Jean-François Carenco©Robin FAVIER-9

"Je ne suis pas le méchant qui pourchasse les Roms"

Estimant que la presse lyonnaise et certaines associations le caricaturent comme "le méchant qui pourchasse les Roms" et qui laisse des gens "dormir dehors", le préfet Jean-François Carenco a brisé la carapace la semaine dernière, à l'occasion d'un point presse initialement consacré à l'hébergement d'urgence. Son message : il y a un homme derrière la fonction. Récit.

Ce n’est pas un préfet dans ses habits de représentant de la République qui est apparu devant la presse mercredi 16 novembre, mais un homme, blessé. Pendant une heure, il a profité d’un point presse sur l’hébergement d’urgence pour donner son sentiment aux journalistes. "Je ne suis pas un monstre qui pourchasse les Roms. Il est faux d’écrire comme certains l’ont fait que je détruis les caravanes des Roms. C’est un mensonge de dire que les personnes qui ne trouvent pas de solution au 115 dorment dehors".

"Je vous promets que la République est bonne mère"

Le préfet Jean-François Carenco entame seulement son deuxième hiver dans le climat semi-continental lyonnais. Il a été nommé en novembre 2010 dans le département. Il s’étonne encore du parti pris des associations et des médias sur le sujet de l’hébergement d’urgence. "Lyon, la généreuse ! Je vous promets que la République est bonne mère", clame celui qui promet 450 places de plus cet hiver, soit 650, pour loger les sans-abris. Il veut calmer les esprits après une nouvelle expulsion de terrain vague la semaine dernière à Vénissieux, un terrain privé occupé par des Roms.

"Je ne détruis pas les caravanes"

Lyon Capitale se fait tirer les oreilles à ce sujet pour avoir relayé l’information il y a 10 jours "Avant d'être préfet, je suis d'abord un homme, j'ai des enfants et mon honneur. Vous ne pouvez pas écrire que je suis le méchant qui pourchasse les Roms, vous ne pouvez pas écrire que je détruis leurs caravanes. C'est un mensonge ! Vous relayez la parole d'idéologues…." Un message clairement adressé à Lyon Capitale qui reprenait la semaine dernière, le témoignage des associations inquiètes du sort des Roms expulsés du centre social de Vénissieux (lire ici).

Selon des informations que nous avons pu recouper auprès des services de police, les caravanes des Roms emmenées à la fourrière ont bien vocation à être détruites, si les Roms ne disposent pas de carte grises et d'assurance en règle, ou si les caravances ne respectent pas les règles de sécurité rudimentaires. Le préfet semble surtout vouloir dire que ce n'est pas dans ce but qu'elles ont été saisies, et qu'elles ne seront finalement pas détruites. A notre connaissance quatre d'entre elles se trouvent toujours à la fourrière.

Après Lyon Capitale, le préfet a sermonné aussi Le Progrès : "Vous ne pouvez pas écrire que je demande le concours de la force publique dans 50% des cas d'expulsions locatives. Ce sont des mensonges ! Je demande le concours de la force publique dans 7,5% des cas. Ce n’est quand même pas la même chose. Et vous publiez un petit droit de réponse quatre jours après. Qu’est-ce que vous croyez que les gens vont retenir ? Que le préfet est un monstre qui met les gens à la rue ? Vous contribuez à mettre à mal le lien social….Je vous assure que la République est bonne mère ! je viens encore d’obtenir un million supplémentaire pour l’hébergement d’urgence cette semaine. Hébergement d'urgence qui me coûte déjà 32 millions chaque année ….. Nous logeons chaque soir dans le Rhône 5 000 personnes (en comptant les demandeurs d’asile). Vous ne pouvez pas écrire cela !". Le Progrès avait effectivement publié une interview sur le sujet le 1er novembre , et un droit de réponse de la préfecture était paru dans le quotidien lyonnais quelques jours plus tard.

"Il est faux de dire que les gens sont sans solution à Lyon"

Enfin Jean-François Carenco n’accepte pas, non plus, qu’on lui reproche de laisser des gens à la rue. "Les Roms à Vénissieux, je n'avais pas signé l'arrêté d'expulsion du terrain les concernant, il y avait des enfants. J'avais prévu de les reloger". Nous avons pourtant interrogé plusieurs mères de famille, le 10 novembre à Vénissieux, notamment Malina, 6 enfants qui nous a indiqué n'avoir aucun moyen de se loger hormis sa caravane mal chauffée. Sa parole contre celle du préfet qui a invité les journalistes également, mercredi dernier, à s'interroger sur les raisons qui ont poussé les Roms à déménager du terrain de Surville (Lyon 7e). "S'ils sont partis, c'est peut être aussi parce que leur comportement n'était pas irréprochable". Jean-François Carenco sous-entend quelques délits commis à proximité du terrain de Surville.

"Ceux que vous appelez 'les sans-solution' au 115 ne dorment pas dehors" précise pour finir le préfet. 450 personnes contactent chaque jour à Lyon la veille sociale depuis début novembre. Il est proposé une solution à moins d'une cinquantaine d’entre eux chaque nuit, des places en foyers ou à l’hôtel. "Nous ne laissons jamais personne dormir dehors, martèle le préfet qui explique que "les gens qui contactent le 115 vivent chez un tiers ou dans un squat. Ils ne dorment pas dehors. Vous ne pouvez donc pas écrire qu'ils sont sans-solution ou bien vous mentez !", s'époumone-t-il devant la presse.

Pourtant, les témoignages recueillis à Lyon auprès des militants de la cause Roms, montrent les difficultés rencontrées par cette population, comme celui de ce Villeurbannais qui s'inquiète de la situation de Derus 11 ans, Murielle 6 ans, Larisa 4 ans et Samuel 3 ans, ainsi que de celle de leurs parents rencontrés la semaine dernière. Après s'être fait expulser d'un squat, ces Roms ne savent pas où dormir nous raconte-t-il. "J'ai pour premier réflexe d'appeler le 115. 'Pas de place'. On propose alors d'envoyer une équipe du Samu social qui leur donnera à manger et des couvertures. Je retourne les voir pour les avertir. Ils ont réintégré leur squat. Je me rends compte que le propriétaire a muré l'accès aux pièces, n'en laissant qu'une seule accessible où trente personnes vont s'entasser pour passer la nuit, tant bien que mal. De même, il a coupé l' électricité".

450 mal-logés actuellement à Lyon

Lyon compte actuellement, selon la préfecture, 450 "mal-logés" qui dorment chaque soir dans un appartement surpeuplé ou dans un squat mal chauffé. La préfecture "connaît et visite chaque semaine les squats du Grand-Lyon", assure le préfet Carenco. Il comptabilise 36 squats actuellement dans l'agglomération. "Des locaux dont les systèmes de chauffage sont défectueux la plupart du temps", admet le préfet Alain Marc, délégué à l'égalité des chances. Au moment des grands froids (moins dix degrés la nuit au sens du plan national d’hébergement d’urgence), la préfecture leur ouvrira les portes des bâtiments publics réquisitionnés : une ancienne maison de retraite à Fontaine-Saint-Martin notamment, et peut-être, "une cinquantaine de places en gymnases si nous ne pouvons pas faire face".

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