Cédric Van Styvendael, le maire de Villeurbanne. @Alex MARTIN / AFP)

Anne Hidalgo à Villeurbanne lundi : Cédric Van Styvendael, le maire, se confie à Lyon Capitale sur la situation du PS

Un rassemblement entre élus locaux de gauche est prévu toute la journée de lundi à Villeurbanne, autour de la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour une journée de travail et d'échanges. Candidature possible d'Anne Hidalgo à la présidentielle, alliance ou non avec les écologistes, idées, programme, situation du PS dans le Rhône, le maire socialiste de Villeurbanne, 19e commune plus peuplée de France, Cédric Van Styvendael, se confie longuement à Lyon Capitale. ENTRETIEN.

Lundi, à Villeurbanne, un rassemblement entre élus locaux de gauche est prévu. Au cours de la journée d'échanges, sont notamment annoncés la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, le maire de Montpellier, Michael Delafosse, les parlementaires Valérie Rabault et Patrick Kanner et bien sûr Anne Hidalgo, la maire de Paris, de plus en plus pressentie pour être candidate à la présidentielle de 2022.

Ce rassemblement entre élus socialistes intervient d'ailleurs quelques jours après un appel de plus de 200 élus socialistes, dont la maire de Lille Martine Aubry, en faveur d'une candidature d'Anne Hidalgo à la présidentielle. Forcément, lundi, l'intervention d'Anne Hidalgo prévue en fin d'après-midi à Villeurbanne sera scrutée de près.

Pour Lyon Capitale, le maire de Villeurbanne (19e commune la plus peuplée de France, 150 000 habitants), le socialiste Cédric Van Styvendael fait le point sur la situation pour le PS à quelques mois de la présidentielle. Villeurbanne, terre socialiste depuis un siècle, qui accueillera également le congrès national du PS au mois de septembre. Villeurbanne au centre de l'actualité socialiste. Il évoque aussi la situation du PS dans le Rhône, un PS qui a volé en éclats en 2017 dans la Métropole de Lyon lors de la dernière présidentielle. ENTRETIEN.

Lyon Capitale : Villeurbanne accueille un rassemblement des (grands) élus socialistes, accueille Anne Hildago pressentie pour être candidat à la présidentielle, accueille le congrès national du PS en septembre. Toute l'actualité socialiste se passe désormais à Villeurbanne ?

CÉDRIC VAN STYVENDAEL. Cette séquence-là a commencé il y a assez longtemps. Dès l’été dernier (en 2020), on a eu des échanges avec plusieurs maires élus ou réélus lors des municipales issus du PS ou apparentés, autour d’Anne Hidalgo, où on s’est dit : « il faut absolument qu’on commence à poser les idées dans nos territoires qui fonctionnent en matière d’emploi, de logement, d’accès à l’éducation, à la santé, à la culture. Parce qu’on partage tous un constat d’un pays en crise, fragilisé, pour lequel on n’arrive pas à trouver les réponses satisfaisantes. On est tous plutôt déçus du mandat d’Emmanuel Macron sur un certain nombre de positions – je ne m’exprime pas sur la question de la crise sanitaire – .

On a fait pas mal de rencontres en visio. A un moment, est apparue la nécessité de pouvoir se rencontrer, de mettre à plat ce sur quoi on avait travaillé. D’échanger, mais aussi avec des chercheurs, des universitaires qui nous rejoindront lundi pour passer la journée avec nous. Lundi, c’est vraiment un moment autour des idées. Le thème de cette rencontre, d'ailleurs, c'est « les idées en commun ». Anne Hidalgo avait été à l’initiative de ces échanges, il est bien normal qu’elle soit là lundi à Villeurbanne.

Ce rassemblement, c’est pour discuter des premières lignes du projet à présenter l’année prochaine aux Français ?

C’est un peu plus compliqué que cela. Au PS, il y a un travail en cours, auquel je participe d’ailleurs. Ce n’est pas une contre-proposition par rapport au parti socialiste. On est d’ailleurs plusieurs à avoir des responsabilités au PS au niveau national. Là, c’est plutôt : les idées des élus du territoire pour la France. Après, est-ce qu’on les mettra au programme du PS ? est-ce qu’on les versera à Anne Hidalgo si elle entend notre appel et qu’elle est candidate à la présidentielle ? Les mois à venir vont nous le dire. C’est mieux d’avoir plein d’idées que de ne pas en avoir. Le pari qu’on fait, les élus du territoire, c’est de commencer par les idées.

Ce rassemblement lundi à Villeurbanne intervient quelques jours après la tribune que vous avez co-signé avec 200 élus locaux pour pousser Anne Hidalgo à être candidate à la présidentielle en 2022. Elle sera là lundi à Villeurbanne, vous lui demander quoi ? D’accélérer ?

