Mamadou Diallo, accusé du meurtre de Catherine Burgod. (Photo by OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

Meurtre de la postière de l'Ain : la piste Thomassin évacuée, le profil de Diallo questionné

Ce jeudi s'est ouvert le procès en appel de Mamadou Diallo, accusé du meurtre, en décembre 2008, de Catherine Burgod, postière de Montréal-la-Cluse. La défense a tenté de raviver la piste de l'acteur Gérald Thomassin pour semer le doute, sans succès.

Il flotte un parfum de déjà vu ce jeudi matin au palais des 24 colonnes de Lyon. Acquitté en première instance devant la cour d'assises de l'Ain en avril 2022, Mamadou Diallo est de retour devant la justice. Impeccablement apprêté, vêtu d'un costume bleu roi à la coupe ciselée, et d'une paire de mocassins à pampilles, l'homme de 34 ans qui comparaît libre est accusé d'avoir, le 19 décembre 2008, tué Catherine Burgod, postière à Montréal-la-Cluse, un village situé dans l'Ain sur les rives du lac de Nantua. Un temps suspecté, Gérald Thomassin, acteur césarisé, marginal et drogué, a disparu en août 2019. Près de 15 ans après les faits, la défense, assurée par la très médiatique Sylvie Noachovitch, a tenté de raviver la piste Thomassin, sans succès.

Le directeur de l'enquête de l'époque l'affirme à la barre, si "tous les témoins s'accordent à l'époque pour dire qu'il a eu une vie compliquée", les résultats des perquisitions menées à son domicile ne l'incriminent pas. Du sang est bien retrouvé chez lui, mais l'acteur affirme s'être coupé, une version confirmée par les expertises. "Nous n'avions pas d'éléments matériels contre Gérald Thomassin", lance-t-il. "Nous sommes d'accord, il n'a jamais fait de mal ?", interroge Me Jean-François Barre, conseil des parties civiles. Et le directeur d'enquête d'acquiescer : "Non, jamais."

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Le 19 décembre 2008, Catherine Burgod, postière à Montréal-la-Cluse, mère de deux enfants et enceinte de cinq mois et demi, était assassinée de 28 coups de couteau. (@DR)

"Je suis innocent, je n'ai pas tué cette pauvre femme"

Les preuves matérielles ont pesé contre Mamadou Diallo, qui a reconnu avoir volé de l'argent de l'agence postale mais nie formellement le meurtre. Son ADN a été retrouvé sur un sac de sport ainsi que sur le monnayeur de l'agence. L'accusé assure avoir quitté les lieux et n'avoir pas prévenu les secours de peur d'être suspecté. Au moment de dresser son portrait en ouverture de l'audience, l'accusé apparait comme un homme bien sous tous rapports, au profil du gendre idéal. Il lance d'emblée : "Je suis innocent, je n'ai pas tué cette pauvre femme." Issu d'une fratrie de quatre enfants, il raconte "avoir été élevé dans le respect d'autrui", par un mère ouvrière en plasturgie, aimante "qui a fait tous les sacrifices pour nous". Passionné de football, il manque son bac professionnel et rejoint le monde du travail en 2012, quatre ans après le meurtre de Catherine Burgod. "Pourquoi êtes-vous devenu ambulancier", interroge Eric Chalbos, le président de la cour. "J'ai toujours aimé aider les autres, à la base je voulais faire gendarme", répond sereinement Mamadou Diallo.

Lire aussi : Lyon : début du procès en appel de Mamadou Diallo, acquitté du meurtre d'une postière dans l'Ain

L'ADN peut-il condamner Mamadou Diallo ?
C'est une petite phrase de l'un des enquêteurs appelés à la barre qui a fait sortir de ses gonds Me Noachovitch. Selon lui, la quantité d'ADN de Mamadou Diallo, mélangé à celui de Catherine Burgod, retrouvé sur la scène de crime, impliquerait que ce dernier ait perdu du sang sur les lieux du meurtre. "Il aurait pu se couper par exemple", a-t-il lancé. Les experts de la police scientifique témoigneront à la barre dans les jours à venir, l'accusation ne manquera pas de rebondir sur ces déclarations. Un sac à chaussure de la marque Gibert, qui produit notamment de chaussures de sport à crampons, a été retrouvé dans l'agence postale, portant l'ADN de Mamadou Diallo. Selon Me Barre, avocat des parties civiles, ce sac aurait été "amené pour, semble-t-il, récupérer des espèces".

L'accusé est décrit par une amie comme un garçon au "comportement discret, respectueux". Le président de son club de foot de Nurieux-Volognat parle de lui comme d'"un joueur exemplaire, qui n'a jamais été violent, plutôt du genre à prendre les coups". Mais pour l'accusation, ce profil interroge. "Comment fait-on au quotidien, avec l'empathie qui vous caractérise, lorsqu'on a vécu cette scène ?", lance, l'avocat général Eric Mazaud, qui avait requis 30 ans de réclusion criminelle en première instance. D'autant que cette scène n'est qu'"horreur" confie lui-même un enquêteur pourtant chevronné.

"Une personne lambda quitte les lieux immédiatement et donne l'alerte"

Lorsque les photos prises par les enquêteurs sont diffusées, les enfants de Catherine, Cédric et Justine quittent la salle, accompagnés du reste de la famille présente à l'audience. Mamadou Diallo lui, détourne le regard. Les images de l'extérieur du bureau de poste défilent, puis on pénètre dans cette agence "de poupée", ainsi surnommée par les habitants. Une mare de sang dans un coin de la pièce, des traces de sang sur le sol, les murs, et le corps de la victime, totalement désarticulé, gisant sur le sol.

"Une personne lambda quitte les lieux immédiatement et donne l'alerte", estime encore l'enquêteur à la barre, ne manquant pas de faire réagir Me Noachovitch. Quitter les lieux et donner l'alerte, c'est ce qu'a fait l'ébéniste arrivé en premier ce matin du 19 décembre 2008 à l'agence postale. "Je suis entré, j'ai vu le corps et j'ai reculé immédiatement. J'ai dis, 'il faut appeler les pompiers", explique-t-il à la barre. Mamadou Diallo de son côté se défend : "J'ai essayé d'enfouir ça. Avec les années, c'était moins présent mais j'y pensais toujours." Et le procureur de rétorquer : "Mais vous n'avez pas eu envie de vous soulager de cela ?""Ma plus grande peur était que l'on m'accuse à tort, c'est ce qui se passe aujourd'hui", se défend, calmement l'accusé.

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