a-t-elle soutenu dans l'aventure ?

K. B. : C'est clair que mes parents ont toujours été derrière moi, pour pas que je dévie, surtout mon père. Je viens d'un quartier à Lyon (Bron-Terraillon), où c'est difficile et où certains de mes copains ont dévié. Je ne voulais pas faire la même erreur qu'eux. Mais contrairement à toi, je n'aime pas trop l'école... Heureusement, j'ai réussi à percer dans le football et à faire ce que je voulais depuis tout petit. Mon père et ma mère m'ont toujours soutenu et c'est grâce à eux que je suis ici et que j'ai réussi.

Lyon Capitale : Najat Belkacem, avez-vous aussi le soutien de votre famille ?

N. V.-B. : Mes parents ne comprennent pas trop pourquoi j'ai une vie de folle et comment je peux rentrer à minuit et demi tous les soirs. La politique, je n'en ai jamais entendu parler à la maison quand j'étais petite, ça ne faisait pas partie de notre vie. Quand j'essaie d'expliquer à ma famille les différents courants du parti socialiste, ils ne comprennent rien ! Mais ils sont quand même très contents et ils me soutiennent. Et toi Karim, quelle image as-tu de la politique ?

K. B. : Je ne m'intéresse pas trop à la politique... Pour moi, la politique, c'est aider les pauvres, faire en sorte d'avoir le moins de clochards possible, des choses comme ça.

N. V.-B. : C'est aussi ce qui a motivé mon engagement en politique : l'envie de changer le monde là où ça coince, l'envie de réparer les injustices, de venir en aide aux SDF... Et il m'a semblé très vite que le parti qui défendait le mieux ces idées-là, c'était la gauche.

Lyon Capitale : Vous êtes nos deux lyonnais de l'année 2007. Est-ce que vous vous sentez Lyonnais ; est-ce que vous avez un attachement pour cette ville ?

N. V.-B. : Je ne suis pas lyonnaise ; je suis arrivée ici il y a quatre ans et demi, pour travailler avec Gérard Collomb. Mais je ne m'imaginais pas tomber amoureuse à ce point-là de cette ville. De l'extérieur, j'en avais une vision assez désagréable, l'impression qu'elle était refermée sur elle même, obscure, mais en fait non, c'est une ville superbe, à taille humaine, avec beaucoup d'opportunités.

K. B. : J'aime bien cette ville ; pour l'instant, j'ai encore beaucoup de choses à faire à Lyon. Mais je ne sais pas si dans 4, 5 ou 6 ans je serai encore à Lyon. (...) Ma famille est à Bron, c'est mon quartier. Ça me fait toujours plaisir d'y retourner, de voir les amis avec qui j'ai grandi et avec qui je traînais très tard, de voir les jeunes qui jouent dans mon ancien club... Et je vois dans leurs yeux que ça leur fait plaisir aussi de me voir. (...) Mais je sors peu. Je suis obligé de faire des sacrifices : je ne suis pas encore le meilleur joueur du monde !

Lyon Capitale : C'est votre objectif ?

K. B. : Oui, c'est d'être ballon d'or, c'est clair ! D'ici quelques années. C'est mon objectif depuis tout petit. Depuis que j'ai 4-5 ans, je ne veux faire que ça : du foot ! Ma mère me disait "l'école c'est important", mais moi c'est le foot qui m'intéressait.

Lyon Capitale : Et pour vous Najat Belkacem, la politique était-elle une vocation ?

N. V.-B. : Non, ça a été la conjonction de hasards, de rencontres. A l'âge de Karim, j'étais plutôt engagée dans la vie associative : aide aux devoirs pour les plus jeunes, etc., pas dans la politique. Ce sont petit à petit des rencontres qui m'ont démontré par A + B que l'action politique pouvait changer la vie des gens et que ça avait vraiment un sens d'être de gauche ou de droite.

N. V.-B. : As-tu de bons rapports avec Jean-Michel Aulas ?

K. B. : Oui, enfin très peu. Je n'ai jamais mangé avec lui. C'est le président du club, j'ai juste discuté avec lui quand il m'a fait signer un contrat.

N. V.-B. : Et que penses-tu du projet de grand stade à Décines ?

K. B. : C'est bien ! C'est un bon projet. Ça va faire encore grandir le club ! C'est comme ça qu'on va entrer dans les grandes équipes d'Europe : Manchester, Milan, Barcelone... Ça fait quand même 6-7 ans qu'on se qualifie pour la ligue des champions ! Il nous faut un grand stade et peut-être que comme ça on va gagner d'autres titres !

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Karim Benzema

- Né le 19 décembre 1987 à Lyon
- En 2007, champion de France avec l'OL.
- Actuel meilleur buteur du championnat, il a inscrit 12 buts en 18 rencontres de Ligue 1 et 3 buts en 5 matchs de Ligue des champions.
- Première sélection en équipe de France, le 28 mars 2007 pour le match France / Autriche (8 sélections en équipe de France, 3 buts).
- En 2008 : Il va disputer les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Bien parti pour remporter un 7ème titre de champion de France avec l'OL et devrait participer à L'Euro 2008 avec l'équipe de France.

Najat Vallaud-Belkacem

- Née le 4 octobre 1977 au Maroc
- Collaboratrice au cabinet de Gérard Collomb chargée des questions de démocratie participative, insertion et droits de l'homme.
- Conseillère régionale déléguée à la culture à la Région Rhône-Alpes.
- Rapporteur du Forum du changement du PS consacré à l'individu.
- En 2007, porte-parole de Ségolène Royal lors de l'élection présidentielle et candidate PS aux élections législatives sur la 4e circonscription de Lyon face à Dominique Perben.
- En 2008, candidate PS aux élections cantonales sur le 13e canton (Monchat) et sans doute candidate aux élections municipales dans le 3e arrondissement

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