Elle a dit qu’elle prendrait sa décision à la rentrée. On ne va pas lui demander d’accélérer, son timing c’est le sien. Par contre, l’idée c’est aussi de lui présenter les idées, ce qui marche sur nos territoires pour lui montrer qu’on a tout ce qu’il faut pour être prêt pour proposer un projet aux Françaises et aux Français. De par l’expérience des élus qui sont engagés, à gauche, sur les territoires. On espère que ça va continuer à la conforter dans sa réflexion.

Mais on ne va pas passer la journée à se focaliser sur la question de la présidentielle. Au sens de qui sera candidat ou qui ne le sera pas. Les Français n’ont pas la tête à ça. Le spectacle un peu triste auquel on assiste depuis le soir du second tour des régionales (27 juin, ndlr) où chacun y va de sa candidature individuelle sans qu’à aucun moment on exprime un diagnostic sur le pays, des idées, des propositions concrètes pour améliorer la qualité de vie des gens, je trouve ça désolant. Je suis plutôt content d'être parmi de ceux qui mettent d’abord les idées en avant.


"La gauche est fragilisée aujourd’hui, la gauche a perdu le contact avec une partie de la population, notamment la plus populaire, le plus fragilisée"


Vous venez de voter un plan de mandat au conseil municipal de Villeurbanne lundi 5 juillet 2021 articulé autour de 3 axes : la justice sociale, la transition démocratique et la transition écologique. C'est ces idées-là que vous souhaitez que la gauche porte aussi à l'échelle nationale ?

Les habitants ont déjà envie de nous entendre là-dessus. Sur les idées. Sur la transition écologique, sur la justice sociale. Sur la transition démocratique. Lundi, à Villeurbanne, on va parler de revalorisation des salaires, de maîtrise des coûts des logements, de santé, d’écologie, de réindustrialisation du pays.

Au quotidien, dans nos communes, on essaye de répondre aux problématiques des habitants. Je me sens légitime quand je dis « ce que fait Villeurbanne depuis 4/5 ans sur le territoire zéro chômeur ça marche, il faut continuer ». Ce sont des choses concrètes dans lesquelles les Français peuvent se reconnaître. On parle de leurs enfants, de leur rémunération etc… Les élus de terrain n’ont pas renoncé. Le politique n’a pas renoncé. C’est de ça qu’on souffre aujourd’hui. De l’impression d’un renoncement, d’un espèce de jeu d’acteur. Les électrices et les électeurs viennent de nous dire qu’ils n’ont plus envie de participer.

Les Gratte-ciel à Villeurbanne © Antoine Merlet

Localement, le PS a réussi à résister dans ses fiefs aux municipales de 2020 et aux régionales de 2021 lorsqu’il était sortant. Finalement, le PS, annoncé groggy, annoncé mort, peut encore proposer des choses à la France ?

Je ne vais pas m’emballer non plus. Ce que je retiens des élections régionales, c’est que le PS et plus généralement les idées de gauche sont loin d’être mortes. Et ça c’est une bonne nouvelle. Après de se dire que d’un seul coup le PS redevient le point central, ou pas le point central, ou que ça soit les écologistes, c’est très prématuré. Ne retombons pas dans les errements du passé, où dès qu’il y a une élection qui nous revigore un peu, d’un seul coup on arrête de se poser des questions. La gauche est fragilisée aujourd’hui, la gauche a perdu le contact avec une partie de la population, notamment la plus populaire, le plus fragilisée. La gauche arrive peut-être à retrouver un peu d’écho, on l’écoute un peu plus, ce qu’elle dit est un peu plus audible mais il y a encore du chemin à parcourir… C’est à ça qu’on veut s’atteler lundi, en planchant sur les idées. Qu’est-ce qu’est capable de proposer la gauche à ce pays ? Et comment, de par nos expériences locales, on arrive à proposer des choses pour la France. C’est ça qui m’intéresse.

Que les idées de la gauche, sociales, réformistes, écologiques perdurent et retrouvent de l’intérêt dans le débat public, on en a fondamentalement besoin. Le débat politique aujourd’hui est d’une pauvreté absolue. Je suis content qu’un possible s’ouvre. Ce qui m’intéresse c’est de transcender la gauche.


