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Retombées économiques : UTMB, le n°1 des trails

Alors que les courses de l'UTMB débutent ce lundi et s'achèveront dimanche prochain, Lyon Capitale s'est intéressé à tout le business que le trail génère. Ascensionnel.

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@UTMB - Pascal Tournaire

C’est devenu le premier événement sportivo-commercial de la vallée. “Le plus gros trail du monde du point de vue événementiel”, renchérit Catherine Poletti, créatrice et directrice de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, une course extravagante de 170 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé positif entre la France, l’Italie et la Suisse, qui gravite autour du toit de l’Europe. Le départ de la prochaine édition sera donné fin août, devant la petite église baroque de Chamonix. 2 300 coureurs, lampe frontale vissée sur la tête, bâtons de montagne et sac à dos rembourré, s’élanceront pour 20 à 40 heures de course.

Extraterrestres ? Possible. En attendant, tout le pays du mont Blanc se frotte les mains : les retombées économiques de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc ont été estimées à plus de 13,6 millions d’euros. “L’UTMB, c’est l’étape du Tour de France en mieux, explique Henri Payot-Pertin, directeur des Super U et des Refuges Payot de Chamonix. À titre d’exemple, je suis partenaire historique à hauteur de 40 000 euros et je récupère un million d’euros de chiffre d’affaires additionnel. Je vais vous dire : à l’origine, quand les Poletti sont venus me voir, je leur ai donné une camionnette de bouffe pour les ravitos des coureurs. Aujourd’hui, c’est-à-dire douze ans plus tard, je leur livre un semi-remorque. L’UTMB, c’est énorme ! Ça sauve les derniers quinze jours d’août en terme de tourisme.” La manne financière est telle que tout le monde veut sa part du gâteau.

Le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex, a d’ailleurs demandé aux organisateurs de faire passer les coureurs dans le centre de son village. Résultat, “d’un point de vue commercial, c’est l’une des deux meilleures journées de l’année”. “L’UTMB est aujourd’hui vraiment inscrit dans l’activité économique de Chamonix”, confirme Xavier Roseren, vice-président de la communauté de communes de la vallée de Chamonix en charge du tourisme. Mieux, grâce à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, Chamonix est la seule station de montagne qui affiche complet la dernière semaine d’août.

Du porte-parapluies aux bâtons 
de montagne

UTMB Ultra trail
©UTMB / Pascal Tournaire

Il n’y a pas que Chamonix. D’une manière générale, beaucoup de stations de montagne profitent de l’explosion des trails (+1600 % depuis 2003) pour dynamiser leur territoire et diversifier leur activité. L’analyse du sociologue Olivier Bessy sur l’UTMB pourrait très bien s’appliquer aux autres ultratrails alpins français : des “événement(s) très structurant(s) pour l’économie locale car il(s) crée(nt) un nouveau marché, qui vient compléter le marché de la randonnée en plein essor et contrebalancer la stagnation des pratiques d’alpinisme et de ski”.

Exemple très concret et très poussé à Saint-Pierre-de-Chartreuse, à moins de deux heures de Lyon. Il y a quatre ans, l’équipementier sportif isérois RaidLight, l’un des pionniers sur le trail-running, a créé la première “station de trail” (nom déposé) de France. Le concept : des parcours balisés en montagne et une base d’accueil (avec douches, vestiaires et tests de produits). Chaque année, entre 10 000 et 14 000 trailers viennent à Saint-Pierre-de-Chartreuse. “Avant, on mettait un porte-parapluies à l’entrée du musée de la grande chartreuse, désormais on met un seau pour les bâtons des trailers”, sourit Emmanuel Heyrman, responsable du service tourisme au parc naturel régional de Chartreuse. Et de constater qu’“il y a un petit écosystème qui se met en place autour du trail en Chartreuse. On travaille d’ailleurs aujourd’hui pour organiser des séjours typés trail, l’idée étant de faire un “package trail”. Les trailers viennent souvent en famille. Pendant que l’un court, les autres visitent et consomment sur place. En terme de notoriété, un an après l’ouverture de la station de trail, on était à plus de 150 pages de citations par an. C’est inespéré.”

Le trail, outil de développement territorial

Même son de cloche à Grenoble, d’où est parti le 20 août l’Utra Tour des 4 Massifs (Vercors, Taillefer, Belledonne et Chartreuse), une course de 160 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé positif. “Il y a un vrai enjeu territorial via le trail, reconnaît Elise Bureau, de l’office de tourisme de Grenoble. La métropole s’est investie du projet et finance l’UT4M à hauteur de 50 000 euros (soit 10 % du budget). Les élus ont pris conscience de l’intérêt d’un tel événement pour le rayonnement du territoire. C’est un vecteur d’image qui, au fil du temps, prendra de plus en plus d’importance.”

Autre exemple à La Plagne, dans le massif de la Vanoise. “Quand on a créé la 6000D, en 1990, il y avait une volonté très claire des élus de dynamiser le territoire, de faire de l’été un facteur d’attractivité économique, explique Jean-Marc Ganzer, responsable de l’organisation de la course, qui s'est déroulée cette année du 23 au 25 juillet.

TDS @UTMB

C’est le seul événement de l’année qui parvient à nous faire remplir tous les lits en plaine, explique Xavier Feuillant, directeur de l’office de tourisme de La Plagne. Chaque coureur est accompagné, en moyenne, de trois à quatre personnes. Au total, on a entre 10 000 et 12 000 personnes qui viennent passer quatre jours. Ça nous permet de faire le plein sur d’autres activités, comme la randonnée, le VTT, le poney, le tir à l’arc, le kayak, la piscine, etc.” L’EDF Cenis Tour en Vanoise, c’est 200 000 à 450 000 euros de retombées.

