Patrice Verchère © Tim Douet

Verchère (LR) : "Le zéro artificialisation nette, c'est une loi ruralicide"

Patrice Verchère, maire de Cours et vice-président du conseil départemental du Rhône, est l'invité de 6 minutes chrono.

Réunis lors de leurs congrès, les maires de France ont exprimé leur mal-être : hausse des agressions et multiplication des démissions. Patrice Verchère, maire d'une commune rurale du Rhône et président de l'intercommunalité de l'Ouest rhodanien : "j'ai beaucoup de maires, notamment sur mon interco, qui subissent régulièrement des attaques parfois infondées, qui ne sont pas de leur fait, où les gens n'acceptent plus non plus certaines décisions".

Il s'alarme aussi sur les complexités qui se multiplient pour les élus locaux et cible notamment une mesure portée par le gouvernement et décriée par Laurent Wauquiez : le zéro artificialisation nette. "En fait, ce que demande Laurent Wauquiez, ce n'est pas de ne pas appliquer la loi, c'est de l'adapter aux réalités du monde rural. Quand il a parlé d'une loi ruralicide, c'est une loi ruralicide. On le voit très bien aujourd'hui. Au même moment où ça se construit beaucoup moins sur Lyon, on a des demandes sur nos territoires, alors qu'on a diminué de population pendant des décennies. Aujourd'hui, on nous dit que vous ne pouvez plus construire", regrette-t-il.

La retranscription intégrale de l'entretien avec Patrice Verchère

Bonjour à tous et bienvenue. Vous regardez 6 minutes chrono le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et nous accueillons ce matin Patrice Verchère. Alors vous êtes maire de Cours, vous êtes aussi président de la Cor, la communauté de communes de l'Ouest-Rodanien, vous êtes aussi vice-président du conseil départemental. On vous a invités pour revenir sur le congrès des maires, les difficultés rencontrées par les maires, notamment les maires ruraux. Mais avant, Gérard Collomb a disparu ce samedi, il a été enterré ce mercredi. Qu'est-ce que vous retenez de ce personnage avec qui vous avez pu parfois croiser le fer, puisque vous n'étiez pas du tout dans le même camp, vous êtes LR ?


Tout à fait. Bon, je n'ai pas eu à croiser beaucoup le fer parce que je ne suis pas sur Lyon et sur la métropole de Lyon, bien que j'ai été député jusqu'à Écully, donc sur ma circonscription qui était très particulière. Néanmoins, j'ai rencontré plusieurs fois Gérard Collomb, un homme très agréable dans la discussion, en tout cas pas du tout obtus. Bien au contraire, moi ce que je retiens de lui quand on voit l'évolution de Lyon, c'est que ça a été l'un des maires comme d'autres, mais peut-être le dernier par contre, comme on y reviendra avec la zéro artificialisation nette, avec tout ce qui se passe à l'heure actuelle sur Lyon. Je crois à l'un des derniers grand-mères bâtisseurs à Lyon, on le voit avec Confluence, on le voit avec la part Dieu qui est réhabilité. Je suis pas sûr que dans les décennies à venir, avec les décisions qui sont prises, que l'on voit un tel changement du paysage de Lyon et de la métropole dans les années à venir. Donc il restera un maire qui aura marqué de son empreinte la ville de Lyon et la métropole de Lyon, ne serait-ce qu'avec la création de cette métropole qui aujourd'hui regroupe l'intercommunalité et le département au sein de ce territoire.


Pour revenir donc sur le congrès des maires de France où vous étiez la semaine dernière, on a beaucoup entendu parler du malaise, notamment des maires ruraux. Alors il y avait deux enjeux, les maires qui sont désormais victimes souvent d'incivilité, menacés régulièrement et puis aussi ce spline des élus ruraux. Vous, vous êtes élu d'une petite commune, vous avez aussi d'autres casquettes, mais c'est si dur que ça en ce moment d'être un maire dans un territoire rural ?


Alors moi je reviens maire depuis 2020, je suis redevenu maire, j'avais abandonné ce mandat en raison du cumul des mandats de parlementaires et je reviens avec une approche qui me laisse penser que les choses ont mal évolué pour les communes, dans le sens où aujourd'hui certes il y a plus de violence, notamment de nos administrés qui sont de plus en plus exigeants.


Vous la sentez vous au quotidien ?

Moi je la ressens un peu moins, parce que peut-être j'ai une certaine stature qui fait que c'est peut-être un peu différent pour moi, mais j'ai beaucoup de maires, notamment sur mon interco, qui subissent régulièrement des attaques parfois infondées, qui ne sont pas de leur fait, où les gens n'acceptent plus non plus certaines décisions, et c'est malheureusement le cas, il n'y a pas si longtemps sur Grandris, où il y a eu justement une maire, le bâtiment de la mairie qui a été tagué, où il y avait un certain nombre d'excréments qui avaient été sur la mairie, pour des choses qui peuvent paraître anodines il y a encore quelques années. La réaction de nos administrés sont parfois viriles. Heureusement, ça reste une minorité, mais je pense que c'est le lot de tout à chacun. Les professeurs sont dans la même situation, l'administration de la même situation, les journalistes sur le terrain sont dans la même situation.

