SNCF Perrache quai
© Tim Douet

Comité d’entreprise régional : à quel jeu joue la SNCF ?

Grande absente au procès des huit délégations syndicales lyonnaises en juin dernier, la SNCF a pourtant toujours eu les cartes en main. 4e volet de notre enquête.

Rappel : Les 26 et 27 juin derniers, huit syndicats du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF, CGT entête, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Lyon. Leur sont reprochés des faits d’abus de confiance, faux et usage de faux. Durant des années, ils auraient ainsi ingurgité une bonne part du budget de fonctionnement du CER, via un accord de répartition imposé par la CGT et signé par tous.

D’ici au rendu du jugement, le 26 septembre, ces syndicats sont bien entendu présumés innocents. Nous avons toutefois pu explorer des dizaines de pages de documents exclusifs : PV de réunions du CER, courriers alarmistes du cabinet d’expert-comptable, bilans annuels, tracts dénonçant en interne la direction du comité... Mis bout à bout, ces documents jettent une lumière crue sur la façon dont un syndicat majoritaire impose sa loi au sein d’une structure censée servir les intérêts des salariés et qui, en fin de compte, aura servi à financer les syndicats eux-mêmes.

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La direction de la SNCF fut la grande absente au procès des huit délégations syndicales lyonnaises, fin juin. Interrogée à ce sujet, elle s’est retranchée derrière la différence de structures juridiques entre le comité d’établissement et la SNCF ; à ce titre, elle n’avait pas à s’impliquer dans ce procès. La direction n’aurait-elle pu se porter partie civile ? Elle n’avait pas à le faire, tranche-t-elle.

Une “passivité”…

Une autre façon de voir cette absence de réaction, au cours du procès comme durant les années qui ont précédé, tient à la “passivité des représentants de l’employeur au sein du CER, vraisemblablement soucieux de ménager la paix sociale dans l’entreprise”. Ainsi s’exprime Philippe Duval-Molinos, vice-président chargé de l’instruction au TGI de Lyon, dans les attendus de son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, datée de mars 2012. Un avis partagé par Philippe Chabin, ancien secrétaire (CGT) du comité d’établissement Clientèle de la SNCF à Paris : “En ne se retournant pas contre les syndicats, la direction de la SNCF achète la paix sociale.”

… cachant une certaine concordance de vues ?

Les PV de séances plénières du CER laissent penser à une forme d’entente entre la CGT et la direction régionale de la SNCF. Autour d’un dossier comme celui des chèques-vacances, la concordance est même remarquable, ainsi que le soulignera avec malice Philippe Colin (CFDT) : “Je le dis comme je le pense, mais il me semble ressentir une certaine concomitance entre le directeur [régional de la SNCF, NdlR] et la délégation CGT dans ce dossier.” Un avis partagé par Gérard Sonnier (CFTC) : “Chaque fois que le président [du CER] indique que le CE doit faire des économies, c’est lorsque nous abordons la discussion sur les chèques-vacances, et nous avons un peu l’impression que c’est à ce niveau que nous devons faire des économies.” La direction de la SNCF, en cela, rejoindrait parfaitement les vues de la CGT...

Collusion entre la direction et le premier syndicat de l’entreprise ? Cela peut paraître étonnant. Mais le CER a eu longtemps besoin de l’aide financière de la SNCF pour survivre. Garantie bancaire, avance sur trésorerie, subventions exceptionnelles et, tout simplement, patience devant un plan d’assainissement qui se fait attendre... La SNCF a toujours eu les cartes en main.

Au-delà de discours inquiets sur la santé financière de la structure, la SNCF ne lâchera pas “son” CER. Aujourd’hui plus que jamais, celui-ci a besoin d’elle : après un beau retour en positif dans le courant des années 2000, et une pointe en trésorerie nette de 1,1 million d’euros en 2010, le CER a replongé dans le rouge l’an dernier.

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