Je pense sincèrement que le trail est l’activité qui pourra faire remonter le tourisme d’été dans les stations d’altitude”, confie Laurent Vinner, organisateur de l’Ice Trail Tarentaise, l’une des références françaises (départ le 12 juillet, dans le centre de Val-d’Isère). Aujourd’hui, quel territoire n’a pas son trail ? La mairie de Saint-Gervais est même allée plus loin, en signant un contrat de partenariat sportif avec l’ultratrailer annecien Sébastien Chaigneau.

Lyon, pionnier du trail urbain

Lyon urban trail ()

En ville, ce fut comme une apparition. Il fallait les voir, ces 1 900 coureurs avec poche à eau dans le dos et chaussettes de contention prendre le départ du premier trail urbain de France (que les puristes jugent antinomique, un trail se courant par définition sur des sentiers).

Sept ans plus tard, en avril dernier, ils étaient 8 000. Un carton plein pour ce format bitume de 32 kilomètres, une vingtaine de côtes, 1 500 mètres de dénivelé et 6 000 marches d’escaliers. “L’idée, c’était de faire découvrir la ville à travers des endroits où on n’était jamais allé”, explique Romain Houzé, responsable du pôle running d’Extra Sports, l’agence lyonnaise prestataire du Lyon Urban Trail.

La Ville de Lyon a joué le jeu, en subventionnant Extra Sports à hauteur de 11 000 euros pour la logistique (barrières de sécurité, signalétique, tentes de ravitaillement) et l’association Lyon Ultra Run, qui organise la course, pour 25 000 euros. “Ce sont des événements porteurs pour Lyon, admet l’adjoint aux sports Yann Cucherat, double champion d’Europe de gymnastique artistique. Ils doivent donner envie de revenir à Lyon. Ces trails sont un investissement sur le plus long terme pour faire rayonner Lyon sur le plan sportif, ce sont des outils de promotion touristique évidents.”

Les équipementiers se frottent les mains

Lyon a même été choisi par Salomon, numéro un du trail en France (35 % de part de marché) pour le clip de sa nouvelle chaussure spécial ville, l’X-Scream 3D, un best-seller de la marque annecienne (sous pavillon finlandais depuis 2005). Car, si le trail-running reste “une priorité de la marque”, explique sans détour Yannick Andrieu, responsable marketing de Salomon, celle-ci se positionne aujourd’hui clairement sur le citytrail. L’idée : amener la montagne en ville, en faisant découvrir les centres par la course à pied dans de petites rues.

trail ()

©OT Chamonix

Avec une croissance annuelle de 20 % (17 % pour le running), le trail s’impose comme l’un des secteurs les plus dynamiques du marché dit outdoor. “Le trail a explosé, en pratique et en marché. C’est devenu un sport à part entière, avec ses codes, sa communauté, avance Virgile Caillet, délégué général de la Fédération française des industries sport et loisirs. Les coureurs ne vous diront pas qu’ils font du running, du jogging ou du footing. Ils précisent qu’ils sont trailers. Le trail, aujourd’hui, c’est entre 800 000 et un million de personnes, c’est un millier d’événements par an. À terme, on prévoit que le marché du trail pèsera relativement en valeur, et peut-être en volume, dans l’industrie du sport.” Pour l’heure, selon une étude de la chambre des métiers et de l’artisanat Rhône-Alpes, le marché du trail représente 13 % de l’ensemble des ventes de chaussures de sport (125 millions d’euros), 14 % des ventes de textile de course à pied et 43 % des sacs et accessoires.

Vecteur d’image

Les équipementiers ont aujourd’hui leur team. Salomon s’est offert les services de François d’Haene, le viticulteur beaujolais champion du monde en titre de l’Ultra-Trail World Tour, de l’Espagnol Kilian Jornet, “l’ultraterrestre” qui a quasiment tout remporté et s’attaque désormais à l’Everest, de la Suédoise Emelie Forsberg, petite amie du dernier et n°1 féminine du trail mondial, ou encore de la Néo-Zélandaise Anna Frost, l’une des meilleures traileuses du moment. Les Lyonnais de Terre de Running, partenaires de vingt-deux trails dans le Rhône, ont également une équipe de douze trailers, dont deux de niveau international.

Selon la première enquête socioéconomique menée par le groupe haut-savoyard Think Tank Trail, les trailers, dont la moitié sont CSP+ (avec des revenus annuels supérieurs à 30 000 euros), dépensent en moyenne plus de 1 000 euros par an pour leur équipement et leurs frais d’inscription.

Avec, en toile de fond, le rêve de faire venir le maximum de coureurs de bitume (8,5 millions) au trail.

Le chiffre
532 trails sont organisés chaque année en Rhône-Alpes, sur 2 500 en France (+1600 % depuis 2003).
• Avec 6 500 inscrits, la SaintéLyon (72 km entre Saint-Étienne et Lyon) est le plus gros trail de France en nombre de participants.
• Créé en 1995, le Grand Trail des Templiers (73 km et 3400D+ dans les Causses) est le plus vieil ultra de France.
Discipline médiatique
Le trail, ce sont 2 bimestriels (dont un édité à Lyon, Trails Endurance Mag), 1 mensuel et 1 émission télé produite à Lyon (Trail Référence sur Montagne TV)
39 000 exemplaires vendus
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