La société est clivée, ce n'est pas qu'un phénomène urbain. Nous, on voit souvent aussi les choses par un prisme urbain, forcément, mais vous le constatez, cette hystérisation de la société, elle est aussi en milieu rural ?

Oui, elle augmente aussi en milieu rural. Pourtant, en milieu rural, le maire, il connaît encore davantage tous ses administrés par rapport à la ville, où c'est plus difficile de connaître les uns et les autres, mais on voit poindre depuis quelques années ses difficultés et ses attaques qui restent malheureusement pas toujours au niveau de l'oral, mais parfois physiques.

Un des points qui a été soulevé aussi, une des difficultés soulevées par les maires, c'est cette fameuse loi zéro artificialisation nette. Alors ici, dans la région, on en a beaucoup entendu parler, puisque Laurent Wauquiez a décidé de ne pas l'appliquer, même si techniquement il n'en a pas tout à fait les compétences, ça ne rentre pas dans son champ d'application. En quoi, pour un maire comme vous, ou un président d'intercommunalité comme vous, cette loi zéro artificialisation nette, donc ça veut dire qu'à partir de 2035, on commence à de moins en moins artificialiser des sols bétonnés, et puis en 2050, on interdit. Pourquoi c'est si compliqué ?


Ce n'est pas tout à fait ça, c'est que dans cette loi issue de la loi climat et résilience, certains ont décidé de dire qu'il faut moins artificialiser. On peut tous être d'accord là-dessus, sauf qu'une fois de plus, ça s'est décidé au niveau de Paris, avec une vision parisienne de notre pays, et on se rend compte que son applicabilité sur le terrain, et notamment dans le milieu rural, est particulièrement difficile.

Mais typiquement dans votre commune, ça changera quoi ?

Je vais vous parler typiquement sur ma commune, mais sur l'ensemble de ma communauté d'agglomération, ce sera plus simple pour donner quelques exemples. Normalement, la référence, c'est, on prend tout ce qui a été construit entre 2010 et fin 2020, c'est-à-dire 1er janvier 2010 au 31 décembre 2020, et vous avez, du 1er janvier 2021 à 2035, vous avez droit à 50% de ce que vous avez consommé. Ça veut dire que si vous êtes une commune, pour une raison diverse et variée, vous avez peu consommé de terrain, vous avez droit à 50% de peu de choses. Si vous êtes dans une commune, dans le secteur de Lyon, on voit certaines communes, parce qu'il y a de l'attractivité, ne serait-ce du, par exemple, à l'aéroport, où ça s'est beaucoup construit, ils ont 50% de beaucoup, donc ils vont continuer encore à construire. Je vous prends l'exemple, moi, j'ai une commune qui s'appelle Joux, qui voit passer l'autoroute A 89, donc entre 2010 et 2020, il y a eu beaucoup d'artificialisation. Donc, il y a eu 12 hectares d'artificialisé sur sa commune. Ils ont droit à 6 hectares. Elle n'a pas besoin de 6 hectares. Alors, on va essayer de répartir ça sur l'interco. Mais vous voyez l'aberration de cette loi. Et vous vous retrouvez aujourd'hui avec des communes qui sont en train de refaire le plan local d'urbanisme. Et quand on parlait de violence vis-à-vis des élus, quand certaines personnes vont se rendre compte que leur terrain n'est plus constructible, alors que quand ils l'ont hérité, ils l'ont revalorisé à un tarif de la constructibilité, là, il risque d'avoir de la violence supplémentaire. En fait, ce que demande Laurent Wauquiez, ce n'est pas de ne pas appliquer la loi, c'est de l'adapter aux réalités du monde rural. Quand il a parlé d'une loi ruralicide, c'est une loi ruralicide. On le voit très bien aujourd'hui. Au même moment où ça se construit beaucoup moins sur Lyon, on a des demandes sur nos territoires, alors qu'on a diminué de population pendant des décennies. Aujourd'hui, on nous dit que vous ne pouvez plus construire. Alors, bien sûr qu'il ne faut pas faire n'importe quoi, mais nous donner un peu plus d'aisance pour obtenir un peu plus de ce que nous donne la loi. Et encore, heureusement, le Sénat l'a fait évoluer puisqu'elle donne à toutes les petites communes au moins un hectare. Mais il faut savoir quand même qu'une commune qui a un hectare, certaines ne se sont encore pas rendues compte qu'entre le 1er janvier 2021 et maintenant, ils ont parfois consommé un hectare parce que la loi ne dit pas que ce qui est artificialisé, c'est l'endroit où il y a la maison où réellement s'artificialiser. Mais si vous faites construire sur un terrain de 2000 mètres carrés, c'est votre terrain entier qui est conseillé comme artificialisé. Généralement, sur un terrain, il y a des pelouses, il y a des arbres. Ce n'est pas qu'artificialisé. Et en fait, ce que demande Laurent Wauquiez, c'est de prendre en considération l'artificialisation réelle et non pas putative liée à un découpage de terrain qui peut être de 2000, 3000 mètres carrés avec une maison dessus.

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