Affaire Chapron - violences : les arbitres du Rhône réagissent

Sous les feux des projecteurs depuis son geste malheureux lors du match Nantes-PSG, l’arbitre Tony Chapron fait l’objet d’une vague de critiques d’une virulence rare. Les arbitres rhodaniens, qui n’expliquent pas son geste, souhaitent cependant rappeler la difficulté de leur métier et lever le voile sur les violences que les hommes en noir subissent au quotidien.

"C'est un geste malheureux, une réaction humaine. Malheureusement, il met à mal tout l'arbitrage français", déplore un arbitre du Rhône qui a souhaité rester anonyme. Si tous condamnent l'attitude de Tony Chapron, les arbitres du département insistent sur la forte pression qu'ils subissent au quotidien, laquelle, selon eux, peut parfois faire perdre les pédales.

Sur la pelouse, peu de coups, mais des insultes incessantes

Aujourd'hui, la violence physique envers les arbitres est relativement rare. Dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’Union nationale des arbitres de football (Unaf) en a compté six entre 2015 et 2016, mais insiste sur le fait que "bon nombre d'autres agressions sont commises toutes les saisons sans pour autant que notre commission juridique ait en charge le dossier". En France, 4 841 agressions ont eu lieu durant la saison 2016-2017 dont 379 agressions physiques. "Il y a vingt ans, il y avait beaucoup plus de violence. Aujourd'hui, les sanctions sur les joueurs sont très sévères en cas de coups, c'est pour cela que les violences sont rares." En effet, le joueur qui lève la main sur un arbitre peut en général tirer un trait sur sa saison, voire sur sa carrière. Déjà, la loi Lamour protège les juges sportifs depuis 2006, en les considérant comme chargés de mission de service public. De plus, certains districts, comme celui du Rhône, ont mis en place des sanctions collectives à l'encontre des joueurs violents. Un coup peut vite éliminer une équipe tout entière d'un championnat. Plus insidieuses et moins repérables, les violences verbales seraient quant à elles monnaie courante dans le milieu. "Des insultes ? Il y en a tous les dimanches", répond comme une évidence un arbitre de la région, avant d'ajouter : "C'est devenu presque normal. On dirait que ça ne choque plus personne." Une version confirmée par un second arbitre qui officie dans le département : "Plus le niveau est bas, plus c'est dur d'arbitrer. On est insultés et pris à partie régulièrement. Dans les gros stades, ils ont des clôtures, des protections… Nous, à plus petite échelle, on n’a rien du tout." Insulter l'arbitre serait donc devenu routinier. Une triste habitude qui fait partie intégrante du sport préféré des Français, et qui peut parfois déclencher des réactions vives, mais néanmoins humaines, de la part de ces hommes aux cartons de couleur.

“Quand on arbitre un match, clairement, on n’emmène pas sa famille”

Cet acharnement verbal, les principaux concernés l'expliquent chacun à leur manière. Certains dénoncent la facilité d'attaquer l'arbitre lorsqu'un résultat ou une décision surprend, tandis que d'autres y voient un problème de société. "Le foot génère une ferveur et une pression folle. Les parents mettent la pression à leurs enfants qui jouent au foot. Les joueurs, le public, les patrons de clubs mettent la pression sur les arbitres" explique un professionnel. Il est vrai qu'à haut niveau surtout, on peut comprendre la pression que subissent ces juges du ballon rond. Le poids de l'enjeu financier, par exemple, lorsque l'on connaît les sommes investies dans les équipes de football, mais aussi le poids de la compétition. "Ils doivent être dans une précision chirurgicale, et faire preuve d'une sérénité absolue", insiste l'un d'entre eux. Une compétition qui, en plus de se jouer entre les cages du terrain, a lieu au sein de l'institution d'arbitrage elle-même. Les arbitres professionnels sont en effet notés à la fin de chaque match, et classés selon des règles strictes. "Monter au classement, ça veut dire plus de visibilité, mais aussi plus d'argent", précise un arbitre.

Des micros contre le fatalisme ?

Pour certains, il faudrait équiper les arbitres de micros. Des petits appareils qui rendraient vérifiables et punissables les insultes qui fusent sur la pelouse. Sur ce sujet, le corps arbitral est partagé. "Moi, j'y suis favorable. Mais bon, quand on voit que même avec la vidéo parfois on n'arrive pas à se mettre d'accord…", soupire l’un d’eux. Pour d’autres, la ferveur qui entoure le foot doit rester intacte, quitte à parfois passer par quelques débordements verbaux. Globalement, un certain fatalisme plane sur le corps arbitral. Les pressions subies à la fois par les joueurs, le public et les patrons de clubs sont bien souvent considérées comme faisant "partie du jeu". Tous se disent passionnés par leur métier malgré ces violences. "Le foot, c'est populaire. C'est un défouloir, il faut que les gens puissent se lâcher, c'est ça aussi le sport", conclut l’un d’eux. Pourtant, si certains s'accrochent à leurs crampons et bravent les avanies coûte que coûte, d'autres ont du mal avec cette facette du métier. "Moi, le jour où je me fais vraiment bousculer, je range les sifflets", prévient un arbitre de la région. Ce poids sur le moral des arbitres a des conséquences lourdes sur la profession, l'un d'entre eux confie que, malgré la relative facilité à embaucher des nouveaux arbitres, "il est très dur de pérenniser quelqu'un dans le métier". "Beaucoup s'arrêtent pour ces raisons. Plus de la moitié des collègues de ma promotion ont déjà rendu le maillot", se navre-t-il.

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