Science Po Grenoble.
Les bâtiments de Science Po Grenoble. (Photo de JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

Après 2 ans d’interruption, la Région rouvre le robinet de ses subventions à Science Po Grenoble 

Établissement non grata depuis deux ans du côté du siège de la Région Auvergne-Rhône-Alpes après la suspension d’un professeur, Science Po Grenoble va de nouveau recevoir des aides financières de la collectivité. 

Fin 2021, le retrait des subventions de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à Science Po Grenoble après la suspension d’un professeur, qui dénonçait une "chasse idéologique", avait fait couler beaucoup d’encre. Deux ans plus tard, la collectivité a finalement décidé de rouvrir les vannes de ses subventions, qui permettaient de financer, en partenariat avec l’État, l’attribution de bourses aux étudiants en partance pour l’étranger ou encore le soutien aux projets de formation continue et à l’action sociale. 

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Un financent lié à un contrat d'engagement républicain

En contrepartie, la direction de l’IEP et son conseil d’administration, auquel siègent notamment neuf représentants des étudiants, ont adopté à l’unanimité mi-décembre le "Contrat d’engagement républicain" de la Région. Un document dont la signature est aujourd’hui un pré-requis pour toute structure souhaitant recevoir des aides de la collectivité présidée par Laurent Wauquiez. Son principe ? "Le respect des valeurs de liberté, égalité, fraternité, laïcité et de ne pas déroger aux lois qui prohibent le racisme et l’antisémitisme", fait valoir Catherine Staron, la vice-présidente de la Région LR à l’Enseignement supérieur, présente ce mardi au siège de la collectivité pour assister à la signature de ce contrat par la directrice de Science Po Grenoble.

"Pas un euro d’argent de la Région à des structures ou individus ne respectant pas les valeurs de notre pays"

La Région Auvergne-Rhône-Alpes

Sur le fond, ce "Contrat" créé par la Région au printemps 2022 vise un objectif, la "défense des valeurs de la France" et la "lutte contre le communautarisme", expliquait l’exécutif au moment de le présenter au vote du conseil régional. Explicitement adopté en réaction à la décision de l’IEP de Grenoble de suspendre "un professeur qui avait été accusé d’islamophobie et menacé par des syndicats et collectifs étudiants d’extrême gauche", celui-ci permet désormais à la collectivité de retirer ses subventions en cas de manquement au dit contrat. À l’époque, le président de Région expliquait sans détour : "Grâce à ce contrat […], la Région proclame un principe clair : « Pas un euro d’argent de la Région à des structures ou individus ne respectant pas les valeurs de notre pays »".

"En signant ce contrat, Science Po formalise son éligibilité à nos dispositifs régionaux d’accompagnement et particulièrement celui des bourses régionales de mobilité internationale des étudiants"

Catherine Staron, vice-présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes à l’Enseignement supérieur 

Celui-ci liste cinq engagements, dont un ayant trait à la "Liberté de conscience", qui fait écho aux reproches alors faits à la direction de Science Po Grenoble. "Le bénéficiaire s’engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers, notamment des bénéficiaires de ses services, et s’abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression", peut-on ainsi lire sur le contrat estampillé du logo de la Région (consultable ci-dessous). 

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L'affaire Karl Kinzler, sujet tabou

Après des échanges vindicatifs par voie de communiqué, où la Région écrivait que des "militants de théories “woke”, de l’écriture inclusive, ou de pratiques communautaristes, ont aujourd’hui confisqué le débat au sein de cet établissement sans que la direction ne prenne la mesure de cette dérive préoccupante", l’ambiance était beaucoup plus feutrée ce mardi au siège de la Région. À tel point que pas une seule fois n’a été énoncé le nom de Karl Kinzler, le professeur d’Allemand écarté en 2021 après avoir accordé plusieurs interviews jugées "diffamatoires" par sa direction. Pour mémoire, celui-ci y fustigeait "l'arrivée de jeunes chercheurs adeptes des théories woke, décolonialistes, communautaristes, anticapitalistes" à l’IEP et qualifiait Sciences Po Grenoble de d'institut "de rééducation politique".

"Des défis et des problèmes se sont posés, nous avons appris, tiré des leçons de ces difficultés et je pense que nous pouvons même être un exemple pour d’autres établissements"

Sabine Saurugger, directrice de Science Po Grenoble

Qu’ils s’agissent de la vice-présidente à la Région, du recteur délégué ou encore de la directrice de Science Po, mardi 16 janvier, tous semblaient s’être accordés pour tourner autour de l’affaire à l’origine de la signature de ce contrat, sans en dire un mot. "Des défis et des problèmes se sont posés, nous avons appris, tiré des leçons de ces difficultés et je pense que nous pouvons même être un exemple pour d’autres établissements qui ont connu, où vont connaître des situations similaires à l’avenir" préférait ainsi se réjouir Sabine Saurugger, la directrice de l’IEP, lorsque nous lui avons demandé si la signature de cet engagement signifiait qu’elle comprenait les sanctions prises à l’époque par le président de Région.

directrice science po grenoble Sabine Saurugger
De gauche à droite, Catherine Staron (vice-présidente de la Région), Sabine Saurugger (directrice de Science Po Grenoble) et Gabriel Fioni (recteur délégué à l'enseignement supérieur dans la région). (Photo HJ)

Si les représentants du rectorat, de la Région et de l’IEP assuraient tous être "heureux" d’être là, le terme semblait légèrement galvaudé au vu des non-dits. Au-delà des questions politiques, cette normalisation des relations entre l’institut d’études politiques et la Région permettra surtout à l’État, qui avait compensé le désengagement de la Région en augmentant sa contribution, de réduire son soutien. L’objectif étant qu’un équilibre tripartite soit trouvé pour abonder le budget, d’environ 400 000 euros, nécessaire pour aider les 300 étudiants de l’IEP, dont 38% de boursiers, qui partent à l’étranger chaque année pour leurs études et leurs stages obligatoires hors de France.

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