Le boulanger Kayser aime Lyon et charme Bocuse

Début juin, la Maison Kayser a racheté L'Epiaison, rue Adolphe Max, dans le Vieux-Lyon, l'une des meilleures boulangeries de la ville. C'est sa troisième boutique à Lyon. Une prochaine est en vue au Confluent. Il rêve aujourd'hui d'un partenariat avec Bocuse...

Eric Kayser est artisan boulanger. Il est aujourd'hui à la tête d'une centaine de magasins dispatchés dans 25 pays. Son groupe, qui emploie 2 500 salariés (dont 400 en France) génère plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires (+ 20% par an en moyenne depuis ses débuts à Paris, en 1996). Entretien.

Lyon Capitale : En 2011, vous avez racheté Le Fournil de l'Opéra, place Louis Pradel, aux Terreaux. Vous avez ensuite ouvert une boulangerie dans le 6e avant de racheter L'Epiaison, rue Adolphe Max, dans le Vieux-Lyon. Pourquoi Lyon ?

Eric Kayser : Lyon est la première étape régionale de la Maison Kayser. Beaucoup de grands chefs sont installés là, les gens apprécient la bonne chère. On travaille d'ailleurs avec La Villa Florentine, on a rencontré des gens de chez Bocuse dernièrement pour envisager des collaborations.

À titre personnel, Lyon, j'y suis attaché, j'aime bien cette ville, son l'architecture, Fourvière, le Vieux-Lyon.

Rachat de boulangeries, transformation de commerces, comment choisissez-vous vos emplacements ?

On fait de différentes façons. Soit on rachète effectivement des boulangeries qui marchent bien, et donc situés à de beaux emplacements, avec du flux, soit on achète des commerces qui possèdent une cheminée et qui, eux aussi, sont bien placés. Ce qui compte, après la qualité, c'est l'emplacement.

Quelles sont les ambitions de la Maison Kayser ?

Transmettre un vrai savoir-faire à la française, former des jeunes. Dernièrement, on a ouvert en Afrique et au Cambodge. On a donné des armes à des jeunes pour qu'ils apprennent un beau métier.

La moitié du monde consomme du blé et l'autre du riz. Aujourd'hui, on est entrain de pousser les gens des pays consommateurs de riz à manger du pain. C'est super pour les jeunes qui veulent apprendre un métier.

Votre maison porte votre nom, votre visage est connu, vous avez un compte tweeter, une page facebook très "liké". On n'avait jamais vu une telle stratégie de communication chez un boulanger...

À Jakarta, en Indonésie, par exemple, les habitants sont des fanas de tweeter et de facebook. On a donc changé notre fusil d'épaule et on a crée une page Kayser et un compte dédié. Ça cartonne ! Désormais, on communique beaucoup via les réseaux sociaux. Dans un monde qui bouge sans cesse, c'est important de suivre ou de devancer le mouvement. Nos clients sont des Chinois qui s'envolent pour Paris pour ensuite aller à New York. Ils cherchent les bonnes adresses, ils peuvent nous suivre. C'est aussi une façon de fidéliser notre clientèle.

On vous surnomme le "Ducasse du fournil", le "Citizen Kane du levain". Vous êtes adulé comme un dieu au Japon. Vous servez l'Élysée, avez été convié à Davos, en 2008, et en Chine, l'année dernière, par nos dirigeants pour représenter le "savoir-faire français". Comment ne prend-on pas la grosse tête ?

Vous savez, on fait un métier tellement dur... Chaque jour que Dieu fait est semé d'embûches et de contraintes. Ce ne sont pas des métiers qui sont faciles. Il faut gérer beaucoup de monde, notamment des personnes qui travaillent la nuit. Ça me permet de garder les pieds sur terre. Et puis je viens d'un milieu modeste et j'essaie de conserver cela.

Vous avez construit un empire qui emploie 2 500 salariés dans une centaine de boutiques dispatchées dans 25 pays. Comment faites-vous pour concilier production industrielle et qualité artisanale ?

L'artisanal, en boulangerie, c'est le pétrissage de la pâte et la cuisson sur place. Dans chacune de nos boulangeries de la planète, nous pétrissons et cuisons nos pains. Donc, oui, c'est compatible. Mais c'est très difficile. Nous formons donc nos boulangers pour qu'il reproduise nos recettes. En septembre, nous ouvrons une boulangerie au Mexique. Les boulangers sont en formation depuis quatre mois déjà.

Quelle est justement la recette du succès de la Maison Kayser ?

Une fermentation longue qui préserve les arômes du pain et lui donne de belles alvéoles et l'utilisation de levain naturel – nous n'utilisons pas de levures. J'ai inventé le "fermentolevain" il y a vingt ans, un appareil qui permet de fabriquer du levain naturel liquide. Ça permet de maîtriser l'acidité du pain, ce qui donne des pains riches en goûts, de meilleure conservation et avec une meilleure valeur nutritionnelle. Dans chacune de nos boulangeries, on produit du pain toute la journée, de 5h du matin à 7h du soir.
On vend près de 2 millions de pains par jour sur la planète.

"On vend près de 2 millions de pains par jour sur la planète"

En 10 ans, la consommation de pain en France a chuté de 13%. En 2003, on mangeait 150 grammes de pain/jour contre 130 aujourd'hui. C'est 2 fois moins qu'en 1950. Comment l'expliquez-vous ?

Les gens consomment différemment, c'est tout. Au Japon, par exemple, on mange peu de baguettes mais 1 à 2 pains d e80 grammes chaque jour. Les gens ont juste diversifier leur alimentation. Mais si vous regardez le nombre de sandwichs mangés chaque année en France, on doit s'y retrouver...Le pain, c'est plein de sucres lents, donc c'est très bon à la santé. On pourrait quasiment survivre en ne mangeant que du pain.

N'est-ce pas aussi un peu à cause du prix. En 10 ans, le prix de la baguette a augmenté de 24% (71 centimes en moyenne en 2003 contre 88 centimes en 2013) ?

Chez nous, on passe au moins 1 minute par baguette et par personne. C'est 50 à 60 euros de l'heure pour la production. Il faut payer les matières premières, de l'ordre de 25% du coût global, amortir les machines, payer l'emplacement, les salariés... Si un boulanger ne faisait que de la baguette, il mettrait la clé sous la porte. Il faut donc se diversifier.

Quels sont vos autres projets à Lyon ?

Fin 2014, ou début 2015, on ouvrira à Confluence. Ce sera une boulangerie qui fera café et petite restauration.

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