"Personne ne pourra battre seul Emmanuel Macron"


Vous êtes alliés localement à Villeurbanne et à la Métropole de Lyon avec les écologistes. A Lyon aussi. En septembre, les écologistes vont avoir une primaire pour dégager un candidat à la présidentielle. Chacun avance un peu dans son couloir…

Personne ne pourra battre seul Emmanuel Macron. On a élu un président qui nous a menti politiquement. Je fais partie des déçus, de ceux qui sont allés voter en confiance au 2e tour en 2017. J’avais mon candidat de 1er tour. Au 2e tour, c’était moins dur pour moi d’aller voter pour Macron que pour Jacques Chirac en 2002 qui était loin de mes valeurs personnelles. On se retrouve avec quelqu'un qui se dit ni de droite ni de gauche et qui fait une politique de droite depuis le début de son quinquennat. On l’a encore vu récemment avec le renoncement pitoyable du Premier Ministre enterrant la révision constitutionnelle suite à la convention citoyenne pour le climat, alors que c’était un engagement.

Ce gouvernement n’a pas de politique sociale et n’a pas de politique écologique. C’est très loin de ce que je souhaite. En tant qu’élu et maire de Villeurbanne, ce que je dis c’est que personne ne pourra battre seul Macron. A un moment ou à un autre, il va falloir que nous soyons ensemble. A quel moment ce sera ? Comment ça va se passer ? L’avenir le dira. Mais à un moment, il faudra qu’on soit ensemble. Je fais partie de ceux qui sont plutôt favorables à ce que cette union soit le plus tôt possible mais elle ne peut pas se faire à n’importe quel prix. Ce qui compte d’abord, c’est le projet pour la France.

Les idées qu’on a pour répondre aux Français qui ont du mal à se loger, qui sont inquiets pour l’éducation de leurs enfants, qui n’ont pas accès à la culture. Commençons par un projet. Car là, au lendemain des régionales, que chacun pense que la priorité et l’urgence soit de dire « je suis candidat à la primaire » ou « je suis candidat mais je ne veux pas de primaire », c’est désespérant. On est en train de se tromper collectivement. Je suis content lundi qu’on soit tourné autour des idées.

"On a le taux d'abstention qu'on mérite par la médiocrité du débat politique que nous proposons, par une facilité à aller sur des sujets clivants, vous avez eu des mots assez durs pour les élus sur le sujet de l'abstention après les régionales...

Je me mets dedans. Je me surprends parfois à me mettre dans cette logique-là qui est rythmée par les formats médiatiques, un son à la radio, un tweet etc… Du coup, on est en train de simplifier à outrance la pensée, de la caricaturer, de la binariser.

Le pays est dans une telle situation qu’il ne peut pas se permettre ça. Il faut qu’on ait le courage de la nuance, de la capacité à proposer un peu de complexité. La complexité, ce ne sont pas des mots compliqués, c’est de dire que les choses ne sont pas binaires et que souvent le chemin est entre deux. C’est ce qu’a essayé de nous proposer le « en même temps » de Macron mais dans ce cas précis, le en même temps a toujours d’un seul côté.


"Le PS a été fragilisé par un espèce de hold-up. Macron a fait main basse sur ce qui ne lui appartenait pas d’une manière très maline. Ca reste un hold-up politique mais il nous a laissé les idées…"


En 2017, beaucoup de socialistes se sont laissés tenter par Emmanuel Macron. Jean-Yves Le Drian et Olivier Véran, d’anciens socialistes, sont toujours au gouvernement aujourd’hui. Et à des hauts postes. On dit souvent que Macron a fracturé la droite, mais pour le PS, il a fallu aussi se relever de cela…

Macron a failli abattre le PS. Tout simplement. On est revenus de très loin. Encore plus ici, dans le Rhône. Où 70% des adhérents sont partis sur l’injection d’un seul homme (Gérard Collomb, alors président de la Métropole de Lyon), parce qu’ils n’avaient pas le choix. Heureusement que ça ne s’est pas passé comme ça partout en France, sinon le PS était mort. C’est un peu plus difficile pour nous dans le Rhône de reconstruire parce que l’épicentre du séisme Macron s’est joué à Lyon autour de Collomb qui est parti avec tout le monde.

Anne Hidalgo, la maire de Paris, fortement pressentie pour être candidate à la présidentielle (Photo by Jacques WITT / POOL / AFP)

C’est compliqué pour le PS de faire émerger sa voix, encore aujourd’hui ?

Au niveau national, oui. Même si le PS retrouve un certain écho dans ses idées. Mais localement, je n’ai jamais caché mon identité PS. Le socialisme, quand il est incarné, quand il parle en idées, il parle aux Français et aux habitants de nos villes. Les Nantais sont contents de ce qui se passe dans leur ville, les Rennais pareil etc… La question, c’est finalement où est-ce qu’elles s’incarnent ces idées de gauche et où est-ce qu’on est capable de se rendre compte de ce qu’elles produisent. A Villeurbanne, on a de la chance, ça fait 100 ans qu’elles sont en place dans la ville. Le récit n’a pas beaucoup varié. Alors il se modernise, il évolue, et c’est peut-être pour ça qu’Anne Hidalgo a choisi de venir à Villeurbanne le 12 juillet. Au regard de ce berceau qui est important pour la gauche dans sa constance, dans sa fidélité et dans son ambition aussi.

