Vincent Peillon Villeurbanne
Vincent Peillon à Villeurbanne

Rythmes scolaires: le Conseil d’État en dernier recours

Alors que la plupart des académies ont reçu les projets éducatifs pour les nouveaux rythmes scolaires à la rentrée 2014, deux maires saisissent le Conseil d’État, en dernier recours, en vue d’obtenir l’annulation du décret qui porte la réforme du ministre Vincent Peillon.

“Le décret d’application sur la réforme des rythmes scolaires viole le principe de libre administration des collectivités territoriales”, annonce Christian Schoettl, le maire de Janvry. L’élu de ce village de l’Essonne de 600 habitants brandit sa dernière arme : un recours devant le Conseil d’État en abrogation du décret du 24 janvier 2013. Déjà, en octobre, Christian Schoettl s’était fait remarquer en faisant voter, le premier, une délibération contre l’application des nouveaux rythmes à la rentrée 2014. Depuis, affirme-t-il, “près de 2 500 communes ont suivi l’exemple”. Et l’édile est sûr que le décret a du plomb dans l’aile : “Suite à ma délibération, la préfecture de l’Essonne a voulu m’attaquer devant le tribunal administratif. Mais elle a fini par faire marche arrière, car il y avait neuf chances sur dix que les juges déclarent ce décret illégal. C’est un aveu de faiblesse !” Et une brèche dans laquelle le maire s’engouffre. Il n’est pas tout seul. “Je dépose moi aussi un référé en suspension”, déclare à son tour Pierre Morel-A-L’Huissier, maire de Fournels et député de Lozère.

Rupture d’égalité

Au cœur de ces deux recours, le même angle d’attaque : l’atteinte à l’article 72-2 de la Constitution, qui pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales. “Toute décision de l’État sur une collectivité doit être compensée à l’euro près, explique Christian Schoettl. Ce texte ne donne pas aux communes les moyens nécessaires pour assurer normalement les nouvelles missions qu’il leur confie.”

Si l’État a bien prévu un fonds d’aide aux communes de 250 millions d’euros jusqu’en 2015, il ne s’est pas engagé sur la pérennité de ce financement. Or, l’Association des maires de France (AMF) a estimé dans une étude récente à 900 millions d’euros par an le coût que représente la réforme pour les communes. Un transfert de charges non compensé qui fait mouche dans l’argumentaire des deux maires. Car l’article de la Constitution consacre la compensation financière. Il précise en effet que “tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice”.

Argument fragile

Selon David Mongoin, professeur de droit public à l’université Lyon 3, l’argument du transfert de compétence est fragile. “Est-on vraiment devant un transfert de compétence au sens de l’article 72-2 de la Constitution ? s’interroge-t-il. Avant la réforme, le périscolaire n’était en effet pas pris en charge par l’État. Par ailleurs, quand bien même s’agirait-il d’un transfert de compétence, l’État n’a d’autre obligation constitutionnelle que celle de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui qu’il consacrait à l’exercice des compétences avant leur transfert, ce qui n’implique pas nécessairement de compenser l’intégralité des nouvelles charges pesant désormais effectivement sur les collectivités territoriales.”

Autre argument soulevé par Pierre Morel-A-L’Huissier, qui a en parallèle déposé un recours indemnitaire : “La rupture d’égalité devant les charges publiques. Elle est financière, mais aussi organisationnelle, peste-t-il. Que va-t-on faire des enfants à partir de 15h30 ou 15h45 puisque nous sommes dans un temps périscolaire facultatif ?” Selon lui, toutes les communes n’ont pas les mêmes moyens financiers, ni la même capacité à recruter des animateurs. “Encore faut-il que le maire démontre un préjudice grave et spécial, répond David Mongoin. Or, la grande majorité des communes sont concernées”

Inégalités périscolaires

Face à ces maires “désobéissants”, Vincent Peillon tient, lui aussi, le cap. Fin janvier, à l’occasion de l’examen à l’Assemblée nationale d’une autre proposition de loi, émanant de l’UMP, en faveur du libre choix des maires pour l’application de la réforme, le ministre de l’Éducation déclarait : “Le temps scolaire relève de l’État, le temps périscolaire relève de la libre administration des communes.” Avant de mettre en garde : “Les inégalités périscolaires existent déjà, et les écarts sont de un à dix ! Les nouveaux rythmes, ce n’est pas un problème d’argent. Certaines communes parmi les plus pauvres de France, comme Mende, appliquent la réforme depuis septembre 2013.”

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