Goûter pour aimer la nouveauté

Quelles sont ces connexions ?
Agnès Giboreau : Dans notre comportement alimentaire, l'une des composantes du choix alimentaire est le plaisir de manger. Ce plaisir porte, entre autres choses, sur les sensations liées à la dégustation, la notion de goût étant prise dans son acception large, celle des sensations liées à la "dégustation". C'est à dire la vue, l'appréciation des couleurs, la composition, l'équilibre, l'harmonie, les contrastes, les arômes qui se dégagent de l'aliment, la texture, tout ce qui se passe en bouche et sur la langue, le sucré, l'amer, le fait que ça picote un peu, s'il y a des bulles, etc. Ce sont des critères qui participent aux comportements alimentaires en complément de facteurs physiologiques, sociologiques et psychologiques.

Le goût est-il inné ?
Vaste débat... Le Centre européen des sciences du goût, à Dijon, travaille notamment sur les préférences alimentaires des nouveaux-nés. Les chercheurs ont, par exemple, comparé un groupe de femmes qui mangeaient de la carotte pendant toute leur grossesse, et un autre qui n'en mangeait pas. Les premières ont "produit" un lait maternel ayant les composants olfactifs de la carotte. Et les nouveaux-nés du groupe carotte ont, dès la naissance, préféré ce lait au goût de carotte. Et inversement. Tout ça pour dire que le rôle de l'apprentissage du goût dès la vie in utero est prouvé aujourd'hui : les bébés sont influencés par le régime de la mère pendant la grossesse et par la saveur du lait maternel.

Comment notre environnement influe-t-il sur nos goûts ?
On connaît aujourd'hui les liens entre familiarité et appréciation : par exemple, quelqu'un qui mange du piment tout le temps depuis qu'il est petit est familier aux sensations piquantes du piment. Résultat : il a appris à aimer ce goût. On parle aussi de néophobie alimentaire : le fait de ne pas aimer les aliments nouveaux.

Qui sont les néophobes ?
La néophobie est naturelle. C'est instinctif : l'homme, comme l'animal, est méfiant vis-à-vis des aliments qu'il ne connaît pas puisque, a priori, il peut s'intoxiquer. Ceci dit, il y a des périodes dans le développement du goût : quasiment tous les enfants ont tendance à être néophobes quand ils passent du lait à la diversification alimentaire. La façon dont on leur présente les aliments nouveaux peut plus ou moins jouer. Ainsi, tout le monde peut devenir néophile à un moment de sa vie.

Existe-t-il une recette miracle pour donner envie aux enfants ?
Des études sont menées sur ce qu'on appelle la recherche de la variété alimentaire. Une clé est de travailler sur la dégustation : il ne faut pas seulement mettre un aliment nouveau devant un enfant, mais accompagner sa découverte de l'aliment nouveau. En l'intégrant, par exemple, à la préparation culinaire, en épluchant les légumes avec lui ou devant lui s'il y a des légumes, en coupant, en assaisonnant le plat pendant qu'il cuit, en faisant parler l'enfant, etc. C'est la même chose pour l'adulte : tout passe par l'attention portée à la dégustation.

Quel rôle joue la science sur nos choix alimentaires ?
On peut parler des comportements rationnels. Les informations scientifiques communiquées au grand public peuvent influencer de manière rationnelle une personne à manger tel ou tel aliment. Par exemple, d'un point de vue nutritionnel, on sait qu'il faut manger des fibres, des crudités, pas trop de gras, pas trop de sucres.

Et la mode ?
Il y a des populations qui sont plus influençables que d'autres. Les ados vont se référer à leurs idoles. Les leaders d'opinion peuvent aussi illustrer des conduites que les gens suivent. Mais ce n'est pas si simple que cela, parce que les gens recherchent des aliments qui leur plaisent. De plus, le marketing fait en sorte que le produit soit élaboré en accord avec les attentes des consommateurs. Et là, tout le monde s'y retrouve.

Est-ce possible de perdre le goût pour un plat ?
Oui, par exemple si on associe un plat à un événement personnel difficile, ou si on a été malade à ce moment, on va rejeter l'aliment. Ça peut être psychologique ou physiologique. Des diététiciens, des psychanalystes peuvent aider à travailler sur cette problématique.

Peut-on contrôler nos pulsions gourmandes ?
C'est l'équilibre entre le naturel et l'intellectuel, entre l'instinct et la raison.

Faut-il les assouvir ?
C'est à chacun de faire la mesure de son comportement, de trouver son équilibre de comportement alimentaire par rapport à ses envies, ses besoins physiologiques de nutrition et son équilibre psychologique.

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