Je ne crois pas que les idées du PS et des idées de la gauche soient mortes, je crois par contre que l’appareil, le parti a été fragilisé par un espèce de hold-up. Macron a fait main basse sur ce qui ne lui appartenait pas d’une manière très maline. Ca reste un hold-up politique mais il nous a laissé les idées…

Comment les habitants peuvent s'y retrouver quand, encore en 2020, aux élections métropolitaines à Lyon, certains socialistes étaient sur les listes de Gérard Collomb, d'autres sur celles de David Kimelfeld, d'autres sur celles de la gauche unie, d'autres sur celles des écologistes...

C’est vrai mais ceux qui seront là le 12 juillet à Villeurbanne autour d’Anne Hidalgo ont en commun une forme de loyauté et de droiture par rapport à leurs idées et leurs engagements politiques. Anne Hidalgo ne s’est jamais laissée tenter par le macronisme, Nanthalie Appéré (la maire de Rennes) non plus, moi non plus. Pendant la campagne des municipales (en 2020 à Villeurbanne), j’ai été approché (par la République en Marche). On m’a dit « Cédric, si jamais à Villeurbanne tu acceptes de nous suivre, on ne te mettra personne en face ». Je n’ai pas accepté, et pourtant je suis un adepte du rassemblement et de l’élargissement. Mais quand ce n’est pas en phase avec vos valeurs politiques personnelles, il ne faut pas se laisser aller au seul intérêt de la conquête du pouvoir. Au moment de la proposition, tout le monde pensait que les Verts (et la tête de liste Béatrice Vessiller) allaient gagner la ville. J’aurai pu être tenté. Ce qui nous rassemble et ce que nous avons en commun, c’est aussi cette loyauté, cette constance. Ce pays a besoin de convictions, de gens qui ont en tête autre chose que des projets de carrière personnelle qui leur permette de passer d’un bord à l’autre du jour au lendemain.


Le rassemblement à gauche ? "Je ne sais pas si on y arrivera avant le 1er tour"


Le rassemblement avec les autres forces de gauche, possible au 2e tour des municipales et des régionales, ne l'est pas à la présidentielle si aucun candidat de gauche n'est qualifié pour le 2e tour. Prônez-vous une alliance avant le 1er tour de la présidentielle ?

Je ne sais pas si on y arrivera avant le 1er tour… Je vois déjà qu’ils vont être 5 pour la primaire des écologistes. Ca va être tendu quand même. Il faut deux choses pour battre Macron : les trois transitions évoquées (justice sociale, transition écologique et transition démocratique) et une personnalité qui rassemble. Et quand je dis cela, je crois que je justifie mon choix pour Anne Hidalgo aujourd’hui. En l’état actuel, mes convictions sont celles-ci.

La seule capable de rassembler aujourd’hui pour vous c'est Anne Hidalgo ?

Dans mon parti. Et je soutiens mon parti. Ensuite, il faut discuter. Ce n’est pas facile aujourd’hui. Autant au niveau local on arrive bien à se mettre d’accord dans les mairies entre écologistes et socialistes, autant au niveau national c’est plus compliqué. 5 candidats pour un parti qui est crédité entre 6 et 11% d’intentions de vote au 1er tour (les écologistes), c’est beaucoup quand même. Je suis content que le PS fasse éventuellement le choix de n’en avoir qu’une seule.

C’est un peu le boxon à droite, les écologistes sont nombreux à se présenter lors de leur primaire, ça ne peut pas finalement être une force pour le PS au final de n’avoir qu’une candidate qui se détache ?

Ca s’appelle un dommage collatéral positif. On nous pensait mort, ce n’est pas le moment où on est le plus fort du monde. Si ça permet ça, de ne pas avoir la bataille des égos pensant que le gâteau à partager est énorme, tant mieux. Je crois que c’est une force que de n’avoir qu’une seule candidate qui rassemble, de gauche, pour notre parti. Ca ne veut pas dire que j’interdis le fait qu’il y en ait d’autres. Dans mon parti, on est jamais à l’abri de surprises (sourire). Je reste prudent tant que les choses ne seront pas calées. On a un congrès, à Villeurbanne, en septembre. Et les socialistes ont toujours eu l’habitude de choisir leur candidat, pas de se le voir imposer par quelques élus ou responsables que ce soient. Mais aujourd’hui, je me félicite de la possibilité qu’il y en ait qu’une.

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