À Vénissieux, la venue d'un imam contesté embarrasse

Le prédicateur Nader Abou Anas est attendu ce dimanche à Vénissieux, limite Lyon 8e, pour une conférence publique. Si ses positions radicales sur les femmes sont difficilement acceptables, "l'ordre public n'est pas (pour autant) troublé".

"Les hommes ont autorité sur les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes à leur mari. Voilà la femme vertueuse, c'est celle qui obéit à son mari. Ce n'est pas ma parole, c'est la parole d'Allah (…). La femme, elle ne sort de chez elle que par la permission de son mari. Sa place à la base, Allah (...) l'a fixée dans le Coran (…). Restez dans vos demeures, ça c’est la base. Le soir, il a un besoin, il a une envie. Elle lui dit non, elle ment, en disant je suis fatigué, je peux pas, je suis ci, je suis cela. Et l'homme, il craque. Qu'elle sache que les anges la maudissent toute la nuit dans le cas où elle se refuse à son mari sans raison valable. Ce n’est pas ma parole, c'est la parole du Prophète (…). "

Nader Abou Anas, 37 ans, ancien imam de la mosquée du Bourget, aujourd'hui conférencier, est attendu dimanche à Vénissieux pour donner un enseignement public sur "Les causes du divorce".

Les propos qu'il a tenus ont été exhumés d'Internet, quelques jours avant la "marche contre l’islamophobie", en novembre dernier, par Waleed Al-husseini, un jeune palestinien torturé pour avoir renoncé à la religion musulmane, fondateur du Conseil des ex-musulmans – que L’Obs, dans une récente enquête qualifie proche de l'extrême droite.

 

Suivi par la police sur Youtube

Difficile de savoir quand Nader Abou Anas a prêché ces paroles, ni le contexte dans lequel il l'a fait – une partie de la vidéo (1'19) est néanmoins apparue sur certains blogs, dont celui de Citoyen, dès avril 2015. Toujours est-il que nationalement, Nader Abou Anas s'est fait connaître du grand public lors de la "marche contre l'islamophobie". L'imam avait apposé son nom, avec 350 autres signataires, à l'appel relayé sur l'espace réservé aux blogs de Mediapart à manifester contre l'islamophobie.

Les propos du prêche avaient alors choqué bon nombre de signataires de l'appel. Finalement, l'iman s'était retiré prenant conscience de "l'émoi légitime" suscité par sa vidéo à propos de la condition des femmes. Et de préciser : "comme je l'ai déjà dit depuis des années, j'ai depuis beaucoup évolué et suis revenu sur de nombreux propos qui ne reflètent plus ma position sur ces questions."

Selon une note de synthèse des services de renseignement que s'est procuré Le JDD, Nader Abous Anas est l'un des huit prédicateurs musulmans suivi de près par la police – avec Tarik Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, Hassan Iquioussen, proche de la mouvance des Frères Musulmans ou encore Rachid Eljay, ex-imam de Brest qui demandait il y a quatre ans de ne pas écouter de la musique sous peine d'être transformé en singes et en porc, et dont Nader Abou Anas est proche.

Il faut dire qu'avec 187 000 followers sur sa page Facebook, 248 000 abonnés sur sa chaîne YouTube, un compte Twitter avec 11 800 abonnés et un compte Instagram suivi par 56 500 personnes, les vidéos de Nader Abou Anas ont enregistré plus de 10 millions de vues.

Patate chaude

Dimanche, l'imam vient donc donner une conférence publique à Vénissieux. Joint par Lyon Capitale à plusieurs reprises, la maire Michèle Picard nous a fait savoir, via son service de presse, que les locaux de l'Espace Viviani, où doit se tenir la conférence publique, et le terrain sur lequel l’immeuble était implanté, n'étaient pas la propriété de la mairie de Vénissieux, mais à la métropole de Lyon. Une façon de refiler la "patate chaude" au Grand Lyon ?

Toujours est-il que la venue de l'imam a fait réagir le Rassemblement national qui demande l'interdiction pure et simple de la réunion publique au regard de "ses déclarations théocratiques et mysogines". Le RN dénonce aussi, parmi les membres de l'organisation de la conférence, des "associations communautaristes, certaines liées aux Frères musulmans, d'autres à la mouvance salafiste". En l'occurence, l'organisateur n'est autre que l' annexe de Bourg-les-Valence de l'association D'Clic créée en 2010 par Nader Abou Anas. Enseignement de l'islam, organisation de conférences à travers le pays pour "faire découvrir l'islam au public francophone", voyages, tournois sportifs, repas conviviaux, "le but de ces activités étant de nouer des liens fraternels entre les musulmans".

Pour Michèle Vianès, président de Regards de femmes, qui défend les droits des femmes, il ne s'agit "ni plus ni moins qu'un appel aux violences conjugales et viol conjugal. Je vais demander à ce monsieur, puisqu'il va discourir du divorce, s'il considère le divorce civil ou religieux avec la répudiation. Ce genre de discours n'est pas acceptable dans la République. Et ce n’est pas parce qu'il utilise le prétexte religieux qu'il peut être au-dessus des lois."

Aucun trouble à l'ordre public selon la préfecture

Joint par Lyon Capitale, Farid, l'organisateur de la conférence, a expliqué qu'il s'agissait "de conneries de gamin", assurant que "l'homme a changé depuis". Doux comme un agneau.

Pourtant, dans un de ses prêches postérieurs, l'imam expliquait : "il est préférable à un homme de se planter un clou en fer dans le crâne que de toucher une femme qui n'est pas la sienne (...) le prophète il a dit. Donc bises, serrage de main, tu mets ça de côté, c'est haram (interdit, ndlr)." (vidéo ici).

Une vision pour le moins rétrograde de la femme, pour ne pas dire insoutenable en France.

Kamel Kabtane, le recteur de la mosquée de Lyon, ne commente pas les propos du RN. "Je ne suis pas là pour leur faire une place au soleil, explique-t-il à Lyon Capitale. Je ne suis pas un censeur, on est là en République et la liberté d'expression est un droit fondamental. Je ne connais pas ce monsieur. S'il a tenu des propos anti-républicains, ou illégaux, que la puissance publique prenne la responsabilité de l'interdire."

Quartier Moncey, la préfecture est un peu embarrassée. “Toute la matinée, la métropole a étudié la faisabilité juridique pour empêcher la réunion. Aucune solution juridique n’a été trouvée. David Kimelfeld condamne fortement les propos tenus par l’imam Nader Abou Anas”, nous a-t-elle confié. Puis d’ajouter : "L'interdiction de la conférence ne peut se faire qui s'il existe un risque de trouble à l'ordre public. Or, en l'espèce, il n'y pas de risque de trouble à l'ordre public manifeste. Ceci étant dit, si les propos sont illégaux, alors la justice pourra interdire la conférence". Dit autrement, les propos de l'imam Nader Abou Anas seront suivis attentivement par les services de renseignement qui seront sur place dimanche à Vénissieux. Ça, Nader Abou Anas le sait parfaitement.

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