@Fred Moix

Escalade : "Aux Jeux olympiques, la France n'a aucune chance"

Romain Desgranges est certainement l'un des grimpeurs les plus expérimentés du circuit mondial. Double champion d'Europe 2013 et 2017, vainqueur du classement mondial en 2017, médaillé de bronze en 2018, il est le parrain du salon de l'escalade de Lyon.

@Fred Moix/Beal

Stéphanois, votre rêve était de jouer dans un club de foot. Votre père a choisi l'escalade. Qu'est-ce qui vous a plu ?

La question est difficile. C'est un sport dans lequel je me sentais bien, où j'arrivais à m'exprimer et à performer. Quand tu es jeune, ça t'aide à insister.

Quelles sont les principales qualités requises pour grimper ?

L'escalade est un sport complet qui demande de l'équilibre, de la force, de la technique et de la tactique.

Que conseilleriez-vous aux plus jeunes qui ont envie de se lancer ?

Il faut qu'ils essaient. C'est rigolo. Ça change de taper dans un ballon. C'est un sport qui commence à prendre en France, avec l'ouverture de nombreuses salles. C'est un sport ludique : il y en a un qui grimpe, l'autre qui encourage. Ça reste un sport tribu.

Comment expliquez-vous cet engouement pour l'escalade ?

C'est un sport qui se développe. Il y a désormais sur le marché des marques d'escalade plus grosses qui ont pu offrir des prestations pour les débutants et pas seulement aux gens expérimentés. Sans compter l'explosion de salles de blocs, où on grimpe sans assurance sur des murs de 3 mètres et où on retombe sur un gros matelas.

C’est une première européenne d'avoir un salon dédié à 100% sur l'escalade. Comment n'y a-t-il jamais rien eu, alors qu'on compte 200 000 licenciés ( Fédération française des clubs alpins de montagne  et Fédération française de la montagne et de l’escalade rassemblées) ?

Ça reste toujours un sport nouveau, qui se développe tout juste. Avant, l'escalade avait besoin de montagne, de ski, de raquettes pour exister. C'était compris dans un package. Aujourd'hui, le sport peut exister par soi-même.

Vous êtes le parrain de ce salon. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ?

Les organisateurs sont venus me voir pour me demander si j'étais intéressé. Ils avaient tellement ce projet à cœur que je n'ai pas pu refuser. Le parrain a un rôle à jouer : tant qu'on parle d'escalade, je suis content. Si je peux aider à faire connaître et reconnaître l'escalade, alors ça me va.

L'offre d'équipements en France correspond-elle aujourd'hui aux besoins de compétition et de loisirs ?

Aux besoins de loisirs oui car il y a de plus en plus de salles modernes qui se développent. Les gens vont faire de l'escalade comme ils vont faire du fitness ou de la musculation. Sur l’aspect compétition, toutes les salles sont dédiées au grand public et à la découverte mais pas forcément au haut niveau.

L'escalade fait sa grande entrée aux JO de Tokyo 2020. Est-ce que ça risque de changer la nature de l'escalade, d'augurer la transformation des pratiques de loisirs et de compétition ?

Sur les loisirs, ça n’influencera pas trop. Indéniablement, avec la médiatisation, il y aura plus d'argent. Mais sur la compétition, ça a déjà un peu évolué. Cette année, ils ont créé une forme de compétition particulière avec trois disciplines en une seule épreuve. Du coup, les grimpeurs qui prétendent à aller aux JO se sont mis aux deux autres disciplines.

Le format d'épreuves d'escalade aux JO a fait l'objet d'âpres négociations. Pour une partie des grimpeurs, ce combiné bloc/difficulté/vitesse est un cadeau empoisonné. Quelle est votre position ?

En tant que simple grimpeur, la décision a été un peu difficile à avaler car on aurait voulu briller aux JO. Être au plus haut niveau mondial dans un sport, c'est déjà compliqué alors trois, je vous laisse imaginer. Mais ça a été un choix politique en fait pour que l'escalade puisse exister aux JO. Pour 2020, ils n'avaient le droit qu'à une seule médaille donc ils ont voulu montrer les trois sports. C’est un format un peu bâtard mais ça a permis d'intégrer les JO. C'était la condition sine qua non. Le CIO a dit : vous avez le droit à 20 athlètes hommes et femmes et 1 seule médaille. En 2024, ce sera une médaille pour le combiné bloc/ difficulté et une médaille pour la vitesse. En 2028, à Los Angeles, il y aura certainement trois médailles pour les trois disciplines.

Quel bilan faites-vous de votre saison ?

Catastrophique. Je sors de 5/6 saisons où je fais des podiums au classement général mondial, je gagne des finales et là c’est la dégringolade. J'ai cumulé les blessures. Ça a été une saison noire. Il faut maintenant que je tourne la page.

Quelles sont vos chances pour les JO ?

J'ai des chances en difficulté. Mais là, avec les trois disciplines combinées... C’est comme si on vous demandait d'être au top mondial au marathon, au 400 mètres haies et au 100 mètres. Chaque athlète peut être fort dans une discipline mais pas forcément sur les trois.

Du coup, votre entraînement a été bouleversé...

Forcément. Au début de la saison, il faut arriver au niveau mondial dans des disciplines qu'on ne connaît pas forcément. J'(ai essayé d'apprendre le plus vite possible. Du coup, ça n'a pas marché cette année. Il reste 8 mois. La question aujourd'hui est de se qualifier. La première vague de qualifications pour les Jo a eu lieu cet été aux championnats du monde à Tokyo ; La deuxième vague se tiendra début décembre à Toulouse. Il y aura aussi les championnats continentaux en avril.

En tant que leader de l'équipe de France, comment analysez-vous la saison française d'un point de vue global ?

La saison a été plutôt compliquée même s'il y a eu de belles prestations et de bons résultats, comme pour Manu Cornu qui a remporté l'or en Chine en coupe du monde bloc. Mais l'équipe de France est clairement en-dessous des forces étrangères.

Quelles sont les chances de l'équipe de France aux JO de Tokyo ?

Actuellement, aucune. Au niveau mondial, on a aucune chance. Il y a quatre places par pays : deux pour les garçons et deux pour les filles. Si on arrive à remplir nos quotas, ce sera déjà un exploit. Le Japon est n°1, largement au-dessus du lot. Eux ont des soucis de riches car sur sur deux places par catégories, ils ont déjà au moins quatre grimpeurs potentiels. Les Autrichiens et les Slovènes sont aussi très forts. Mais sur cette saison, la France n'a pas le niveau. Après, il reste un an, tout est possible.

Pour ne citer que lui, le Thèque Adma Ondra a réalisé il y a deux ans le premier 9C de l’histoire et s'est fait une spécialité des ascension flash (désigne le fait de réussir une ascension à la première tentative après avoir eu des informations sur cette voie). Que pensez-vous de la nouvelle génération de grimpeurs ? Repoussera-t-elle les limites de la difficulté ?

Forcément. L'escalade-performance est récente mais ce sport grandit. Les jeunes bénéficieront de structures performantes et de pôle entrainement. Le niveau global va monter, les extrêmes aussi. Le 9C, il n'y a qu'Adam Ondra qui a réussi à ce jour.Et il n' même pas 30 ans ! Il n'a pas encore dit son dernier mot. Depuis un an et demi, il est dans son projet olympique, il peut prétendre à une médaille. Quand il reviendra en voie naturelle, ça risque d'être quelque chose.


Que faut-il pour grimper le premier 9c du monde ? Réponse en vidéo avec le Tchèque de 26 ans Adam Ondra . Dingue !

 

 

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